Paris 2024 : la réintégration des athlètes russes est une "grande honte pour le sport", dénonce un nageur ukrainien

Le Comité International Olympique a officialisé vendredi le retour des athlètes russes et biélorusses pour les Jeux olympiques de Paris, "sous bannière neutre". Cette décision suscite beaucoup de remous, notamment chez les athlètes ukrainiens.
Article rédigé par Jérôme Val
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le nageur ukrainien Mykhailo Romanchuk lors des Championnats d'Europe de natation à Rome (Italie) le 16 août 2022 (ZSOLT CZEGLEDI / MTI)

Le nageur ukrainien Mykhailo Romanchuk participe cette semaine aux championnats d’Europe de natation en petit bassin, en Roumanie. Comme tout le monde, il a appris la décision du CIO, vendredi 8 décembre. Il a accepté d’évoquer sa colère pour franceinfo.

franceinfo : Quelle est votre réaction après la décision du CIO ?

Mykhailo Romanchuk : C'est une grande honte pour le monde du sport. La Russie attaque les villes ukrainiennes, les civils ukrainiens, les athlètes ukrainiens, les installations sportives en Ukraine. Et maintenant ils sont autorisés à participer aux Jeux. Ce n'est pas normal. Plus de 400 sportifs sont morts pendant la guerre. Et maintenant on les réintègre aux JO. Ce n'est pas juste. 

"La Russie ne respecte pas les règles de paix olympique. Ils l'ont fait trois fois, en 2008 en Géorgie, en Ukraine en 2014 et de nouveau dans mon pays en 2022. Donc même si on ne respecte pas ces règles, on peut participer aux Jeux."

Mykhailo Romanchuk

à franceinfo

C'est la même chose avec le dopage. Maintenant tout le monde peut se doper et être autorisé à participer. Ce n'est pas juste. C'est une grande honte pour le monde du sport.

Que pensez-vous des conditions posées pour le CIO pour participer aux Jeux, concernant par exemple la neutralité ?

Ce n’est pas suffisant. 90% des athlètes russes sont dans l’armée. C’est la même chose ailleurs : en Ukraine, en France… beaucoup d’athlètes sont intégrés à l’armée. Comment être neutre dans ces conditions ? Si vous ne soutenez pas l’armée, vous devez le dire haut et fort. On ne peut pas souscrire à cette condition. 

Les nageurs russes sont autorisés à nouveau à participer aux compétitions internationales et pourraient être aux Mondiaux de Doha, en février prochain.

C'est la même réponse. Pour moi si vous ne respectez pas la règle, la paix dans le monde, pourquoi êtes-vous autorisés à concourir ? C'est une grande honte pour tout le sport.

Est-il envisageable pour vous de nager à côté des Russes ?

Je dois faire mon travail. Ce que je sais faire de mieux, c'est nager et représenter l'Ukraine, parler avec vous et les autres dans des interviews. C'est mon travail. Je remercie les gens qui défendent notre pays. Ils ne défendent pas seulement l'Ukraine, mais ils défendent aussi l'Europe. Moi je dois nager car il n'y a rien d'autre que je puisse faire.

La Fédération internationale d’athlétisme a décidé de son côté de ne pas autoriser ce retour des Russes.

Sebastien Coe (le président de la FIA) est une personne courageuse. Je respecte sa décision de ne pas autoriser les Russes à concourir tant que la guerre n’est pas finie. Mon opinion, c’est que tout le monde devrait faire la même chose.

Comment se passe votre quotidien ?

Je lis les nouvelles tous les jours sur ce qu'il se passe en Ukraine. À la veille du début de ces championnats d'Europe ici à Bucarest, un nageur ukrainien né en 2005 est mort dans cette guerre. Je ne le connaissais pas personnellement mais il avait 18 ans. Il avait sa vie devant lui, il aurait peut-être pu dans le futur disputer les Jeux olympiques, peut-être devenir champion olympique. Mais maintenant il n'est plus en vie. 

"Les Russes l'ont tué. Et là nous les autorisons à participer. Comment est-ce possible ? Je ne comprends pas."

Mykhailo Romanchuk

à franceinfo

Où est-ce que vous vous entraînez aujourd'hui ?

Je suis de retour en Ukraine. J'étais en Allemagne, à Magdebourg, mais je suis de retour en Ukraine parce que j'ai décidé que je voulais aider l'Ukraine et l'équipe d'Ukraine à se relever. L'Ukraine a besoin des jeunes pour se relever, pour tout reconstruire. C'est pour ça que je suis de retour. Je suis dans l'ouest du pays. Mais presque toutes les piscines sont complètement détruites. Parfois on nage dans un bassin de 50m, mais pendant les alertes aériennes ce n'est pas autorisé donc nous devons sortir de l'eau.

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