: Reportage Dans l'ombre des patineurs, le travail minutieux des maîtres glaciers sur les patinoires olympiques de Pékin
Franceinfo: sport a pu suivre le temps d'une journée le travail des maîtres glaciers qui officient sur les patinoires des Jeux de Pékin. Entre rigueur et vigilance, ils ont un rôle fondamental dans la préparation de la glace.
Il est tout juste 9 heures dimanche 13 février, et la musique résonne déjà au Capital Indoor Stadium, la patinoire des Jeux olympiques de Pékin. Sur un remix de Bad romance de Lady Gaga, les entraînements des danseurs sur glace ont débuté. Autour d'eux, la fourmilière des travailleurs de l'ombre s'active en silence. L'équipe de Rémy Boehler, responsable ice master des enceintes du patinage artistique et du short-track, est déjà en poste depuis 6 heures du matin afin de préparer la glace pour les premières séances de la journée.
L'ice master, ou "maître glacier" en français, est chargé de l'entretien de la glace. Une tâche d'une extrême rigueur où chaque détail compte. Comme chaque jour, Rémy Boehler, vêtu de sa veste rose et blanche des organisateurs, commence sa journée le nez sur des chiffres : les données sur l'épaisseur et la température de la glace, ainsi que l'hydrométrie (mesure du degré d'humidité présent dans l'air ambiant) de la salle et de l'extérieur.
"On le fait matin et soir. Ces informations nous permettent d'organiser le travail de la journée", explique l'homme de 45 ans au regard pétillant. Arrivé à Pékin début janvier pour installer la patinoire, il a formé les équipes chinoises. Ces données, surveillées de très près tout au long de la journée, sont ensuite entrées manuellement par l'ice master sur des feuilles de suivi transmises aux fédérations internationales de patinage et de short-track. "C'est comme un journal de bord", précise-t-il.
"C'est un peu un travail de maçon"
La journée est également rythmée par le surfaçage, autrement dit l'entretien de la glace. Chaque jour, un planning recense les horaires de début et de fin des surfaçages, les quantités d'eau à pulvériser, et le pourcentage d'excès de glace à couper. Toutes les 45 minutes environ, la même opération qui nécessite quelque 800 litres d'eau pour recouvrir les 1 800 m² de la patinoire, est répétée à la minute près.
À l'approche du prochain surfaçage, l'équipe de Rémy se met en place : des seaux de neige mouillée sont posés à l'entrée de la patinoire. Une fois l'entraînement des athlètes terminé, une dizaine de "patcheurs", seaux et truelles à la main, pénètre sur la glace. Minutieux, le travail doit se faire avec rapidité.
En dix minutes, il faut repérer les trous dus, notamment, aux réceptions des sauts des patineurs, pour les reboucher. Le geste est répétitif : un trou, ou une large rayure, un peu de neige, et quelques tapotements. "C'est un peu un travail de maçon", sourit Didier Barioz, maître glacier qui a formé Rémy.
En parallèle, les deux surfaceuses commencent leur ballet. Chacune d'un côté, ces grosses machines rouge flamboyant coupent et ramassent les excès de glace, avant de déposer une pellicule d'eau chaude, à l'aide d'une serpillière intégrée, sur la surface. "Dis-leur de mettre un peu plus d'eau, je trouve qu'il y a des marques", indique Rémy à l'interprète Yin, chargé de faire le lien entre l'ice master et les douze conducteurs chinois qui se relaient. À peine sont-elles passées que la patinoire se transforme en miroir.
"On travaille au dixième de degré près"
Une heure après et un entraînement plus tard, l'équipe se prépare pour un nouveau surfaçage. Rémy vérifie une nouvelle fois les données. "J'ai demandé aux ingénieurs [en charge de la régulation du froid] de modifier de trois dixièmes de degré, pour remettre un peu plus froid. On travaille au dixième de degré près", appuie-t-il en montrant ses graphiques sur l'ordinateur.
"C'est très rare d'avoir des courbes aussi stables. La température de la glace est quasiment la même entre le début et la fin de la compétition. La salle de Pékin a une réactivité extraordinaire et la glace est exceptionnelle", poursuit l'ice master, qui avait déjà supervisé la patinoire des Jeux de Pyeongchang, en 2018.
La précision des températures s'obtient grâce à un système de sondes, placées sous la glace. Quatre sont installées à une profondeur de deux centimètres, à des endroits stratégiques, où les patineurs ne passent pas. "Elles sont proches de la surface pour être au plus près de ce que ressentent les patineurs", précise Rémy. Et à chaque sport, sa température.
En effet, le Capital Indoor Stadium accueille les patineurs artistiques mais aussi ceux de vitesse. Totalement différents, ces sports nécessitent deux types de glace : une à -3,5°C pour le patinage artistique, une à -7°C pour le short-track. "Plus la glace est froide et plus elle glisse. Pour le patinage artistique, la glace doit être tendre et souple alors qu'en patinage de vitesse, la glace doit être plus froide pour que les patineurs puissent aller plus vite", explique Rémy.
⛸ Changement de piste au Capital indoor stadium. Après l'entraînement de patinage artistique, place au short-track.
— Apolline Merle (@Apolline_Merle) February 13, 2022
Changement de tapis, entretien de la glace, baisse de température… les détails sont nombreux #beijing2022 pic.twitter.com/01yw1KNzMn
Pour le hockey et le curling, les températures sont encore différentes : -5°C pour les hockeyeurs, et -9°C pour jouer avec la pierre. "Sur le patinage, on travaille plus en finesse, et il faut rester constamment vigilant sur les températures. Sur le short-track en revanche, j'ai toujours peur qu'ils me cassent la glace", s'amuse Rémy Boehler.
Sentir la glace
La manucure effectuée, Rémy Boehler s'approche des tapis et observe les patineurs à l'entraînement. Place à l'écoute. Le bruit des lames des patins sur la glace est net, précis, craquant, presque berçant. "J'ai besoin d'être au plus près de la patinoire pour voir et sentir. C'est mon dernier appareil de mesure. Cela confirme tout ce que j'ai fait avant, et parfois, je réajuste en fonction", confie le maître glacier d'Albertville, sans quitter la glace des yeux. D'ailleurs, à chaque fois qu'il arrive sur une nouvelle patinoire, Rémy Boehler patine toujours sur la glace pour en vérifier sa qualité de base.
"À l'oreille, à la vue, au départ et réception d'un saut, je sais si la glace est bonne ou non, si elle est trop froide ou non."
Rémy Boehler, maître glacier sur les JO de Pékinà franceinfo: sport
Ce paramètre instinctif, tous les ice masters l'ont. Comme les athlètes. Entre eux, les échanges sont permanents : "Il y a deux jours, après une discussion avec les athlètes, on a procédé à quelques dixièmes de degrés d'ajustement sur la glace du short-track pour la refroidir légèrement. Le lendemain, le Suédois Nils van der Poel est devenu champion olympique du 5000 m en battant le record du monde", raconte Rémy Boehler, avant de vérifier une nouvelle fois ses données de glace.
Il est 15h30 et son équipe va se lancer dans une nouvelle configuration : le changement de piste. Dimanche, la patinoire accueillait deux épreuves de short-track, le 500 m hommes et le relais féminin sur le 3000 m. Après un énième surfaçage, une armée de techniciens se relaie sur la patinoire. Les bâches latérales floquées "Beijing 2022" sont retirées, tout comme les tapis entourant la piste pour en installer des plus larges, pour protéger les patineurs en cas de chute. En vingt minutes, la nouvelle piste est prête. Et un nouveau surfaçage est nécessaire afin de nettoyer la patinoire de toute impureté.
Dernier détail, la température, encore et toujours : "Trente minutes avant la fin de l'entraînement du patinage artistique, j'ai commencé à baisser la température de la glace. Il faut y aller progressivement, sinon la glace craque. Il faut aussi constamment surveiller pour ne pas qu'elle soit trop froide", révèle Rémy Boehler. Un art du détail que l'ice master français et son équipe poursuivront encore une semaine jusqu'à la fin des Jeux. Avant, eux aussi, de se laisser glisser une dernière fois sur cette glace pékinoise. Pour le plaisir, toujours.
À regarder
-
"C'est un honneur incroyable..." On a rencontré Maxence, pro du parkour et l'un des personnages mystères de la cérémonie d'ouverture de Paris 2024
-
La cantatrice Axelle Saint-Cirel entonne la Marseillaise pour clore la parade des athlètes
-
Les joueurs de l'équipe de rugby à 7 dansent leur choré au pied de l'Arc de Triomphe
-
Teddy Riner est ovationné par la foule lors de la Parade des Champions
-
La "Parade des champions" est officiellement lancée depuis les Champs-Élysées
-
Paris 2024 : revivez les 4 cérémonies en 4 minutes
-
Qui est GЯEG qui a performé à la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques ?
-
Paris 2024 : Revivez les plus beaux moments de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques
-
Jean-Michel Jarre enflamme le Stade de France
-
Jeux paralympiques : les exploits et des sourires en or pour les athlètes français
-
Il est temps de dire au revoir à la flamme
-
Huit danseurs de breaking valides et handicapés font le show
-
Les porte-drapeaux français pour la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques
-
"La Marseillaise" interprétée par le trompettiste André Feydy
-
Santa ouvre la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques
-
Paris 2024 : historique, l'équipe de France de cécifoot championne paralympique
-
Prothèses, fauteuils roulants : comment s'équipent les athlètes pendant les Jeux paralympiques ?
-
Ces Jeunes archers du Nord découvrent le para tir à l'arc et ses champions
-
Paris 2024 : "Durant ces Jeux, on a montré que l'on pouvait faire rimer les notions de handicap et de performance..." Le bilan tout sourire de Marie-Amélie Le Fur, patronne du comité paralympique
-
Paris 2024 : il réconforte les athlètes, sensibilise les officiels au handicap... Marc ne fait pas que conduire en tant que chauffeur volontaire sur les Jeux
-
À 23 ans, il va mixer pour la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques !
-
La para-escalade fera son entrée aux Jeux de 2028 : une innovation française permet aux personnes en fauteuil de grimper comme tout le monde
-
Paris 2024 : Aurélie Aubert, chouchou du public et nouvelle star du sport para
-
Qui est Frédéric Villeroux, légende du cécifoot ?
-
Immersion avec des collégiens invités aux Jeux paralympiques
-
Paris 2024 : l'équipe de France de cécifoot est en finale paralympique
-
Paris 2024 : nouveau doublé français en para cyclisme
-
Qui est Axel Bourlon, champion de para haltérophilie ?
-
Paris 2024 : qui est Gabriel Dos Santos Araujo, star de la para natation ?
-
Paris 2024 : des tablettes et des casques VR pour les personnes malvoyantes
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.