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Paris 2024 : "J'étais bloqué à une trentaine de mètres du sol comme dans les Bronzés"... Ces athlètes racontent leur relais de la flamme olympique

Si Paris n'a plus accueilli les Jeux depuis 1924, la flamme olympique y est passée à plusieurs reprises. Les athlètes français qui ont eu la chance de participer à ces relais dans les rues de la capitale reviennent avec fierté sur cette expérience.
Article rédigé par Gabriel Joly, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
L'athlète Stéphane Diagana sur une tyrolienne installée depuis le premier étage de la Tour Eiffel lors du relais de la flamme olympique avant les Jeux d'Athènes, le 25 juin 2004. (PIERRE VERDY / AFP)

En dévoilant le parcours de la flamme olympique dans l'Hexagone, vendredi 23 juin, le Comité d'organisation des Jeux de Paris 2024 (Cojop) a ajouté une pierre sur le chemin menant vers l'événement. Depuis le 1er juin, chacun peut tenter de devenir l'un des 10 000 anonymes à porter le symbole de l'olympisme l'année prochaine. Franceinfo: sport  est revenu, avec plusieurs athlètes français, sur leur expérience passée de relayeur.

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"Au moment de me transmettre la flamme, les avant-derniers porteurs m’ont dit  : 'Nous sommes fiers que ce soit vous, Monsieur Platini  !' Ça m’a fait plaisir." Trente ans après, l'émotion du footballeur Michel Platini semblait intacte au moment de revenir, dans les colonnes du Dauphiné Libéré, sur le dernier relais des Jeux d'hiver de 1992 à Albertville, qu'il a effectué au côté du jeune François-Cyrille Grange, le frère du skieur alpin Jean-Baptiste, alors âgé de neuf ans.

S'il est l'un des rares privilégiés à avoir pu enflammer la vasque d'un stade olympique, plusieurs autres sportifs tricolores ont porté la flamme lors de ses différents passages en France.

Fierté et transmission

Au XXIe siècle, la flamme a parcouru les rues de la capitale française à deux reprises : avant Athènes 2004 et Pékin 2008. Retraité des tatamis depuis son second titre olympique à Sydney, le judoka David Douillet était de ces rendez-vous. "Porter la flamme, c’est un moment très fort. C’est faire partie de cette immense chaîne de sportifs et d'inconnus, qui part de Grèce et qui fait le tour du monde jusqu’à son arrivée dans la ville hôte", raconte-t-il.

"Le relais de la flamme, c’est comme si on passait dans chaque ville du monde avec un clairon pour dire : 'Attention tout le monde, les Jeux vont démarrer !' Ça mobilise les populations."

David Douillet, double champion olympique de judo

à franceinfo: sport

"On s'inscrit dans une histoire olympique, dans une affaire de transmission, ajoute Stéphane Diagana, qui a porté la flamme à Paris, mais aussi à Londres en 2012 grâce à France Télévisions. Même si cette tradition est héritée des Jeux de 1936, donc pas l'année où les valeurs de l'olympisme ont été les plus mises en avant, c'est une immense fierté d'y participer", rappelle le quatrième du 400 m haies de Barcelone en 1992.

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D'autant que si les plus grands sportifs ont eu cet honneur, comme Mohamed Ali à Atlanta, ce relais permet également de "partager avec des gens moins médiatisés qui donnent toute leur vie pour leur discipline", selon l'ancien tennisman Arnaud Di Pasquale, médaillé de bronze à Sydney. "C'est ça la grande vertu des Jeux : on appartient à une grande famille où tous les sports sont représentés et mis à la même hauteur. Il n'y a plus de tennis, de basket, de lutte, de natation… On est tous égaux. Pour moi, qui suis issu d'une discipline où l'on débat encore pour savoir si elle doit être ou non aux JO, tenir la flamme, c'était aussi une façon d'affirmer un peu plus le tennis sur la scène olympique."

La peur du faux pas

Mais alors que tous les yeux sont braqués sur le porteur, les heureux élus se souviennent de leur crainte de commettre un impair. "On voit la flamme traverser le monde derrière la télévision, mais quand on se rend compte qu'elle est là, dans nos mains, on se dit qu'il ne faut pas vraiment se rater sinon c'est la honte, reconnaît l'ancienne gymnaste Isabelle Severino, qui a remonté l'Esplanade des Invalides en 2004.

"On a peur que la flamme s'éteigne ou que l'on trébuche. Je n'avais jamais fait de relais donc j'étais très concentrée sur la centaine de mètres à parcourir. Il n'y a rien de compliqué, on ne nous demande pas de faire un sprint, mais il y a une petite pression."

Isabelle Severino, ex-gymnaste et porteuse de la flamme en 2004

à franceinfo: sport

"On se sent un peu observé car cela reste un moment très solennel. Quand on brandit sa torche, on se rend compte de ce que ça représente : l'attention qu'il y a autour, le regard de la personne qui attend son relais, on sent une forme de responsabilité... Ce n'est pas une épreuve sportive, mais on a toujours la crainte d'être celui par qui le problème est arrivé", confirme Stéphane Diagana en habitué du haut de ses trois relais.

Un moment hautement politique

Reste que les problèmes arrivent parfois d'eux-mêmes. La journée du 7 avril 2008 avait ainsi été très perturbée alors que la flamme olympique voguait dans tout Paris, de la Tour Eiffel au stade Charléty. En cause, les contestations contre l'organisation des Jeux à Pékin alors que la politique chinoise menée au Tibet était perçue comme une atteinte majeure aux droits de l'Homme. "L'ambiance était très anxiogène, très tendue en raison des manifestations. Cela devait être une fête pour nous, les athlètes, et finalement, on avait l'impression que l'on pouvait se faire cracher dessus", se souvient Arnaud Di Pasquale, dont le relais avait été interrompu par les "gardiens de la flamme chinois", chargés de s'assurer de la bonne tenue de l'événement.

"On était remontés dans le bus mis à disposition des relayeurs. L'itinéraire avait évolué le jour même et nécessitait des policiers et de la sécurité partout. C'était 'on y va, on n'y va pas ?'... En plus, il ne faisait pas beau. Bref, toutes les conditions n'étaient pas réunies pour que cela se passe bien", poursuit l'ex-numéro 39 mondial. Quelques relais plus loin, Anne-Lise Touya a, elle, eu "la chance de porter la flamme sans encombres" sur les Champs-Elysées. "C'était stressant car on mélangeait l'olympisme avec le contexte géopolitique et à l'époque, j'avais l'impression que l'on ne nous laissait pas vivre ce moment. On nous gâchait cette joie partagée", explique l'ancienne escrimeuse, consciente tout de même de son privilège alors que d'autres relayeurs, pourtant prévus ce jour, n'avaient jamais pu s'approcher du feu sacré.

Des manifestants pro-Tibet réunis sur le parvis du Trocadéro pour protester contre les Jeux olympiques de Pékin pendant le relais de la flamme, le 7 avril 2008. (MAXPPP)

Alors qu'il devait le transmettre à Teddy Riner devant le bâtiment de Canal+ - qui co-diffusait les Jeux avec France Télévisions -, David Douillet s'était vu éteindre son flambeau par des officiels chinois. "Ils étaient complètement paniqués, c’était aberrant. Au final, on a rallumé la flamme et je l'ai filée à Teddy plus loin, mais tout était assez désordonné", en rigole désormais celui qui était alors co-président de la commission des athlètes du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Une position qui l'avait conduit à négocier, avec l'organisation et le CIO, pour que les compétiteurs puissent porter un badge en faveur des droits de l'Homme pour protester contre la Chine sans compromettre leur participation aux JO.

"Pour un bon nombre de personnes, l'olympisme est quelque chose d’assez abstrait. On se dit que c’est juste Pierre de Coubertin qui a remis les jeux antiques au goût du jour. Mais c’est surtout 10 000 sportifs qui nous procurent à tous des émotions et qui représentent le monde entier : tous les continents, toutes les religions, toutes les couleurs de peau… C’est un symbole de l’universalité et de la paix entre les peuples. Avec la flamme entre les mains, je prenais la mesure de tout ça", détaille l'ancien ministre des Sports.

Des relais originaux

S'il a "failli se faire agresser par une élue des Verts" qui souhaitait lui éteindre sa torche en 2008, Stéphane Diagana a eu l'occasion de défiler avec originalité quatre ans plus tôt sur la Tour Eiffel. "Mon relais consistait à monter au premier étage et descendre en tyrolienne avec la flamme. Seulement une corde de rappel était tombée et avait fait des nœuds pendant ma descente, si bien que je suis resté pendant un moment bloqué au-dessus du Champ de Mars, à une trentaine de mètres du sol. C'était vraiment comme dans les Bronzés", se souvient le hurdler, hilare.

Mais il n'est pas le seul à s'être envoyé en l'air avec la flamme cette année-là, puisque David Douillet était lui aussi descendu du Stade de France en rappel avec sa torche. "Mon souci, c’était surtout de ne pas brûler ma corde ! Mais sinon défier la gravité, c’était assez innovant pour un poids lourd", sourit le judoka.

L'ancien judoka David Douillet descendant en rappel du Stade de France avec la flamme olympique, le 25 juin 2004. (JEAN-PIERRE MULLER / AFP)

Des souvenirs qui ne risquent pas de s'effacer de la mémoire de ces athlètes. D'ailleurs, tous ont eu l'opportunité de conserver leurs flambeaux après leur relais. Une aubaine pour Anne-Lise Touya : "C'est l'un des moments les plus forts de ma carrière, donc j'ai exposé ma torche chez moi et chacun de mes enfants a sa photo avec", sourit la quadruple championne du monde d'escrime. "Tout le monde n'a pas la flamme olympique dans son salon", renchérit Isabelle Severino, avouant régulièrement "faire la maligne" avec sa torche. "Pour les gens, c'est comme quand je montre une de mes médailles : quelque chose d'unique en son genre. D'autant que la mienne s'allume toujours vingt ans après."

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