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"L'humanité ne gagnera la bataille contre le climat que si elle défend des valeurs, et si elle a une vie commune", Jean Viard

C'est le grand weekend des 24 Heures du Mans, ce rendez-vous mythique des passionnés de sport automobile. Est-ce que ces grands événements dans le contexte climatique actuel vont savoir s'adapter ? 

Article rédigé par Jules de Kiss
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
11 juin 2022. Départ de la course des 24 Heures du Mans.  (JEROME FOUQUET / MAXPPP)

Les 24 Heures du Mans : arrivée prévue à 16h. D'ici là, le Grand Prix de Formule 1 d'Azerbaïdjan aura aussi été couru. Les sports mécaniques ont encore la cote alors que notre perception de la voiture évolue beaucoup. Les 24 Heures du Mans, dont le départ a d'ailleurs été donné par Patrick Pouyanné, le PDG de Total, qui fournit pour la première fois cette année, un carburant qu'on nous promet sans aucune molécule fossile et 100% durable.

Autre initiative pour faire de ces "24 Heures les plus vertes de l'histoire", comme disent les organisateurs, un ticket bas carbone qui est donné aux spectateurs en fonction de leurs moyens d'acheminement, qui peut offrir certaines réductions sur place. Décryptage avec le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au CNRS.

franceinfo : Est-ce que pour le sport automobile, dans le contexte actuel, c'est s'adapter ou mourir ?

Jean Viard : D'abord les 24 Heures du Mans, c'est vrai que c'est épique quand on les suit. Quand j'étais enfant, on lisait, on suivait ça. Il y avait des livres. Je me rappelle encore de petits romans d'adolescents. Donc c'est un imaginaire extraordinaire parce que ce n'est pas que de la vitesse et de l'endurance, c'est des équipes, il y a tous ces éléments-là qui sont à la fois techniques. C'est une aventure fantastique, ça se passe la nuit en plus, ça a énormément de force comme manifestation.

Après, c'est vrai que la question de la voiture est compliquée. Alors il faut dire une chose simplement : on n'a jamais eu autant de voitures. Les dames sont en train d'être de plus en plus nombreuses à passer le permis, puisqu'il y a un énorme décalage entre le permis de conduire des dames et le permis des messieurs. On n'est pas du tout en train de sortir de la civilisation de l'automobile. On ne peut pas parce qu'on a construit nos maisons partout dans la campagne. Et il y a 70% des gens qui habitent dans des maisons avec jardin, il faut bien qu'ils aient une voiture, On a construit une société bâtie sur la mobilité.

Est-ce qu'un jour il y aura des 24 heures du Mans avec des voitures électriques ? Est-ce qu'on va arriver à ce que c'est ces courses qui sont aussi des efforts, ce sont des hommes qui prennent des risques, enfin, ça a toutes les valeurs de l'aventure ! Est-ce qu'on va arriver à ce que ça soit complètement écologique. C'est compliqué. Toute l'activité humaine dépense de l'énergie.

Il faut savoir garder la fête, il faut savoir garder le voyage, c'est important de garder des plaisirs et des valeurs. Et après, comment on les rend compatibles avec une société écologique. Mais cherchons à ce que cela soit compatible, ne cherchons pas effectivement à bloquer tout ce qui peut a priori sembler contraire à l'évolution générale. Il faut au contraire l'intégrer dans le changement. C'est un peu comme quand on est passé du cheval à la voiture, c'est le même type de mutation. Y a toujours des courses de chevaux, les courses à Vincennes etc... On est un peu dans le même processus. 

C'est vrai que quand on pense sport automobile aujourd'hui, on pense à l'odeur de l'essence, aux moteurs qui vrombissent, à quelque chose de pas vraiment écologique. Vous, vous pensez que ces perceptions peuvent changer pour qu'à l'avenir, justement, les événements soient très différents et que ce soit accepté par tous les passionnés ? 

Je pense que c'est aux professionnels de trouver des solutions. C'est sûr que quand je me rappelle le bruit de mon ancienne Alfa Romeo quand j'étais étudiant, qui était un très vieux modèle, c'est sûr que c'est un charme tout à fait particulier, mais on réinvente du charme. C'est pour cela que je compare avec le cheval, parce que la plupart d'entre nous ne savons plus monter à cheval. Et donc on voit bien comment les choses se transforment. Mais je suis assez confiant dans le fait que les ingénieurs vont se débrouiller pour que ça reste amusant, parce que sinon ça ne marchera pas, c'est leur boulot, ça. 

Autre question liée à ces grands événements, comme les 24h du Mans, comme tout le circuit de Formule1, avec le déplacement de toutes les équipes, de tout le matériel, et on peut élargir aux Jeux olympiques, aux Coupes du monde de football, parce que les questions se posent par les défenseurs de l'environnement à ce moment- là.

Tout ça, c'est peut-être une gabegie, une gabegie écologique. Quand on pense à tout le kérosène que ça fait déplacer etc. Vous, qu'est-ce que vous dites ? Faut regardez ce qu'on y gagne aussi ? 

Je suis très favorable à ce que l'on puisse essayer au maximum que ça soit moins une gabegie, mais l'humanité ne gagnera la bataille contre le climat que si elle défend des valeurs et si elle a une vie commune. Si on se replie chacun dans notre tente, on va mourir chacun dans notre tente. Donc je crois qu'on n'a pas de choix. Et ce qui fait valeur, ce qui fait plaisir, ce qui fait fête, réunification de l'humanité comme les Jeux olympiques, mais bien sûr qu'il faut le protéger. C'est là qu'on est homme, quoi, tous ensemble.

Bien sûr qu'on connaît les arrangements, les trucs comme ça. Mais n'oublions pas quand même que ce sont ces grands événements mondiaux qui réunifient l'humanité d'un point de vue culturel, de son aventure commune, c'est ça qui peut nous aider à gagner ensemble la bataille climatique, il n'y a pas de gain climatique privé, il y a des actions de chacun et des actions de tous. Et s'il n'y en a pas dans ce jeu là, on va tous finir par disparaître. 

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