JO de Paris 2024 : "La décision a été dure à encaisser"... Athlètes remplaçants, comment vivent-ils cette sélection particulière ?

Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
Pour chaque délégation olympique, des athlètes sont sélectionnés en tant que remplaçant. (Margaux Moroch / franceinfo: sport)
La délégation française pour les Jeux olympiques compte 571 athlètes titulaires et 51 remplaçants, qui pourront être appelés au pied levé, selon certaines conditions.

Rester sur le bord du terrain dans l'attente qu'une place se libère. Derrière la joie des athlètes sélectionnés, il y a aussi la déception immense de ceux désignés comme remplaçants ou réservistes. Aux Jeux olympiques de Paris 2024, la délégation tricolore compte 571 athlètes titulaires et 51 remplaçants. 

Parmi eux, la handballeuse championne olympique et du monde Grâce Zaadi. Ancienne capitaine des Bleues et cadre de la sélection depuis des années, la demi-centre de 31 ans va découvrir ce statut pour la première fois à Paris. "Pour être honnête, ça m'a piquée. (...) Je relativise beaucoup de choses. J'ai eu la chance d'avoir déjà beaucoup gagné dans ma vie, notamment les JO à Tokyo, et d'y avoir grandement contribué. Je suis là, je continue à faire ce que j'ai toujours fait : travailler, m'entraîner", a réagi la double championne du monde dans L'Equipe, le 8 juillet, jour de l'annonce de la composition de la délégation française.

Avec ce statut de remplaçante, Grâce Zaadi ne sera appelée en renfort que si l'une des titulaires déclare forfait. De là à l'espérer ? "Bien sûr que non, je ne souhaite de malheur à personne, répond dans ce même entretien la handballeuse. C'est une situation que je n'ai jamais vécue, je ne sais pas comment ça va se passer, même mon rôle dans la vie de groupe pour se sentir un peu utile..."  Remplaçant dans l'équipe de France de trampoline à Paris, Allan Morante confirme que le forfait d'un titulaire "n'est vraiment pas ce que l'on souhaite. Et même si cela devait arriver, je pense que je serais un peu gêné, puisqu'il s'est battu pour aller chercher sa place aux Jeux."

"Pour les athlètes, les JO, c'est le Graal"

Remplaçant à Rio, titulaire à Tokyo, avant d'être de nouveau sur le banc à Paris, il avoue avoir mal vécu de retrouver une place loin de l'action : "A Rio, j'étais jeune et je faisais mes armes. Cette fois, la non-sélection a été difficile à accepter, confie le champion d'Europe 2022. C'était d'autant plus dur que j’endossais le rôle de grand favori pour Paris, et que je domine mon sport en France depuis dix ans. Mais j'ai manqué de régularité cette saison", admet toutefois celui qui dit avoir "fait son deuil" et être désormais tourné vers de nouveaux objectifs. A commencer par celui d'épauler l'équipe de France. "C'est le rôle du remplaçant, à mon sens, et d'accompagner le titulaire jusqu'au jour de la compétition", insiste-t-il.

Pour la gymnaste Coline Devillard, absente du groupe titulaire à Tokyo en 2021, notamment à cause de blessures à répétition, être remplaçante a été "une belle expérience, mais un rôle difficile. Tu fais la même préparation que les autres, tu dois être disponible, t'oublier un petit peu... Et rentrer en France quand la compétition commence", racontait la triple championne d'Europe du saut au quotidien L'Équipe le 18 octobre 2021. A Paris, elle a gagné sa place dans l'équipe de départ.

La gymnaste Coline Devillard lors d'un rassemblement de l'équipe de France, à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep), à Paris, le 28 mai 2024. (MAXPPP)

Titulaire à Paris, comme à Rio en 2016, le triathlète Pierre Le Corre a également connu ce déclassement en n'étant pas sélectionné pour les Jeux de Tokyo en 2021. Un coup dur pour le sportif, alors âgé de 31 ans : "Pour les athlètes de haut niveau, les JO c'est le Graal, témoigne le champion d'Europe 2018. Le projet olympique dure quatre ans, cinq pour Tokyo, où l'on redouble d'efforts pour se qualifier, pour être le plus performant possible. En 2021, j'arrivais à maturité et je faisais partie des 10 meilleurs mondiaux, mais je n'ai pas été sélectionné. La décision a été dure à encaisser."

Plusieurs catégories de remplaçants

En fonction des sports, le statut de remplaçant n'est pas le même. "Les athlètes remplaçants officiels apparaissent dans le calculateur de la taille de la délégation, détaille Nicolas Scherer, directeur adjoint du pôle olympique et sport de haut niveau au Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et chef de mission adjoint pour Paris 2024. Leur nombre et les quotas sont définis par les fédérations internationales, ce qui explique que certains sports n'en ont pas. Ces remplaçants peuvent entrer en amont ou pendant la compétition." 

Mais, pour de nombreuses disciplines individuelles, les remplaçants n'apparaissent pas dans le palmarès en cas de médaille. "Au football, les remplaçants sont comptés dans l'effectif et reçoivent la médaille, la distinction du président, la prime, et tous les honneurs, même sans jouer la moindre minute [s'ils sont apparus au moins une fois sur une feuille de match]. En triathlon, les remplaçants sur le relais mixte ne sont pas cités. Ils n'ont rien. C'est assez regrettable", lance Benjamin Maze, directeur technique national du triathlon et du paratriathlon.

Une médaille d'or rapportera, cette année, à chaque athlète français une prime de 80 000 euros, 40 000 euros pour une médaille d'argent, et 20 000 euros pour le bronze, selon le décret publié le 30 janvier.

Le triathlète français Pierre Le Corre lors du triathlon de Quiberon (Morbihan), le 3 septembre 2022. (MAXPPP)

Parmi les remplaçants, les athlètes réservistes, déjà qualifiés sur une épreuve individuelle, peuvent être appelés sur une autre épreuve, comme une compétition par équipes. Certains athlètes peuvent aussi être intégrés par le dispositif du Late athlete remplacement, (remplacement tardif). "Ce système est mis en place depuis le 8 juillet à minuit, date de la clôture des inscriptions sportives, et jusqu'à la réunion technique des disciplines [24 ou 48 heures avant le début de la compétition]. Si un athlète sélectionné se blesse, on peut faire appel à un athlète non-sélectionné, mais qui apparaît dans la pré-liste des athlètes potentiellement sélectionnables établie par le CNO [comité national olympique] en mars", détaille Nicolas Scherer.

Si les fédérations internationales établissent leurs modalités de remplacement, les raisons acceptées pour y procéder sont, en revanche, écrites par le CIO. "Un athlète peut prendre la place d'un titulaire pour raison médicale, suite à une sanction disciplinaire pour dopage ou pour un comportement inapproprié allant à l'encontre de la charte olympique", expose Nicolas Scherer. Dans le cas d'une blessure, un certificat médical doit être signé par le médecin fédéral ou le médecin du CNO et doit être validé par le CIO afin que le remplacement soit effectué. "Dès lors que la procédure de remplacement est lancée, l'athlète titulaire doit quitter le village olympique et se voit retirer ses accès", souligne-t-il encore.

"Le moment le plus difficile de l'olympiade"

La responsabilité des sélections revient au directeur technique national (DTN) de chaque fédération, selon des critères établis en amont. Des choix lourds de conséquences et toujours difficiles à annoncer. "C'est terrible et c'est le moment le plus difficile de l'olympiade, confie Benjamn Maze, DTN du triathlon. Quand vous passez l'appel aux athlètes, vous brisez leur rêve olympique."

"Je sais ce que cet appel téléphonique représente. Si les athlètes sélectionnés l'oublieront vite, ceux qui ne le sont pas s'en souviendront toujours, tout comme moi."

Benjamin Maze, DTN de l'équipe de France de triathlon et paratriathlon

à franceinfo: sport

Mais tous ne le vivent pas ce statut comme une déception. Le cycliste franco-britannique de 22 ans, Oscar Nilsson-Julien, a, lui, célébré sa sélection en tant que remplaçant pour la poursuite par équipes et l'américaine. "Il y a deux ans, j'avais presque complètement arrêté la piste et quitté la fédération anglaise. La fédération française m'a alors proposé de changer de nationalité sportive, ce que j'ai fait, mais sans jamais imaginer participer aux Jeux. C'est un cadeau énorme de se retrouver à Paris", raconte-t-il, tout sourire.

De cette opportunité, Oscar Nilsson-Julien espère engranger de l'expérience en vue des Jeux de 2028 à Los Angeles. "Je vais participer à toute la préparation et, comme l'américaine a lieu le dernier samedi, je serai là jusqu'au bout, en mode sérieux", sourit-il. Pour celui qui a rejoint officiellement l'équipe de France il y a moins d'un an, cette place de remplaçant est comme un "rite de passage". "Il s'agira de ma première course avec l'équipe de France, ce qui me permet de me sentir vraiment intégré au groupe et encore plus Français."

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