Pourra-t-on vraiment se baigner dans la Seine en 2024 ?
La mairie de Paris, candidate à l'organisation des JO en 2024, souhaite que des épreuves se déroulent dans le fleuve. Anne Hidalgo veut aussi que le fleuve soit rendu aux habitants de la capitale après la compétition.
A plus d'un an du choix de la ville qui accueillera les Jeux olympiques de 2024, Anne Hidalgo doit séduire le Comité international olympique, mais aussi les Parisiens, pas tous forcément enthousiastes. Pour les convaincre, la maire de Paris a préparé un "plan d'action", dévoilé par le JDD, dimanche 8 mai, qui prévoit 43 mesures censées améliorer la vie des habitants de la capitale à l'occasion de l'événement. Anne Hidalgo promet notamment de réaliser un vieux rêve de nombreux Parisiens : la baignade dans la Seine.
Quelques téméraires s'y adonnent déjà l'été, notamment dans le canal de l'Ourcq, et un collectif qui organise des baignades clandestines, le Laboratoire des baignades expérimentales, est même né. Dans le projet de la mairie, nager une brasse dans la Seine serait permis après les JO, où le fleuve accueillerait les épreuves de triathlon et de nage en eau vive. Dès 2017, elle espère y organiser le triathlon de Paris, pour la première fois depuis 2012. Une annonce prometteuse, mais qui soulève beaucoup de questions. Francetv info se mouille un peu pour y répondre.
30 ans après la célèbre promesse de Jacques Chirac, on ne peut toujours pas se baigner dans la Seine. Son eau est toujours aussi sale ?
Non, si la Seine n'est pas encore prête à accueillir les baigneurs, la qualité de son eau "n'a jamais été aussi bonne depuis quarante ans", assure à francetv info Vincent Rocher, responsable du service expertise du SIAAP, l'instance responsable de l'assainissement de l'eau en Ile-de-France. En témoigne le retour de nombreuses espèces de poisson dans la Seine, d'une douzaine dans les années 1990 à 32 aujourd'hui, dont certaines sont sensibles à la pollution. Au vu de cette avancée, l'objectif de 2024 n'est "pas absurde, mais ambitieux", juge Vincent Rocher.
Mieux : selon lui, en amont de Paris, les concentrations de polluants sont en dessous des seuils qui permettent la baignade 30 à 50% du temps et 5 à 10% du temps en aval. Certains jours, il serait donc possible de se baigner sans risque dans la capitale. Contacté par francetv info, le cabinet de Célia Blauel, adjointe au maire de Paris chargée de l'eau, va dans ce sens : le problème est surtout que la qualité varie fortement, à cause de la pluie ou de rejets ponctuels venus des industries. "Pour ouvrir la Seine à la baignade, nous avons besoin de stabilité", explique la mairie.
Comment fait-on pour rendre l'eau de la Seine plus propre ?
Plusieurs leviers sont à la disposition de la mairie, qui travaille avec les départements voisins et la préfecture. Mais le plan n'en est qu'à sa première étape : identifier les sources de pollutions, les lieux où des rejets viennent polluer le fleuve, avant de définir les moyens d'agir.
La pollution de la Seine à trois sources principales. Les eaux rejetées par les stations d'épuration qui traitent les eaux usées, tout d'abord. Elles contiennent toujours certaines bactéries fécales : ce sont elles qui sont mesurées pour choisir d'autoriser ou non la baignade et elles qui peuvent rendre les baigneurs malades. Aux yeux de la mairie, c'est le moyen d'action le plus simple : on peut équiper ces sites de nouvelles technologies plus efficaces, qui permettent notamment de tuer les bactéries restantes aux rayons UV. Vincent Rocher, du SIAAP, émet toutefois une réserve : modernisées dans ces 20 dernières années, les stations d'épuration tuent 100 fois plus de bactéries qu'auparavant. La marge de progression est faible.
La pollution trouve aussi sa source dans les eaux de pluie. Dans un milieu très urbanisé comme Paris, elles ruissellent et charrient des polluants. Surtout, elles se mélangent dans les tuyaux aux eaux domestiques. Problème : quand il pleut trop, le système ne peut pas toutes les absorber et il faut donc rejeter une partie de cette eau, mélangée aux eaux domestiques, sans l'avoir traitée. La capacité du réseau a beaucoup augmenté depuis 30 ans, assure le SIAAP, mais elle peut encore progresser, notamment en créant de nouveaux bassins de rétention. L'un d'eux est en chantier à Clichy.
Enfin, la pollution peut venir de rejets d'eaux usées directement dans la Seine. Très concentrés en bactéries par rapport aux eaux traitées, ils polluent donc beaucoup par rapport à leur volume. Ces rejets viennent de fuites du réseau, de certaines habitations proches du fleuve, plutôt en amont de Paris, ou encore de bateaux et péniches qui ne seraient pas raccordés au tout à l'égout. La mairie espère que les analyses permettront d'identifier ces sources. Les rejets industriels sont un problème moindre aux yeux de la mairie : leur source est plus facilement identifiable.
Aujourd'hui, que risque celui qui se baigne dans la Seine à Paris ?
Une amende de 38 euros, d'abord. La baignade est interdite dans la capitale, que ce soit dans la Seine ou dans les canaux, lacs et fontaine de la ville. Mais les agents n'infligent cette contravention qu'en dernier recours et font d'avantage de la prévention, assure la préfecture.
Il y a aussi, bien sûr, des risques pour la santé. A ce sujet, le site du ministère de la Santé n'y va pas par quatre chemins : "La pollution des eaux de baignade est essentiellement d'origine fécale." En 2013, quand l'Agence régionale de santé (ARS) a annulé l'épreuve de triathlon prévue dans la Seine, ce sont les taux de "contamination fécale" qui étaient déjà évoqués, se souvient Le Parisien.
Les baigneurs risquent ainsi des gastro-entérites, même si l'Escherichia coli, une des bactéries dont la présence est mesurée par l'ARS, peut aussi entraîner des infections urinaires, des septicémies ou des méningites. Attention donc à ne pas boire la tasse. Interrogée par Le Plus, une dermatologue évoquait aussi le risque d'infections cutanées, notamment pour ceux qui se baigneraient avec une plaie ou une maladie de peau.
Pourquoi la Seine sera-t-elle d'abord ouverte aux sportifs ?
Avant que l'ARS relève des taux de contamination trop élevés en 2013, la Seine a déjà été utilisée pour des compétitions sportives pendant quelques années, notamment lors du triathlon de Paris. Les seuils de pollution autorisés pour les athlètes et pour la baignade de loisir sont en effet différents. Comme l'explique la mairie, les athlètes sont en bonne santé, portent des combinaisons et passent une heure dans l'eau. Rien à voir avec des baignades prolongées et régulières.
Pourquoi les canaux parisiens pourraient être ouverts à la baignade avant la Seine ?
Les Parisiens pourront effectivement se rafraîchir, dès l'été 2017, dans le bassin de la Villette, situé dans le prolongement du canal de l'Ourcq. "L'eau du canal de l'Ourcq est réputée baignable, explique la mairie. Elle est moins polluée, et il n'y a pas de rejets." L'eau du canal de la Villette a été puisée dans la Marne, aux alentours de Meaux, et sa qualité est bien meilleure qu'en région parisienne. A l'origine, ces canaux servaient d'aqueducs, et si leur eau n'est plus du tout potable, ils sont restés plutôt préservés et ne servent pas à déverser des eaux usées.
La mairie devra, en revanche, sensibiliser les Parisiens à la pollution humaine : dissuader les fêtards d'uriner dans le canal et, plus largement, d'y jeter des détritus. Le butin découvert au fond du canal Saint-Martin lors de son récent assèchement donne peu envie d'y piquer une tête. Mais la baignade y est surtout interdite pour des questions de sécurité : l'an prochain, elle sera surveillée et restreinte à un couloir bien délimité du bassin de la Villette.
Au-delà du canal de l'Ourcq, la mairie de Paris s'intéresse aussi aux lacs de la capitale, en particulier le lac de Daumesnil, situé dans le bois de Vincennes. L'objectif est d'y ouvrir un espace de baignade en 2017 ou 2018. Le défi est différent, puisqu'il s'agit d'eau stagnante. Deux options sont sur la table : créer un bassin fermé et filtrer l'eau qui y entre ou augmenter le débit de l'eau dans le lac, et donc son renouvellement. Une solution peu écologique, toutefois.
En 2024, on pourra donc se baigner n'importe où et n'importe quand ?
Certainement pas. Si le problème de la pollution devra être résolu, restera la question de la sécurité. Les zones de baignades seront délimitées, surveillées, et on ne pourra y accéder que de jour et en été, explique la mairie. Dans le bassin de la Villette, la zone de baignade devrait faire entre 50 et 70 m de long et n'occuper que la moitié du bassin, pour permettre aux bateaux de continuer à circuler.
Dans la Seine, les emplacements n'ont pas encore été choisis. Symboliquement, la mairie aimerait que l'un d'eux soient proches de l'Hôtel de Ville. Le trafic des bateaux devrait aussi être un facteur. L'ouest parisien, moins pollué selon la mairie, part avec un avantage par rapport à l'est de la capitale. Mais ce ne sera peut-être plus le cas en 2024.
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