Cet article date de plus de deux ans.

Paris 2024 : à deux ans des Jeux paralympiques, quels sont les défis à relever concernant l'accessibilité ?

À 24 mois jour pour jour du début des Jeux paralympiques, Paris est en ordre de bataille. Un gros challenge pour l'ensemble des acteurs concernés, notamment sur l'accès des personnes en situation de handicap.

France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
Les athlètes de l'équipe de France devant l'Hôtel de ville de Paris à leur retour des Jeux paralympiques de Tokyo, le 6 septembre 2021. (RAPHAEL LAFARGUE)

Dans 732 jours, Paris va devenir, pour la première fois de son histoire, le théâtre des Jeux paralympiques d'été. Des milliers d'athlètes ont rendez-vous, du 28 août au 8 septembre 2024, dans la capitale pour le plus gros événement mondial dédié au parasport.

>>> A lire aussi : "Les Jeux paralympiques en France peuvent être un modèle pour le reste du monde", affirme le président du Comité international

Avec plus de 3,4 millions de billets mis en vente - un record pour une édition des Jeux paralympiques - le Comité d'organisation (Cojo) espère bien mettre en lumière les 23 disciplines inscrites au programme officiel. Mais en parallèle, à J-2 ans, il doit également garantir les meilleures conditions d'accueil pour tous les publics, y compris aux personnes en situation de handicap. Si la problématique de l'accessibilité est centrale, celle-ci recoupe plusieurs défis que Paris 2024 et ses partenaires doivent relever.

Résoudre l'épineuse question des transports en commun

Autant le préciser tout de suite : non, toutes les lignes du métro parisien ne seront pas accessibles aux personnes en situation de handicap d'ici deux ans. Emmanuel Macron en personne l'avait indiqué dans L'Equipe fin juillet. "Il ne s'agit pas d'une question d'argent mais d'infaisabilité technique pour respecter les critères de sécurité", précise Île-de-France Mobilités, qui organise le réseau de transport régional. 

Alors que les nouvelles lignes du Grand Paris Express (15 à 18) verront le jour après les Jeux, la ligne 14 sera donc la seule à 100% accessible. Des travaux de prolongement sont en cours jusqu'à Saint-Denis-Pleyel au nord, et à l'aéroport d'Orly au sud. En revanche, tout le réseau de bus intra-Paris est accessible aux personnes à mobilité réduite. Il en sera de même d'ici 2024 pour les villes de petite couronne et pour plus de 500 lignes en grande couronne, et également pour 13 lignes de tram dans toute la région.

Côté trains, plusieurs gares sont en travaux afin de les rendre accessibles et permettre à toutes celles et ceux en situation de handicap (non-voyants ou malvoyants, malentendants ou sourds...) et n'habitant pas dans la capitale de pouvoir se déplacer. Les lignes de RER sont d'ores et déjà accessibles. Reste, en amont, à évaluer le nombre d'usagers.

Car les flux de spectateurs en fauteuil s'annoncent important, bien au-delà des habituels transports du quotidien. "On sait que cela va être compliqué de transporter ces personnes dans les lignes de train qui vont être très fréquentées", annonce Laurence Debrincat, directrice des prospectives et des études d'Île-de-France Mobilités. Des messages invitant au télétravail vont être déployés auprès des employeurs et acteurs économiques, notamment lors de la rentrée de septembre 2024, qui coïncidera avec la suite et fin des Jeux paralympiques.

Trouver des solutions de mobilité alternatives

L'une des solutions, en marge des transports en commun, devrait être des navettes-bus qui seront mises à disposition pour les spectateurs à proximité des gares afin de desservir certains sites de compétition plus éloignés, comme l'équitation (Château de Versailles) ou le canoë et l'aviron (Vaires-sur-Marne). Pour les accrédités - athlètes, staffs, médias... - si un appel d'offres a été lancé fin juillet afin de déterminer le type de transports, il devrait s'agir de véhicules (bus, cars) adaptés et accessibles.

Des voies seront réservées sur les autoroutes et d'autres mesures sont en cours de définition avec les gestionnaires de voirie, en dehors du réseau autoroutier national, pour garantir un accès le plus limpide possible aux sites d'entraînement et de compétition.

"Aussi, les spectateurs qui ont leur propre véhicule adapté et souhaitent l'utiliser pour se rendre sur les sites pourront réserver leurs places de parking, ouvertes uniquement aux personnes ayant des billets UFR (usagers en fauteuil roulant)", complète Laurence Debrincat.

Gonfler la flotte de taxis adaptés

Fin mai, le gouvernement a officialisé l'entrée en vigueur d'une aide financière pour l’achat ou la location de véhicules adaptés pour les exploitants taxis. L'objectif est concret : avoir 1 000 taxis parisiens équipés de rampes d'accès, utiles pour transporter des fauteuils électriques parfois très lourds, d'ici au début des Jeux paralympiques en 2024. 

Pour promouvoir son service "Access", à destination des personnes à mobilité réduite, la compagnie de taxis parisiens G7 a signé un partenariat avec la joueuse de tennis fauteuil Charlotte Fairbank. "L'ambition est de la soutenir, bien entendu, mais aussi qu'elle nous aide à développer ce service d'utilité publique, afin qu'une personne en situation de handicap puisse commander sa course normalement, sans s'y prendre 2-3 jours à l'avance", explique Yann Ricordel, directeur délégué des taxis G7. "Pour un chauffeur, être formé à plier un fauteuil, à réaliser un transfert, poser les bonnes questions, cela peut tout changer", précise la 29e joueuse mondiale.

Mettre en accessibilité universelle les sites 

Pièces maîtresses des prochains Jeux paralympiques, les sites de compétition, d'entraînement mais aussi le village des athlètes font l'objet d'une réflexion spécifique sur la mise en accessibilité universelle, c'est-à-dire "l'accès à tout, pour tous"

Dans cette logique, la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), établissement public d'État supervisant la construction de l'ensemble des sites pérennes, travaille en collaboration avec plusieurs maîtres d'ouvrages. Piscines parisiennes, gymnases en Seine-Saint-Denis et dans la capitale, Arena Porte de la Chapelle, rénovation du Stade de France... En tout, plus d'une soixantaine d'ouvrages et opérations d'aménagement sont concernées. Le village des athlètes, avec notamment une signalétique inclusive multisensorielle, en est le principal emblème.

"Cette question de l'accessibilité universelle est cruciale dans la transformation de notre manière de faire la ville, de construire les bâtiments, les espaces publics de demain", précise Antoine du Souich, directeur de la stratégie et de l’innovation à la Solideo. "On veut tirer profit des Jeux paralympiques pour faire avancer la prise en compte sociale et sociétale des enjeux liés au handicap." Et laisser, également, un héritage méthodologique duplicable pour d'autres projets.

Amener le parasport au sein des clubs

"L'accessibilité, ce n'est pas seulement se rendre à un événement, c'est aussi l'accès à un lien social pour la personne en situation de handicap et cela passe par la pratique sportive. La première barrière, c'est l'inquiétude du club qui ne sait pas comment faire, comment les accueillir."

En charge de l'intégration paralympique à Paris 2024, Ludivine Munos suit de très près cette problématique. Experte en consultation auprès du Cojo, l'ancienne nageuse aux 12 médailles paralympiques a accompagné le financement d'une formation para-accueillante mise en oeuvre par le Comité paralympique et sportif français (CPSF), en partenariat avec la Fédération handisport (FFH) et de sport adapté (FFSA). Après une demande formalisée par les collectivités territoriales intéressées, l'objectif est de permettre à chaque club volontaire, qu'il soit paralympique ou non, d'être accompagné sur une meilleure compréhension du handicap et la prise en charge de son équipement, selon les disciplines. 

Cette formation, ainsi que le Fonds de dotation Paris 2024 - qui vise à soutenir des projets d'intérêt général utilisant notamment le sport comme moyen d'inclusion - doivent permettre la multiplication des sections parasportives sur le territoire. Pour rappel, selon une étude sport handicap de 2018, 48% des personnes en situation de handicap ne pratiquent pas une activité physique et sportive.

Favoriser l'inclusion dans la ville

Des quartiers en accessibilité universelle, en plein Paris. La promesse est de taille. Mise au défi par le Comité international paralympique (IPC) dès 2018, la Ville a ciblé a minima 17 quartiers - un par arrondissement administratif (après regroupement des 1er, 2e, 3e et 4e) - qui vont bénéficier d'un développement particulier d'ici 2024 . Le but : permettre à tous d'accéder aux services du quotidien (hébergement, commerces, sports, écoles, santé, culture) dans un espace public adapté. 

La mairie de Paris veut mettre en accessibilité "augmentée" 17 quartiers, un par arrondissement, dans la capitale d'ici 2024. (Ville de Paris)

Une carte interactive doit également être déployée afin de déterminer quels équipements sont accessibles aux personnes en situation de handicap souhaitant se rendre dans ces quartiers. Signalétique précise et trottoirs plus larges feront partie de ces aménagements. 

En parallèle, Paris entend stimuler davantage l'écosystème autour du handicap. Paris&Co, l’agence de développement économique et d’innovation de la ville et de la métropole, a lancé en 2019 un accélérateur de projets innovants destinés à faciliter la vie des personnes en situation de handicap. Parmi les start-ups retenues, on retrouve notamment Omni, le récipiendaire du grand prix du concours Lépine qui propose un système de déplacement combinant une trottinette électrique et un fauteuil roulant. L'entreprise accompagnera la ville lors des Jeux olympiques et paralympiques.

Profiter des tests grandeur nature

S'il reste deux années à Paris 2024 pour tenir la promesse de l'accessibilité, la capitale pourra compter sur plusieurs événements pour réviser ses gammes. Les Mondiaux de para-athlétisme - deuxième plus gros événement de parasport après les Jeux paralympiques - sont attendus au stade Charléty du 8 au 17 juillet 2023. Quelques semaines plus tard, ce sera au tour du rugby d'accueillir, en même temps que la Coupe du monde (8 septembre au 28 octobre 2023), le Mondial de rugby-fauteuil dans la capitale.

Deux bonnes occasions pour la ville de mettre à l'épreuve ses fan-zones prévues pour les Jeux, notamment la plus importante à la Villette. "Cela va nous permettre de travailler en situation réelle sur ces questions d'accessibilité, avec un certain nombre d'animations partagées pour des personnes en situation de handicap", précise Pierre Rabadan, adjoint à la mairie de Paris en charge du sport. 

Pour les volontaires aussi, ces répétitions générales revêtent une importance particulière afin de rôder au mieux le rôle de chacun. L'été dernier sur le site de célébration des athlètes tricolores au Trocadéro, 10 (sur 60) d'entre eux étaient en situation de handicap. "Il y en aura beaucoup plus en 2024", promet-on du côté du Cojo et de la ville de Paris.

Lancez la conversation

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.