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Budget en baisse : Kevin Mayer a "peur pour l'avenir du sport français"

Le recordman du décathlon a "toujours eu l'impression qu'on voulait des grands sportifs mais qu'on n'en donnait pas les moyens", a réagi Kevin Mayer en réaction aux coupes budgétaires au ministère des Sports dans la loi de finances 2019.

Article rédigé par franceinfo, France Inter
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Kevin Mayer participe au Décastar de Talence (Gironde), le 16 septembre 2018. (NICOLAS TUCAT / AFP)

"J'ai peur pour l'avenir du sport français", a déclaré Kevin Mayer, vendredi 21 septembre sur France Inter. Le détenteur du record du monde du décathlon, s'inquiète des coupes budgétaires : le budget du ministère des Sports est  en baisse de 30 millions d'euros à partir de l'année prochaine.

Il estime que cette baisse de moyens est "antinomique avec le fait d'avoir bataillé pendant tant d'années pour avoir les Jeux olympiques", qui seront organisés à Paris en 2024. Les réformes actuelles suscitent son inquiétude pour le futur : "J'ai peur d'une génération où il y aura toujours des sportifs de haut-niveau, mais avec une densité qui baissera de 50%."

franceinfo : Le Comité national olympique sportif français lance une pétition en ligne en réclamant à l'État "que le sport compte". Vous comprenez cette inquiétude ?

Kevin Mayer : C'est plus que de la compréhension, c'est de l'inquiétude partagée. J'ai peur pour l'avenir du sport français. J'ai toujours eu l'impression qu'on voulait des grands sportifs mais qu'on n'en donnait pas les moyens. Ce qui se passe en ce moment me donne un peu raison. (...) On a réussi à avoir les Jeux olympiques [à Paris en 2024]. Pour moi, c'est un investissement. A travers le sport, il y a plein de valeurs que l'on peut véhiculer, et je n'arrive pas à comprendre le but de baisser les moyens alors qu'on vient d'avoir les JO. C'est antinomique avec le fait d'avoir bataillé pendant tant d'années pour les avoir. On peut enfin faire grandir une génération pour avoir énormément de résultats à Paris 2024 et que ça serve ensuite à notre société française. C'est à ce moment-là qu'on baisse le budget.

Qu'apportent les conseillers techniques et sportifs, dont l'organisation sera revue, sachant que Bertrand Valcin, votre entraîneur, en est un ?

La formation des athlètes et des coaches. Si, dans les associations sportives et les clubs, il n'y a pas un coach qui peut former d'autres coaches, on n'aura plus de formation pour les jeunes athlètes. Ce sera réservé au secteur privé, qui n'est malheureusement accessible qu'aux personnes aisées. Je ne sais pas si vous avez remarqué mais la plupart de nos sportifs ne viennent pas de milieux aisés. On le voit dans le football et beaucoup d'autres sports. C'est ce qui va nous manquer. J'ai peur d'une génération où il y aura toujours des sportifs de haut-niveau mais avec une densité qui baissera de 50%. (...) Je sais que c'est de l'argent, un investissement, mais à un moment donné il faut aussi se demander dans quoi on veut investir. Si on ne veut plus investir dans l'activité sportive et qu'on laisse les gens dans leur canapé, je ne sais pas à quoi va ressembler le monde. (...) [Si mon entraîneur n'était pas financé par l'État], je pourrais le payer parce que j'ai fait des bons résultats mais ceux qui sont dans en passe de pouvoir faire des bons résultats, comment peuvent-ils payer leur entraîneur ? Ils n'ont pas encore fait de bons résultats donc n'ont pas encore eu d'apports financiers pour le payer. Il n'y aura que les sportifs déjà bons qui pourront payer leur coach.

Estimez-vous que la France est à la traîne ?

On est totalement à la traîne, du point de vue de l'éducation. Le sportif n'est pas du tout assez mis en avant dans les universités, même à partir de l'école primaire. Il faudrait encourager les enfants à avoir des résultats. Bien sûr, le plus important c'est de participer, mais les résultats amènent des participants. (...) C'est une manière de faire, un certain engouement qu'il n'y a pas dans le sport français alors qu'il existe dans les autres pays. Aux États-Unis, même s'ils ont des défauts, l'engouement universitaire autour du sport est tellement énorme qu'il ne faut pas se demander pourquoi ils ont plus de résultats que nous dans le sport.

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