JO de Paris 2024 : des millions de bouteilles en plastique vidées dans des gobelets consignés, la promesse "zéro déchet" loin d'être tenue

Article rédigé par Nicolas Piquet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Des spectateurs tiennent des écocups Coca-Cola, pendant les JO de Paris 2024. Illustration. (SEBASTIAN KAHNERT / DPA)
Malgré l'installation de fontaines à eau ou à soda, sur de nombreux sites de compétition des Jeux olympiques de Paris 2024 les gobelets des spectateurs sont remplis avec des millions de bouteilles en plastique. D'autres sont distribuées aux athlètes, en dépit de la loi, selon plusieurs associations.

"Réussir la trajectoire zéro déchet et zéro plastique à usage unique" pendant les Jeux olympiques, voilà la promesse rédigée par le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (COJOP) de Paris 2024, dans “Notre engagement pour Paris 2024”, publié en 2020. Des Jeux zéro déchet ? Zéro plastique ? Une semaine après le début des épreuves, les spectateurs sont nombreux à constater le contraire sur les sites de compétitions. Et pour cause : leurs gobelets, réutilisables et consignés à deux euros, sont majoritairement remplis... avec le contenu de bouteilles en plastique, jetées aussitôt vidées.

Sur les réseaux sociaux, les messages ironisant sur ce service sont nombreux. Certaines associations écologistes prennent position, à l'image de France Nature Environnement (FNE), qui fustige les "dix millions de boissons" provenant, selon son estimation, de bouteilles en plastique pendant les Jeux. FNE décerne à Paris 2024 "la médaille d'or du greenwashing", pratique consistant à afficher une fausse ambition écologique tout en participant au dérèglement climatique. D'autres internautes diffusent des photos pour critiquer ces bouteilles vides, destinées à la poubelle quelques secondes après leur ouverture.

En plus des 1 200 fontaines à eau installées dans Paris, "700 fontaines" de sodas ont été installées sur l’ensemble des sites de compétition, indique Paris 2024, pour distribuer les boissons des spectateurs. Contacté, le COJOP explique que "sur certains sites temporaires, l'installation de fontaines à boissons était impossible", "faute de raccordement au réseau de distribution d'eau" ou "lorsque les caractéristiques du site rendent difficile la manutention de bouteilles en verre, comme à Versailles ou à Elancourt". Dans ces cas, "les boissons sont servies depuis des bouteilles en plastique recyclé" mais "ces bouteilles sont ainsi retenues à la source".

"En France environ 25% du plastique qui peut l’être est vraiment recyclé, là nous assurons un taux de recyclage à 100%"

Les organisateurs de Paris 2024

à franceinfo

France Nature Environnement (FNE), se basant sur un document confidentiel du COJOP, estimait en juin 2024 que "sur les neuf millions de boissons vendues au public, 6,4 millions [proviendraient] de bouteilles en plastique", soit plus des deux tiers. Depuis, Paris 2024 estime "la vente de boissons au grand public à 15,8 millions d’unités", dans un mail à franceinfo en date du 5 août 2024. À noter que l'exclusivité de la distribution de boissons pendant les JO a été attribuée à Coca-Cola, l'un des principaux sponsors de l'événement.

La promesse du zéro déchet plastique s'est peu à peu éloignée. D'ailleurs, à un mois du début des Jeux, Paris 2024 revoit ses ambitions à la baisse et indique s'être fixé "l’objectif de diviser par deux l’empreinte carbone des Jeux par rapport à la moyenne des éditions de Londres 2012 et Rio 2016". Par ailleurs, les bouteilles en plastique, même recyclables, nécessitent beaucoup d'énergie pour être recyclées et ne peuvent l'être qu'un nombre de fois limité avant de devoir rajouter à nouveau du plastique non recyclé.

Plastique toujours : les boissons sont finalement servies dans des "ecocups", des gobelets de la même matière, réutilisables. En tout, 13 millions d'ecocups ont été produites pour les Jeux olympiques et paralympiques. Elles sont vendues deux euros aux spectateurs, sous forme de consigne, et peuvent être rendues en buvette. L'association Zero Waste France s'inquiète cependant du risque que peu de gobelets soient restitués, si les spectateurs décident de les garder en souvenir.

Quatre millions de bouteilles pour les athlètes

Autre polémique, quatre millions de bouteilles en plastique ont, elles, été distribuées directement aux athlètes. Le COJOP évoque un impératif de santé publique, pour "éviter le dopage par sabotage" (lorsque des produits sont introduits dans les boissons pour tenter de disqualifier un concurrent), ce qui lui permet de contourner la loi française. En effet, la loi antigaspillage interdit depuis 2021 la distribution gratuite de bouteilles en plastique dans les établissements recevant du public, sauf en cas d'impératif de santé publique.

Plusieurs associations doutent de la validité de la raison invoquée par le COJOP, d'autant que plusieurs sports, notamment le tennis, se conforment déjà à la loi en proposant des gourdes aux athlètes. FNE, No Plastic In My Sea et Zero Waste France ont adressé, début juillet, une mise en demeure aux préfets de Paris et de la région Île-de-France, sans obtenir de réponse.

Pour Zero Waste France, c'est aux sponsors des Jeux olympiques, Coca-Cola en tête, d'être au rendez-vous de l'impératif écologique, rappelant sur son site qu'en 2023, "Coca-Cola a été élu pour la sixième année consécutive le pire pollueur plastique au monde, selon le réseau Break Free From Plastic, dont Zero Waste France est membre". L'association en appelle alors aux comportements individuels des spectateurs, en diffusant son Guide de l'éco-supporter. De quoi trinquer, sans "greenwasher".

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