: Témoignage "Je la dédie à mes trois camarades" : Charles Coste, plus vieux champion olympique français, décoré de la Légion d'honneur 74 ans après son titre
A 98 ans, le champion olympique de poursuite par équipes en 1948 a reçu mercredi la Légion d’honneur par le patron de Paris 2024, Tony Estanguet. Il sera mis à l'honneur dans l'émission Tout le sport, sur France 3, mercredi.
"Je suis ravi de vous recevoir." Appuyé sur sa canne devant sa porte d’entrée, Charles Coste, 98 ans, nous accueille dans son appartement de Bois-Colombes (Hauts-de-Seine) avec un large sourire. Et pour cause, après avoir été quelque peu oublié par le monde du sport, il est heureux de retrouver aujourd’hui la lumière des vainqueurs. Il est le seul champion olympique français encore vivant à ne pas avoir été décoré de la Légion d’honneur.
À 98 ans, Charles Coste, champion Olympique de cyclisme sur piste aux Jeux de 1948, a été décoré de la Légion d’honneur par @TonyEstanguet
— Paris 2024 (@Paris2024) April 13, 2022
Un honneur de recevoir un si grand champion au sein de #Paris2024 pic.twitter.com/1z7SPA8qXb
La procédure n’est devenue automatique qu'en 1952, soit quatre ans après son titre. Mercredi 16 avril, au siège du Comité d’organisation de Paris 2024 à Saint-Denis, cette anomalie sera réparée. Champion olympique sur la poursuite par équipes en cyclisme sur piste aux Jeux de Londres en 1948, Charles Coste a été décoré, 74 ans après son titre, par Tony Estanguet, président du Comité d’organisation des Jeux de Paris 2024.
"Je suis très heureux, d’autant plus que ce soit M. Estanguet qui me remette la Légion d’honneur car j'admire beaucoup sa carrière sportive. Ce sera un moment merveilleux. Je la dédie à mes trois camarades, Pierre Adam, Serge Blusson, Fernand Decanali, car nous étions quatre sur le podium. Je ne les oublie pas", témoigne Charles Coste, déjà ému quelques jours avant la cérémonie.
"Je savais qu’on allait gagner"
Couronnés à Londres au vélodrome de Herne Hill (sud-est de la ville), les Tricolores ont même réussi l’exploit de battre les favoris au titre, qui n’étaient autre que les Anglais. "On avait couru plusieurs fois sur la piste à Londres donc nous la connaissions très bien. Nous avions même établi le record de la piste au début de l’année 1948", se remémore sans la moindre hésitation l’ancien capitaine de l’équipe de France, toujours aussi fier de cet exploit. "Je savais qu’on allait gagner, et la joie au moment de franchir la ligne d’arrivée était immense", relate Charles Coste en feuilletant un épais livre, à la couverture noire.
Ce livre retrace l’ensemble de sa carrière sportive. A l’intérieur, des centaines de photos et de coupures de presse, allant des petites brèves aux articles élogieux sur sa carrière montante, replongent le lecteur dans la fin des années 1940 et la décennie suivante.
Quelques pages plus loin, Charles Coste marque un arrêt et pointe du doigt la photo du podium olympique de 1948. "Le podium était tout petit. Nous étions à l’étroit tous les quatre sur la boite", s’amuse-t-il. Son seul regret : ne pas avoir eu le droit à sa Marseillaise le jour J. "A l’époque, on nous a expliqué qu’ils n’avaient pas trouvé le disque. Mais le camp français a quand même entonné une Marseillaise a cappella", sourit-il.
De nouveau appuyé sur sa canne, Charles Coste nous guide dans la "salle aux médailles", au fond de son appartement. Si quelques photos de lui, lors de ses années cyclisme, décorent la pièce, l'étalage de ses exploits reste discret. "Il est modeste par rapport à ce qu’il a accompli", glisse Yvette, son épouse.
"Londres était encore sous les gravats des bombardements allemands et il y avait encore les tickets de rationnement. Il s’agissait encore d’une période assez dure."
Charles Coste, champion olympique de poursuite par équipes aux Jeux olympiques de Londres en 1948à franceinfo: sport
Au-dessus du bureau, un cadre en verre trône fièrement. Derrière la vitre est exposé l’ensemble de ses breloques remportées au cours de sa carrière. Au milieu, le médaillon olympique attire rapidement le regard. A l’époque, les médailles étaient remises dans un écrin, et non autour du cou. Sur celle-ci, on y distingue la traditionnelle déesse de la victoire et l’inscription "XIVth OLYMPIAD LONDON 1948". "Elle n’est pas en or, mais en argent doré, car à l’époque, nous venions de sortir de la guerre, et il n’y avait pas beaucoup d’argent", précise-t-il en faisant un signe vers sa médaille.
En effet, ces Jeux de 1948 étaient les premiers depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1945. Initialement prévus à Tokyo, ils ont été réattribués quelques mois avant à Londres. "C’étaient des Jeux un peu austères, se souvient-il. Les athlètes n’avaient pas de village olympique. Ils étaient donc logés dans des camps militaires. "Dans notre cas, nous nous sommes installés dans un camp d’entraînement de l’US Air force, qui avait servi pendant la guerre et qui avait été ensuite réutilisé pour les Jeux", raconte le natif d’Ollioules (Var).
"Quand tu seras champion olympique,
tu le seras toute ta vie"
Une fois sa médaille olympique en poche, Charles Coste devient professionnel en 1949. "J'ai attendu de faire les Jeux avant de devenir professionnel (il fallait être amateur pour y participer) sur les conseils de mon manager Paul Ruinart qui m’avait dit un jour : ‘quand tu seras champion olympique, tu le seras toute ta vie’. Aujourd’hui, je vois qu'il avait raison", glisse Charles Coste, avec son sourire espiègle.
Pour sa première année chez les professionnels, il remporte le Grand Prix des Nations – 140 km sur route -, la plus grande course française de l’époque après le Paris-Roubaix. "J’avais pour objectif la deuxième place, car je m’attendais à ce que Fausto Coppi (l'un des plus grands coureurs de l'histoire du cyclisme avec notamment deux victoires sur le Tour de France, et cinq sur le Tour d’Italie, et un titre de champion du monde sur route) la remporte. Malheureusement pour lui, il était fatigué ce jour-là, et je me suis imposé", explique le champion olympique.
Suivront ensuite une quatrième place du Paris-Roubaix en 1950, puis une étape du Tour d’Afrique du Nord et deux étapes lors du Tour d’Argentine en 1952, avant de remporter le Paris-Limoges en 1953, "la plus longue course française avec ses 340 km", précise Charles Coste. Le Tour de France ne lui a en revanche jamais souri : après un forfait en 1950 la veille du départ à cause d’un abcès à la gorge, il est contraint à l’abandon, à chaque fois lors des premières étapes, en 1952 et 1957.
Une même passion depuis plus de 80 ans
En 1959, il décide de mettre un terme à sa carrière et en débute une nouvelle loin du cyclisme, au sein de la Blanchisserie de Grenelle où il fera toute sa carrière. "Mais j’ai toujours continué le vélo pour mon plaisir avec mes proches, et suivi les grandes courses cyclistes", assure-t-il. Encore aujourd’hui, "il n'en rate pas une", confirme son épouse Yvette.
Sa passion est restée intacte depuis plus de 80 ans, tout comme sa fierté de représenter la France. "J’ai représenté mon pays dans de nombreuses compétitions et de nombreux pays. Alors, encore aujourd’hui, quand j’entends La Marseillaise, j’ai toujours les frissons", livre Charles Coste, qui fêtera son centenaire en 2024. Le comité de Paris 2024 lui rendra-t-il hommage lors de la cérémonie d’ouverture ? "Pour le moment, rien n’a été évoqué. Mais je le souhaiterais bien", conclut celui qui, 74 ans après son titre, vibre toujours autant à l’appel des Jeux olympiques.
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