: Reportage JO 2022 : notre journée avec Tess Ledeux, une vice-championne olympique de big air qui a rendu fier le clan français

"Ça va être une belle journée !" Bertrand Agelou, le kinésithérapeute de l‘équipe de France de ski acrobatique, est confiant, mardi 8 février : Tess Ledeux va briller lors de la finale du big air. Le jour se lève sur le site de l'impressionnant complexe industriel de Shougang, dans la banlieue de Pékin, où se déroule l'épreuve.

Le soleil sublime la piste d'où vont s'élancer les douze prétendantes au titre olympique. Dans un froid matinal qui rosit encore les joues, Tess Ledeux prend une dernière fois ses repères avant le début des hostilités. Qualifiée avec le deuxième meilleur score lundi, elle vise la médaille d'or, la première en big air dans l'histoire des Jeux olympiques. "Ton dernier saut était mieux que celui d'avant. Tu avais plus de marge avant la fin de ta rotation", lui explique Romain Hurtault, le préparateur physique du ski halfpipe. Tess acquiesce, et écoute les conseils de ses coachs. "Ça va ?", lui demande son cousin Kevin Rolland. Le porte-drapeau de la délégation française reste présent à quelques minutes du début de la compétition. Tess acquiesce de nouveau, tout sourire.

"Elle sait ce qu'elle doit faire"

Pour sa deuxième participation olympique, Tess Ledeux veut oublier le mauvais souvenir de Pyeongchang. Il y a quatre ans, elle avait terminé 15e de l'épreuve de slopestyle, alors qu'elle avait été sacrée championne du monde l'année précédente. Aujourd'hui à Pékin, forte de ses six victoires en Coupe du monde et d'un second titre mondial en 2019, Tess Ledeux représente une grande chance de médaille, voire de titre. Malgré la pression, la Française apparaît sereine, et reine des lieux.

La confiance paraît inébranlable dans le clan bleu. "Elle sait ce qu'elle doit faire. Elle est forte mentalement et techniquement. Elle est armée pour faire quelque chose de beau. Aux qualifications, elle était à 70%, aujourd'hui elle est à 110%. Elle en a sous le pied", assure Kevin Rolland. "Tess ne peut pas l'annoncer, mais moi oui, elle vise l'or", ajoute son cousin, qui fait mine de croiser chacun de ses membres pour lui porter chance.

Un début parfait

Il est 10 heures quand la compétition commence. D'entrée, Tess Ledeux montre l'étendue de son talent à la concurrence. Elle réalise parfaitement, dès le premier run, un double cork 1620. Tess Ledeux est la seule à avoir réussi avec succès en compétition cette figure comportant quatre tours et demi en l'air. C'était lors des X Games en janvier dernier, où elle a décroché l'or. "Ça sent la médaille les amis !", s'écrit dans un élan de joie Kevin Rolland, bras en l'air, au milieu d'une équipe de France survoltée. "C'est un scénario rêvé", savoure encore le skieur, poings serrés.

Avec 94,50, Tess prend alors les commandes du classement provisoire et domine sa rivale, la Chinoise et star locale Eileen Gu (93,75). Le ton est alors donné, reste maintenant à maintenir la cadence. "Ne te précipite pas. Il faut que tu mettes de l'énergie. Montre-nous comment ça se passe. Mets la patate qu'il faut, et sois sereine en l'air", lui précise son entraîneur Gregory Guenet en haut de la piste, juste avant son deuxième saut.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Tess prend un peu plus le large avec son 1440 en switch (départ dos au saut) noté à 93,00. La médaille d'or paraît proche. Tess Ledeux passe devant son clan, joues roses et regard brillant, entre joie et rêve.

La peur de gagner peut-elle la déstabiliser ? Ce n'est pas le genre de la maison, mais le chemin est encore long.

Eileen Gu, la victoire à domicile

Eileen Gu n'a pas dit son dernier mot. Celle qui vise les podiums dans les trois disciplines du ski freestyle (big air, slopestyle, halpipe) se transcende pour sortir parfaitement, à la surprise générale, le fameux double cork 1620. Le clan chinois exulte, drapeau national en l'air. Eileen Gu prend la tête du classement et met la pression sur le camp tricolore.

Du côté des Français, justement, un silence de plomb s'abat et tranche avec la confiance du début. "Allez Tess, allez, en bas et tu le poses comme un dieu", l'encourage Grégory Guenet, avant l'ultime saut. Elle présente de nouveau le switch 1440, afin de grappiller des points et espérer reprendre la tête du classement. Mais la Française perd légèrement l'équilibre sur sa réception. En bas de la piste, Tess ne peut contenir ses larmes et évacue la pression, si maîtrisée jusqu'ici. Elle sait qu'elle n'aura pas l'or, pour seulement 0,75 point de moins qu'Eileen Gu, sacrée championne olympique.

"Tess a fait la course parfaite. Elle a skié lors d'une finale olympique comme elle n'avait jamais skié auparavant. Le niveau des filles était incroyable. Elle a réalisé des 'tricks' [figures] qu'elle fait rarement, comme son switch", analyse Marie Martinod, double vice-championne olympique en halfpipe (2014 et 2018) et consultante pour France Télévisions.

"Elle peut être fière, elle a fait de son mieux. C'est une petite désillusion car on voulait l'or mais Eileen Gu a fait une finale incroyable. Quand on se fait battre à la régulière, on ne peut pas être déçu."

Kevin Rolland, médaillé de bronze en halfpipe en 2014

à franceinfo: sport

"Elle n'a que 20 ans. Elle aura d'autres chances de médailles, et cela recommence notamment avec le slopestyle dans quelques jours. On sera là pour l'encourager", ajoute son cousin. Il est 11h30 en Chine, le soleil réchauffe à présent les cœurs, surtout celui des Français. Sur le podium, Tess a séché ses larmes, et a retrouvé ce sourire si communicatif. Le rêve est devenu réalité. Applaudie par le staff de l'équipe de France, et félicitée par la présidente de la Fédération française de ski, Anne-Chantal Pigelet-Grévy, Tess peut savourer à son tour.

"C'est beaucoup d'émotions, je n'ai pas les mots, confie Tess Ledeux au micro de France Télévisions. C'est un rêve de petite fille qui se réalise. Le niveau était dingue aujourd'hui. J'ai donné tout ce que je pouvais. Je n'ai aucun regret. Remporter la médaille d'argent, je ne pouvais pas rêver mieux comme cadeau." Bertrand Agelou avait vu juste. La journée a été belle pour l'équipe de France.