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JO 2022 : "Je ne voulais pas être la femme d'un jour", se souvient Carole Montillet, vingt ans après sa médaille d'or

Il y a précisément vingt ans, Carole Montillet remportait la médaille d'or de la Descente des Jeux olympiques 2002 à Salt Lake City.

Article rédigé par Xavier Richard, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Quelques jours avant Jean-Pierre Vidal, Carole Montillet fait résonner la Marseillaise à Salt Lake City. La Tricolore devient championne olympique de descente le 12 février 2002, elle qui était pourtant en crise de confiance avant la course. (OLIVIER MORIN / AFP)

Le 12 février 2002 a changé la vie de Carole Montillet. Ce jour-là, l'Iséroise remporte la descente olympique à Salt Lake City. C'est le début d'une deuxième carrière pour la skieuse qui avait perdu quelques mois plus tôt son amie Régine Cavagnoud lors d'une descente d'entraînement. Consultante pour France Télévisions à l'occasion des Jeux de Pékin, Carole Montillet revient sur ce jour doré à l'occasion du 20e anniversaire de sa victoire.

Franceinfo: sport : quels souvenirs gardez-vous de ce 12 février 2002 ?

Carole Montillet : J'ai une mémoire de poisson rouge mais cette journée-là, je m'en souviens parfaitement bien. Dès la veille, je sens un truc. La course avait été reportée mais ça avait été comme un échauffement. Ça faisait des années que j'étais en Coupe du monde, mais j'ai pris conscience que les reports c'était bien.

Cette répétition grandeur nature vous a aidée ?

C'était les premiers Jeux aux Etats-Unis après les attentats d'Atlanta [lors des JO d'été de 1996 une bombe avait explosé au parc olympique] et on fouillait toutes les voitures, les bagages. Le jour de la course on est toujours un peu stressé. Combien de temps je mets pour aller à l'échauffement, pour faire la reconnaissance, pour aller au repas ? Est-ce que mon sac est bien fait ? Il y a plein de petites pensées parasites. Là, on avait tout fait et on attendait au resto que la course parte. Et ce n'est pas parti [la descente avait été reportée à cause du vent]. Je croise François Sedan de chez Rossignol qui me dit : "c'est bon Carole, tu étais prête aujourd'hui ! Demain, tu n'as qu'à penser à aller vite." Ça a fait écho. Je me suis dit qu'il avait raison. Je n'avais jamais vécu un report de course de cette manière là. J'étais détendue.

Ça faisait deux mois que je ne dormais plus

Carole Montillet, championne olympique de descente en 2002

Avant ce jour de gloire, vous étiez dans une mauvaise passe psychologique ? 

Avec le décès de Régine [Cavagnoud], ça faisait deux mois que je ne dormais plus. Plus une seule minute la nuit. À un moment donné j'ai pris sur moi et j'ai dit stop. C'était sur une manche de Coupe du monde fin janvier. J'ai dit à l'entraîneur que j'étais au bout de ce que je pouvais endurer. Je suis parti aux US avant les autres avec l'excuse du décalage horaire. Du coup, j'étais plus fraîche et d'être porte-drapeau c'était extraordinaire. On avait attendu trois heures – ça peut paraitre long – avant la cérémonie avec tous les athlètes. On avait beaucoup discuté avec des gens que tu connais sans connaître. De grands champions comme Raphaël Poirée qui est de chez moi. Tu prends de l'énergie positive de tout le monde.

En course, ça se passe comme dans un rêve…

Comme j'étais à trois secondes aux entraînements, que j'avais un peu peur sur les sauts – je voyais bien à la video que je me relevais avant les bosses – finalement ce jour-là était facile. C'est toujours comme ça en ski alpin. La neige était super dure. Dans ces conditions, si tu skies en retrait, tu subis la piste. Ce jour-là, j'ai poussé comme une dingue. J'étais bien et j'avais envie de skier vite. Quand je me suis engagée dans la pente, j'avais la bonne intensité et le bon équilibre vers l'avant. Au premier virage, je me dis "tiens c'est plus facile qu'hier". Au deuxième je me dis que je vais encore plus attaquer. Plus tu attaques et plus c'est facile et au bout de quatre ou cinq portes, tu n'as plus l'impression d'être sur la même piste. La peur saute. Ce jour-là, je n'ai rien inventé mais j'ai juste retrouvé le ski que j'avais à l'automne précédent.

Carole Montillet avec le drapeau français après sa victoire en descente aux JO de Salt Lake City le 12 février 2002. (ROBERTO SCHMIDT / AFP)

Dans le ski, c'est le mental qui fait la différence ? 

C'est incroyable. Moi j'avais envie d'être heureuse, de profiter de la vie, de dormir. Rien n'allait ramener Régine. Elle était partie… Et si on avait couru la veille, ça n'aurait pas été pareil. Il a fallu que je croise ce gars. Et ce qu'il avait dit était vrai. J'ai fait la reco à 1000 à l'heure. La prépa mentale était faite, il me restait juste à être heureuse.

À l'arrivée, entre votre temps canon et Régine, vos pensées s'emmêlent ? 

J'arrive en bas et je vois Ingeborg-Helen Marken qui était super bien placée aux entraînements. Et je découvre que j'ai 1''52 d'avance et je me dis que j'ai fait un truc. Là je me dis que ce n'était pas plus facile mais que c'est moi qui ai attaqué la piste d'une manière différente. Bien sûr, très vite je pense à Régine. Je croise les entraîneurs en bas. On se regarde et on pense très fort à elle. C'était lié.

La médaille d'or en poche, vous être prise dans un tourbillon ?

Tout s'enchaîne. Conférence de presse, contrôle anti-dopage, les coups de fil, la famille mais tu te laisses porter facilement.

Je ne voulais pas être la femme d'un jour

Carole Montillet, championne olympique de descente en 2002

Combien de temps vous restez sur votre nuage ? 

Ça dure un peu… Deux jours après, je fais le ski libre pour le super-G et j'oublie de prendre mes chaussures. La tête n'y était plus. J'ai skié avec les chaussures de Marie-Philippe Rousseaux-Bianchi [le médecin de la Fédération française de ski] qui faisait trois pointures de plus. Je n'ai pas taillé une seule courbe (rires). Trois pointures en plus, j'avais le pied qui glissait dans les chaussures. En fait, tu ne redescends jamais trop.

Vous vous dites, ça y est, j'ai gagné la course de ma vie ?

Oui mais je ne voulais pas être la femme d'un jour. J'en avais vu des champions olympiques qui ne gagnent qu'une fois. C'est top mais ce n'est qu'un jour. Cette victoire m'a donnée la confiance pour retourner à l'entraînement. Après ça tu sais pourquoi tu vas en baver sous une barre de muscu. Tu y vas plus facilement et tu en fais deux fois plus. Quand tu as le choix entre facile et difficile, tu prends le difficile. La saison d'après, je gagne le classement général du super-G.

Grâce à cette médaille d'or ?

Oui clairement. Ça m'a donné confiance. Et je voulais prouver que je pouvais faire autre chose. Avant le décès de Régine, je skiais hyper vite à l'entraînement et je me disais que je pouvais jouer le général en géant. J'ai passé un cap incroyable. Ça a scoré dès les premières courses de la saison. J'ai été une femme comblée avec ce titre olympique et un petit globe derrière.

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