JO de Paris 2024 : comment le "nail art" est devenu un moyen d'expression pour les athlètes pendant la compétition

Pendant les Jeux, la communication des sportifs est très encadrée, laissant peu de place pour se distinguer. C'est pourquoi certains utilisent leurs ongles pour laisser leur empreinte et marquer les esprits.
Article rédigé par Florence Morel
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Les ongles de la sprinteuse américaine Sha'Carri Richardson avant sa demi-finale du 100 m au Stade de France (Seine-Saint-Denis), le 3 août 2024. (ANDREJ ISAKOVIC / AFP)

Courts ou longilignes, brillants ou mats... Depuis le début des Jeux olympiques de Paris 2024, les athlètes de tous les continents montrent leur détermination jusqu'au bout de leurs ongles. A l'image du sprinteur américain Noah Lyles, sacré champion olympique sur l'épreuve reine du 100 m dimanche 4 août, se prenant la tête dans ses mains peinturées de rouge, de blanc et de bleu après sa victoire.

Si sa manucure est plus discrète que le nail art fièrement affiché par sa compatriote Sha'Carri Richardson, médaillée d'argent sur le 100 m, elle montre que cet art de se décorer les ongles a gagné les terrains de sport. 

L'athlète américain Noah Lyles au Stade de France (Seine-Saint-Denis), le 4 août 2024. (ANDREJ ISAKOVIC / AFP)

La sprinteuse a fait de ses ongles très longs et colorés sa marque de fabrique. Au point que la presse l'interroge régulièrement sur cette extravagance, qu'elle dit inspirée de son idole, Florence Griffith-Joyner, triple championne olympique aux Jeux de Séoul en 1988 et toujours recordwoman du monde sur 100 et 200 m. Elle aussi affichait fièrement ses bouts de doigts. "Elle arrivait sur la piste et elle savait qu'elle allait dominer", confiait Sha'Carri Richardson à l'agence de presse américaine AP en juin 2021, quelques semaines avant les Jeux de Tokyo. "La manière dont elle le faisait était toujours pleine de grâce. J'ai toujours aimé ça. Si l'incroyable Flo-Jo avait des ongles longs, il n'y a pas de raisons pour que je n'aie pas moi aussi des ongles longs".

Une coquetterie qui se démocratise

Rare à l'époque, cette coquetterie a depuis conquis de nombreux sportifs. Au point que le village olympique propose aux athlètes un salon de beauté, avec un service de coiffure, de barbier et d'onglerie, qui a déjà accueilli plus de 500 champions, de plus de 100 nationalités différentes.

"On nous demande beaucoup les anneaux olympiques, les couleurs du drapeau du pays représenté ou du maillot, ou encore les symboles de Paris, comme la tour Eiffel", explique à franceinfo Christine Cabon, directrice de la communication de l'industriel Procter & Gamble, qui gère le salon. "C'est devenu très à la mode et extrêmement courant, analyse auprès du Huffington Post Sophie Lemahieu, conservatrice au musée des Arts décoratifs de Paris. Et puis, c'est quelque chose qu'on peut changer facilement selon l'événement. Donc c'est logique de se dire qu'il y a une manucure spéciale JO."

La sprinteuse américaine Florence Griffith-Joyner, lors des Jeux olympiques de Séoul, à l'été 1988. (TONY DUFFY / GETTY IMAGES)

Pour certains, la manucure est devenue une routine indispensable avant la compétition. "Tu sais que ça devient réel une fois que ta manucure olympique est finie", affirmait la joueuse de rugby à 7 Ilona Maher à ses 2,2 millions d'abonnés sur TikTok, juste avant d'arriver aux Jeux. Ou tout simplement un moyen de se détendre avant l'heure de vérité. "Que ce soit pour la coiffure, la barbe ou la manucure, on voit que les sportifs aiment se faire chouchouter", ajoute Christine Cabon.

Un moyen de se démarquer 

Surtout, cette tendance est devenue un moyen pour les sportifs de se démarquer sans enfreindre la charte olympique. Celle-ci est très claire : dans son article 50 (document PDF), il est stipulé qu'"aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse, ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement politique".

La nageuse palestinienne Valerie Tarazi a ainsi fait sensation sur Instagram en montrant ses ongles peints aux motifs des anneaux olympiques, du drapeau palestinien et du keffieh. Plus consensuelle, l'archère néerlandaise Laura van der Winkel a aussi mêlé références nationales et sportives, avec une tour Eiffel, des tulipes et les anneaux iconiques au bout de ses doigts.

La nageuse palestinienne Valerie Tarazi fait sensation sur Instagram avec ses ongles peints aux couleurs de la Palestine et des Jeux olympiques. (CAPTURE ECRAN INSTAGRAM)

"C'est le seul élément de notre tenue que nous pouvons customiser", constate Rémi Bassereau, joueur de beach-volley français qui a opté pour une manucure bleu-blanc-rouge. "Le Comité international olympique n'a pas de règles spécifiques concernant les ongles des athlètes", explique Séphora Talmud, consultante et coach en communication et marketing digital dans la mode, à 20 Minutes. Il peut néanmoins arriver que les fédérations prennent quelques restrictions, "et exigent des ongles coupés très court pour des raisons de sécurité et de praticité", précise-t-elle, citant les exemples des sports de combat comme la lutte, ou bien la gymnastique.

Les mains du joueur de beach-volley français Rémi Bassereau, le 30 juillet 2024 à Paris. (ROBERT F. BUKATY / AP / SIPA)

Au beach-volley, la couleur des ongles n'a aucune conséquence sur les performances des sportifs. Mais elle en a eu sur le regard de certains adversaires de Rémi Bassereau, peu habitués à voir des mains masculines colorées. "J'ai vu des athlètes de certains pays regarder mes ongles bizarrement, j'ai senti que ça ne passait pas trop à leurs yeux. Mais je me fiche vraiment des stéréotypes", raconte-t-il.

Justement, le Français avait à cœur de marquer les esprits. "Je me suis dit que ça serait joli sur les photos et qu'on verrait mes ongles, que ce soit sur le bloc ou sur l'attaque, qu'on ne pourrait pas les louper." Le volleyeur de plage a même pris quelques inspirations auprès de concurrents. S'il est qualifié pour les Jeux de Los Angeles en 2028, il décorera ses ongles avec les anneaux olympiques.

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