: Reportage Paris 2024 : loin des bombardements, l'équipe ukrainienne de hockey sur gazon s'entraîne en France
Elles ont rassemblé les balles en formant un cœur. Un message de paix et de remerciement à la France, pour son accueil. Les hockeyeuses de l’équipe nationale d’Ukraine sont arrivées au Creps (Centre de ressources d’expertise et de performance sportive) de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine), jeudi 30 novembre. Ces dernières y ont élu domicile pour cinq jours pour préparer leur tournoi de qualification olympique, prévu en janvier. Un refuge loin de la guerre et des alertes à la bombe.
A peine remises d'un long voyage depuis l'Ukraine, elles ont foulé le terrain de hockey sur gazon pour la première fois, vendredi matin. "C’était très dur, le voyage a duré deux jours. Nos aéroports étant hors d'usage, nous sommes allées en bus jusqu’à Varsovie. Le trajet a duré vingt heures et ensuite, on a pris l'avion. En arrivant nous étions fatiguées, mais ce n’est rien comparé à la fatigue des combattants", retrace Tetiana Stepanchenko, gardienne de but, dont le compagnon et les deux frères se trouvent sur le front.
Son équipe est la première de la délégation ukrainienne à être accueillie à Châtenay-Malabry. En tout, environ 120 athlètes et 25 encadrants ukrainiens s’y succéderont jusqu’à l’ouverture du village olympique. "On avait déjà accueilli une délégation ukrainienne de paranatation au tout début du conflit. Ils étaient restés plus longtemps au sein de l’établissement. Les enfants étaient venus avec leur maman. Les papas n’étaient pas là, et pour notre équipe, il avait fallu être à l’écoute de leurs besoins parce qu’il y avait forcément un mal-être", précise Sophie Bordas, directrice adjointe du Creps d’Ile-de-France.
"En Ukraine, notre terrain ne répond pas aux standards"
"Je suis très impressionnée par tout ce que font les Français et le personnel ici. Ils sont très attentionnés. C’est très touchant", apprécie Tetiana Stepanchenko, aidée par l’une des interprètes que le centre met à disposition. Ce stage de quelques jours en France (après Châtenay-Malabry, les hockeyeuses se rendront à Lille) est financé par le ministère des Sports français, qui avait annoncé une aide spécifique d’un million d’euros en faveur des sportifs ukrainiens en février dernier. "Nos hébergements sont limités, donc on a privilégié l’Ukraine aux autres nations qui nous ont contactés, souligne Sophie Bordas. C'est une délégation qui vient bien plus tôt que d’autres. Ça va aussi leur permettre de rencontrer d’autres équipes en France."
Le lieu accueillera également des athlètes et para-athlètes en badminton, escrime, handball, taekwondo et breakdance, et mettra à leur disposition ses infrastructures de haut niveau, avec un centre médical, une salle de musculation, un sauna et un bain froid pour la récupération. "Nous sommes très heureux de pratiquer notre sport ici", souligne Yevhen Bondarenko, coach adjoint de l’équipe féminine de hockey sur gazon. En pleine séance, ce dernier explique que les joueuses ont besoin d'un temps d'adaptation : "Vous pouvez entendre que notre entraîneure principale est en train de dire aux filles d’écarter le jeu. Notre terrain en Ukraine ne répond pas aux standards et est plus petit. Cela va nous permettre d'être meilleures en vue du tournoi de qualification olympique".
Des entraînements interrompus par des alertes à la bombe
L’équipe nationale ukrainienne de hockey sur gazon est composée presque intégralement de joueuses du club de Soumy, une ville à moins de quarante kilomètres de la frontière russe, dans une région non occupée. "C’est une ville qui est beaucoup touchée par les bombardements, il y en a 20 à 30 par jour. Parfois on peut rester entre quatre et cinq heures dans les caves pour se cacher. Les entraînements sont pratiquement tous interrompus par une alerte. Beaucoup d’infrastructures ont été touchées mais pas le terrain de hockey", raconte Yevhen Bondarenko. En France, son équipe apprécie le calme, "même si cette situation nous rend forcément un peu tristes et qu’on préférerait pouvoir s’entraîner dans notre pays, près de nos proches".
Toutes les joueuses de l’équipe connaissent un soldat sur le front. "Mon frère est soldat. C’est dur de se concentrer sur le sport. Mentalement, je ne peux pas bien aller parce que je ne pense qu'à lui. Je stresse et j’ai déjà perdu un très bon ami", se confie Alina Hashenko.
"Mon copain est à la guerre en ce moment et c’est très dur de ne pas avoir de nouvelles pendant plusieurs jours. Quand il peut enfin m’en donner, c’est souvent pour m’annoncer la mort de quelqu’un, donc c’est très dur."
Karyna Leonova, hockeyeuse ukrainienneà franceinfo:sport
En Ukraine, toutes ont assisté à des scènes terrifiantes. "Nous avons toutes vu des bombardements par la fenêtre. Parfois ça tombe juste à côté, une fille de l’équipe a par exemple eu toutes ses fenêtres explosées à cause du souffle d’une bombe", retrace Karyna Leonova. Un garde du corps a été mis à la disposition de leur équipe et la suit partout. "Le site fait 17 hectares et est clos avec des murs, ce qui renforce leur sécurité. Je pense que c’est un élément auquel la ministre des Sports ukrainienne a été sensible lors de sa visite ici fin août", commente Sophie Bordas.
De ce contexte, l'équipe en sort plus unie et transcendée. "Si nos soldats défendent notre patrie sur le front, nous aussi on doit faire tout notre possible sur le terrain. On est motivées pour tout donner", appuie Tetiana Stepanchenko. "On veut montrer à travers notre sport qu’on est un pays fort", complète Karyna Leonova. Nation la moins bien classée à la hiérarchie mondiale (28e) parmi celles qui participeront au tournoi de qualification à Valence (Espagne) du 13 au 21 janvier, l’Ukraine pourra compter sur la motivation sans faille de ses joueuses pour décrocher une première qualification olympique.
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