Surpopulation carcérale : "Nos prisons ne sont pas prêtes" pour les Jeux olympiques, alerte le vice-président du Barreau des Hauts-de-Seine

"Les Jeux olympiques vont entraîner potentiellement une surpopulation carcérale encore plus importante", soulève Me Arakelian. Or, les prisons sont déjà pleines et les conditions de détention "indignes". Il demande la mise en place du dispositif "stop écrou" et des libérations anticipées, "comme pendant le Covid".
Article rédigé par franceinfo
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Me Fabien Arakelian, vice-bâtonnier du barreau des Hauts-de-Seine, le 12 avril 2024 sur franceinfo. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Nos prisons ne sont pas prêtes" pour les Jeux olympiques, a alerté vendredi 12 avril sur franceinfo Fabien Arakelian, vice-président du barreau des Hauts-de-Seine. 15 à 16 millions de visiteurs sont attendus dans la capitale cet été pour les JO, ce qui devrait générer plus de délinquance.

"L'état de nos prisons, aujourd'hui, est indigne", a affirmé le Bâtonnier. "Les Jeux olympiques vont entraîner potentiellement une surpopulation carcérale encore plus importante", a-t-il expliqué. Fabien Arakelian appelle le gouvernement à faire de la place dans les prisons comme lors de la crise du Covid-19. Pourquoi pas "des personnes en fin de peine", propose-t-il. Il souhaite également mettre en place l'opération "stop écrou", "c'est-à-dire à partir de tel taux d'occupation, on ne peut plus incarcérer".

franceinfo : Pourquoi voulez-vous lancer une alerte sur l'état de nos prisons à quelques mois des JO de Paris ?

Fabien Arakelian : Nos prisons ne sont pas prêtes, mais surtout, elles sont dans un état qui est juste surréaliste. Elles ne sont pas prêtes parce qu'en mars 2024, on était sur plus de 76 000 détenus pour une capacité d'accueil à 60 000. Il ne vous a pas échappé que notre cher ministre de l'Intérieur met en place des opérations dites "place nette" dans un certain nombre de villes de France. Mécaniquement, lorsque le Garde des Sceaux vient dire, 'il va falloir mettre en place une politique pénale déterminée avec des réponses rapides', en termes juridiques, ça signifie des audiences de comparution immédiate qui vont se multiplier et dans les audiences de comparution immédiate, le risque d'incarcération est très important.

15 à 16 millions de visiteurs sont attendus dans la capitale. Vous craignez qu'il y ait plus d'interpellations, de contrôles d'identité, de faits de délinquance et donc d'incarcérations ?

On n'est pas prêt pour ça, bien évidemment. Mais je ne viens pas aujourd'hui en vous disant : il ne faut pas interpeller les délinquants dans la rue. Je viens juste dire que nous ne sommes pas prêts et surtout l'état de nos prisons aujourd'hui est indigne. Il est indigne avec plus de 76 000 détenus. Donc je n'envisage même pas l'état de nos centres de détention, de nos maisons d'arrêt avec des incarcérations qui vont se multiplier. Ça va être mécanique.

Les avocats et les magistrats seront-ils présents en nombre pour faire "tourner" la justice lors des JO ?

Nous sommes déjà organisés, on nous met une petite pression amicale pour que nos vacances estivales soient réduites. Les juridictions s'organisent et c'est bien normal. Nous sommes auxiliaires de justice. Le bâtonnie a un droit de visite des lieux de privation de liberté. Avec la bâtonnière Isabelle Clanet dit Lamanit, nous nous déplaçons régulièrement dans les centres de détention. Être incarcéré, c'est être privé de sa liberté d'aller et venir. Mais ce n'est pas être incarcéré dans des conditions indignes et c'est le cas aujourd'hui. Je viens dire aujourd'hui de manière tout à fait solennelle : on aura prévenu que ces Jeux olympiques, avec cette réponse pénale qui est sollicitée par le gouvernement, vont entraîner potentiellement une surpopulation carcérale encore plus importante.

Faut-il faire de la place dans les prisons comme on a pu le faire lors du Covid-19 ?

C'est exactement ça. On a été capable de se mobiliser par des mesures de bon sens : des personnes en fin de peine, avec des libérations anticipées, mettre en place des processus qu'on appelle "stop écrou", c'est-à-dire, à partir de tel taux d'occupation, on ne peut plus incarcérer. Sauf à considérer que le code de procédure pénale, c'est un code qui est rangé dans le cartable des étudiants en droit uniquement, c'est que la détention provisoire reste l'exception. Les personnes qui sont incarcérées majoritairement sont des personnes qui ne sont pas condamnées, qui sont prévenues et qui sont donc, excusez du peu, présumées innocentes.

Voulez-vous assigner l'État en justice ?

C'est une question intéressante. À deux reprises, déjà, le barreau des Hauts-de-Seine a obtenu des décisions du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Le tribunal, c'est l'État. Il a condamné l'État et il l'a enjoint à effectuer un certain nombre de travaux. Des travaux juste surréalistes : revoir quand même l'électricité parce qu'il y a des fils dénudés dans le centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine, dératiser parce qu'il y a des rats en détention. C'est quand même le monde à l'envers. Aujourd'hui, je viens vous dire que l'État ne respecte pas les décisions de justice. C'est juste remettre le monde à l'endroit. Si l'État qui est censé donner l'exemple ne respecte pas les décisions de justice, où va-t-on ? Où sont les fondamentaux ?

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