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Document franceinfo "Je ne peux plus voir ma famille", témoigne le judoka iranien forcé à perdre un combat aux Mondiaux de Tokyo

Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Article rédigé par Fabrice Rigobert, franceinfo
Radio France

Il y a deux semaines, le judoka iranien Saeid Mollaei a perdu ses deux derniers combats aux championnats du monde sous la pression politique de son pays pour éviter un adversaire israélien. Il a décidé de rompre avec l'Iran et de retourner en Allemagne, où il s'entraîne depuis un an. Loin de sa famille, il se prépare désormais aux Jeux olympiques de 2024.

Dans son polo noir à manches courtes, un peu étroit pour son imposante musculature, Saeid Mollaei, les oreilles boursouflées par de nombreuses joutes sur les tatamis, arrive d’un pas décidé, presque comme s’il s’apprêtait à combattre. Il y a deux semaines aux Mondiaux de Tokyo, cet Iranien champion du monde 2018 de la catégorie des moins de 81 kilos a perdu ses deux derniers combats. Une défaite sous la pression des autorités politiques de son pays, qui ne voulaient pas qu’il affronte sur le tapis le judoka israélien. Ce dernier est d’ailleurs devenu champion du monde 2019.

Il n’a rien oublié de ce qu’il a subi. Les messages via son entraîneur lui demandant de perdre dès les 8e de finale et ceux de son frère, intimidé en Iran. "Quand j’ai reçu les messages de mon frère, se souvient-il, j’ai pensé à ma famille, aux représailles éventuelles, aux menaces, je ne pouvais plus me battre correctement je n’étais pas concentré et j’ai perdu." 

En exil en Allemagne pour s'entraîner

Pour préserver ses chances de décrocher le titre olympique l’année prochaine à Tokyo, Saeid Mollaei a fait le choix de rompre avec son pays pour ne plus se retrouver dans cette situation.

C'est une interview exclusive pour un média francophone. Seul franceinfo a pu rencontrer Saeid Mollei. (FABRICE RIGOBERT / RADIO FRANCE)

Depuis 15 jours, le judoka, qui a quitté précipitamment le Japon, protégé par la fédération internationale, a continué de résister à la pression de ceux qui lui avaient demandé d’abandonner. Disposant d’un visa de deux ans, il est retourné en Allemagne où il s’entraîne depuis l’année dernière. Seuls quelques journalistes, dont franceinfo, ont pu le rencontrer.

Ils m'ont dit que je pouvais rentrer en Iran, qu'il n'y avait pas de problème, mais quand j'ai changé de numéro de téléphone et que j'ai refusé de leur répondre, le président de la fédération a fait passer le message qu'il fallait me convaincre de rentrer et d'arrêter de donner des interviews.

Saeid Mollaei

à franceinfo

Saeid Mollaei ne cache pas sa peur à l’idée d’un éventuel retour mais Il sait aujourd’hui qu’il ne peut plus rentrer. Son regard s’assombrit autant que sa détermination grandit : "J'ai fait ce choix, je ne peux plus voir ma famille. La réalité c'est que je ne peux même plus leur parler, je suis obligé de passer par un ami pour avoir de leur nouvelles". 

"Maintenant, je suis libre"

À 27 ans, il n’a qu’une idée en tête. Décrocher le titre olympique l’année prochaine à Tokyo, sous les couleurs de l’équipe des réfugiés de la fédération internationale ou avec le CIO, prêt à affronter tous les adversaires y compris le champion du monde israélien."Bien évidemment je le ferai, explique-t-il. J'ai dû accepter la loi iranienne quand je vivais en Iran, maintenant je suis libre, je veux combattre librement respecter la charte olympique pour gagner." 

Saeid Mollaei n’a pas demandé l’asile politique. Il attend de voir quelles décisions la fédération internationale qu'il ne cesse de remercier pour son aide, et le comité international olympique, prendront à l’encontre des autorités sportives iraniennes, passibles de lourdes sanctions.

Le témoignage de Saeid Mollaei au micro de Fabrice Rigobert

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