Paris 2024 : cent ans après les derniers Jeux olympiques dans la capitale, que deviennent les infrastructures des JO de 1924 ?
Un mot d'ordre, "l'héritage". Si les organisateurs des Jeux olympiques de Paris 2024 espèrent voir leurs infrastructures durer dans le temps, celles des Jeux de 1924 ont pour la plupart survécu et sont toujours utilisées par des clubs parisiens. La plus importante, le stade départemental Yves-du-Manoir de Colombes (Hauts-de-Seine), où s'est notamment déroulée la cérémonie d'ouverture en 1924, va même accueillir une deuxième édition des JO, avec les épreuves de hockey sur gazon. Il est inauguré mardi 19 mars, après d'importants travaux de rénovations. Trois autres infrastructures existent encore.
Le stade départemental Yves-du-Manoir de Colombes (92)
"De l’aveu même de son architecte, ce n’était pas un stade qui devait durer", affirme Michaël Delépine, auteur du livre Le bel endormi : histoire du stade de Colombes. Pourtant, l’enceinte va accueillir pour la deuxième fois les Jeux olympiques, cent ans après la première. En 1924, le stade Yves-du-Manoir était le site principal de l’événement, et avait accueilli le rugby et le football à partir du mois de mai, deux mois avant la cérémonie d’ouverture, ainsi que les épreuves d’athlétisme.
Cependant, il n’était pas la solution préférée des organisateurs. "C’est un site qui a une existence avant les Jeux, puisque c’était un champ de courses à la fin du XIXe siècle et un stade athlétique dès 1907. Il recevait aussi des compétitions internationales de foot et de rugby. Mais s’il est utilisé pour les JO de Paris 1924, c’est parce que le comité d’organisation et l’administration parisienne ne s’entendent pas sur l’édification d’un grand stade à Paris, raconte Michaël Delépine. Deux ans avant les Jeux, le Racing Club de France, qui louait le site, propose de gérer lui-même la construction d’un grand stade, ce qui est immédiatement accepté par le Comité olympique français". Le premier village olympique sera installé à quelques centaines de mètres de là, une soixantaine de baraquements en bois avec de l’électricité et de l’eau courante. Un bureau de change, de poste, une blanchisserie, un kiosque à journaux et un salon de coiffure se trouvent également sur le site.
Le stade de Colombes devient alors le plus grand stade français de l’époque, doté d’équipements novateurs, comme des haut-parleurs, un tunnel pour accéder à la pelouse sans passer par la piste d’athlétisme, un espace dédié à la presse ou encore un tableau d’affichage. Et pendant 50 ans, il sera le stade national, qui verra passer les plus grandes figures du sport, françaises et internationales, comme Emil Zatopek, Michel Jazy, Pelé ou encore Lev Yachine. "C’est un stade qui, à chaque fois qu’on a annoncé sa destruction ou son remplacement, renaît de ses cendres. Quand Paris obtient l’organisation des Jeux en 2017, ça fait 30 ans que les projets de rénovation s’enchaînaient sans aboutir, et le stade est finalement transformé", poursuit Michaël Delépine.
Certaines de ses tribunes, interdites au public dans les années 1980, ont été détruites, tout comme les pesages. La tribune historique est conservée et rénovée et accueillera du public pour les épreuves de hockey sur gazon cet été. "Le département, propriétaire du lieu, a même financé des travaux pour aller rechercher les couleurs d’origines, ocre et bleu. Le public va s’installer dans une tribune qui a subi peu de modifications. Des rangées ont été ajoutées, et évidemment, ils ne vont pas être dans les bancs en bois de 1924. Mais ils vont être dans la même atmosphère qu’à l’époque avec des poteaux qui peuvent gêner la vue", explique Michaël Delépine. Deux nouveaux bâtiments ont également été construits, dont un qui fera office de stade annexe pour le hockey, avec des bureaux qui accueilleront la fédération française. Des gradins provisoires seront également installés cet été pour élever la capacité d’accueil du site.
La piscine Georges Vallerey à Paris (XXe)
Anciennement piscine des Tourelles, avant d’être renommée en hommage au nageur Georges Vallerey, médaillé de bronze aux JO de 1948 et multiple recordman d’Europe, l’infrastructure a été construite à l’occasion des JO de 1924. Située dans le 20e arrondissement de la capitale, elle a accueilli les épreuves de natation, de plongeon et de water-polo dans son bassin de 50 mètres, le premier de cette longueur en France. Autres "premières" pour les Jeux olympiques de l’époque : le bassin est découpé en lignes d’eau grâce à des bouchons de lièges et les plots de départ sont surélevés. La piscine des Tourelles sera ainsi le théâtre des exploits de l’Américain Johnny Weissmuller, triple médaillé d’or, avant sa reconversion en acteur et sa célèbre incarnation de Tarzan au cinéma.
Les anneaux olympiques sur la façade ne trompent pas, et ils sont désormais aussi présents à l’intérieur de cette piscine qui va accueillir les entraînements des délégations olympiques en 2024. Pour cela, son toit rétractable, installé en 1989, a été changé au profit d’un nouveau composé de matériaux plus durables. Les systèmes d’éclairage et de traitement de l’eau ont aussi été modernisés, pour un montant total de 12,5 millions d’euros, cofinancés par la ville de Paris et la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques). En 2024, les épreuves de natation auront lieu à la Défense Arena de Nanterre.
Le Vélodrome "La Cipale" à Vincennes
Surnommé "La Cipale" comme abréviation de "vélodrome municipal", puis plus officiellement nommé "Vélodrome Jacques Anquetil" après la mort de ce dernier en 1987, le site du Bois de Vincennes peut se vanter d’avoir accueilli deux éditions des Jeux olympiques, en 1900 et 1924. Il y a cent ans, il était le théâtre des épreuves de cyclisme sur piste, pendant que le Vélodrome d’Hiver, détruit après avoir connu l’une des pages les plus sombres de l’histoire de France durant la Deuxième guerre mondiale, accueillait l’haltérophilie, l’escrime et la boxe. Classée monument historique, "la Cipale" est conservée dans un état proche de celui de son passé, durant lequel elle a aussi été le lieu de l’arrivée du Tour de France, entre 1968 et 1974, avec les cinq sacres d’Eddy Merckx.
Ses tribunes, de modèle Eiffel, sont toujours debout, et la piste a connu quelques modifications. "Il y a moins d’une dizaine d’années, l’anneau a été modifié dans son tracé, sans changer sa dimension, car la pelouse est désormais ouverte aux compétitions de rugby et la FFR a exigé une modification du diamètre de la piste pour respecter les dimensions d’un terrain de rugby", explique Bertrand du Tourtier, membre le plus ancien du Velo Club des vétérans parisiens, l’un des deux clubs résidents de la piste. Des gradins découverts, en haut des virages, ont aussi été supprimés même si quelques traces de leur existence persistent. Longue de 500 mètres, la piste de la Cipale ne correspond plus aux normes olympiques, puisque celle de Saint-Quentin-en-Yvelines, comme beaucoup d’autres enceintes modernes, font désormais 250 mètres.
Le fronton Chiquito De Cambo à Paris (XVIe)
Cent ans plus tard, le symbole aurait été beau, mais la candidature de la pelote basque pour être un sport additionnel aux JO de Paris 2024 n’a pas été retenue. En 1924, la pelote basque était un sport de démonstration, comme au Mexique en 1968 et à Barcelone en 1992, qui donnait lieu à des compétitions, mais qui ne figurait pas au palmarès des Jeux olympiques.
Les rencontres, auxquelles participaient seulement deux nations, la France et l’Espagne, se déroulaient au fronton Chiquito de Cambo, dans le 16e arrondissement de Paris. Désormais partagé par plusieurs équipes de pelote basque franciliennes, le fronton vient d’être refait à neuf, tout comme la cancha (l’aire de jeu). Les gradins ont aussi été détruits pour être remplacés par quatre terrains de padel. "La disparition des gradins est dommageable pour l’accueil de grandes parties de pelote basque. Il y a quelques années, ils étaient pleins et on pouvait assister à des parties où l’élite de la pelote française se produisait. Mais il faut reconnaître que la notoriété de notre sport a décliné en Île de France depuis quelques années", regrette Alain-Yves Detroyes, président du club Paris Euskal Pilota.
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