Confinés et handicapés, le double défi des athlètes handisport
En période de confinement, il y a les équipes comme le Bayern Munich qui peuvent organiser de l'entraînement à distance via visioconférence. Il y a ceux qui courent des marathons sur leur balcon ou qui possèdent un jardin suffisamment grand pour le transformer en centre de remise en forme de fortune. Et puis il y a tout ceux pour qui la situation d'isolement contraint par le Covid-19 est un frein un peu plus grand pour la pratique de leur métier, de leur passion. Si pour les valides, le coronavirus est déjà un obstacle de taille, il en est un un peu plus grand encore pour les dizaines d'athlètes handispport dans l'Hexagone.
"Le champ des possibles est plus étriqué"
Le coronavirus fait donc parfois figure de camisole forcée, avec son propre logement comme décor. "On a la chance d'avoir des structures, beaucoup ont des préparateurs physiques, mais la difficulté est double", nous explique Sami El Gueddari, notre consultant handisport et directeur sportif de la natation au sein de la Fédération française handisport. "Certains ont une mobilité réduite, donc pour eux, le champ des possibles est plus étriqué. Les valides peuvent sauter, fléchir, etc... Là, leurs mouvements moteurs sont encore plus compliqués."
L'ancien médaillé européen (bronze sur 50m nage libre en 2009) ne le cache pas, il est impossible de pouvoir offrir à un nageur des conditions d'entraînement optimales quand son plus grand plan d'eau à proximité est au mieux… une baignoire. Cela n'empêche pas la Fédération d'avoir transmis des programmes de travail scrupuleux mais surtout réalisables par tous à ses ouailles. "L'essentiel, c'est d'être présent. On a créé des groupes WhatsApp pour échanger, le médecin de la fédération les appelle toutes les semaines pour faire le point sur leur physique et leur mental. L'idée, c'est de conserver une condition physique générale avec du travail de gainage, de respiration. Rien qu'avec une bouteille d'eau, on peut faire plein de mouvements. On doit composer avec les moyens du bord, perdre le moins de temps possible à défaut de pouvoir en gagner. On bricole, et on essaie d'être les meilleurs bricoleurs possibles."
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Les mieux armés face aux difficultés
Le système D, un mot qui revient sur toutes les lèvres dans le handisport français. Champion du monde du 100m dos, Ugo Didier s'est fait une petite salle de fitness avec box de squat et élastiques à la maison. Les athlètes en fauteuil utilisent des rouleaux pour se constituer un home trainer. Pour les sprinteurs, la rue devant chez eux devient un centre d'entraînement avec des marques tous les 10 mètres pour travailler les foulées.
"C'est leur quotidien de trouver des parades, des arrangements pour l'entraînement", insiste Gautier Simounet, ancien double champion paralympique comme guide d'Assia El Hannouni à Londres et aujourd'hui membre de l'encadrement de l'équipe d'athlétisme. "Ils ont une force, la débrouille. Ils connaissent déjà un peu la situation, tout n'est pas toujours fait par exemple pour les athlètes en fauteuil sur les lieux d'entraînement ou en stage, même chose pour les déficients visuels. C'est une chance de pouvoir plus facilement s'adapter. Les athlètes handisports sont les mieux armés mentalement pour faire face à la situation actuelle." "Deux des trois derniers championnats du monde de para natation ont été décalés, c'était presque un entraînement pour nous" ironise, lui, Sami El Gueddari.
Si ma collègue s'entraîne sur la piste, moi dans mon bac à sable 60 mètres plus loin, où est le problème ?
Cette situation, Ronan Pallier ne la connaît que trop bien. L'impossibilité de s'entraîner et devoir rester chez soi, le sauteur en longueur déficient visuel en a déjà fait l'expérience il y a quelques mois. A 49 ans, il se fracture la malléole cinq mois avant les derniers Mondiaux de Dubaï. A force de volonté, il retrouve la forme et termine au pied du podium. Alors, un confinement de plus, un confinement de moins… "J'ai déjà de l'équipement qui m'est attribué pour les entraînements et j'ai tout ramené à la maison. Je sors à côté de chez moi, il y a un parc, un parcours sportif ici, j'ai ce qu'il faut à proximité" raconte l'homme de Sainte-Luce-sur-Loire, dans la banlieue nantaise. "Le problème, c'est simplement que les lieux d'entraînements ne sont pas accessibles."
Comme tous les lieux publics, le Stadium Pierre Quinon de la Cité des Ducs a fermé provisoirement ses portes à cause du coronavirus. Pour Ronan Pallier, le systématisme de cette disposition passe mal, handicap ou pas. "Nous ne sommes que trois athlètes à se préparer là-bas pour les Jeux (NDLR : Laura Valette sur 100m haies et Agnès Raharolahy sur 400 mètres), on pourrait s'entraîner convenablement. On a des autorisations de sortie pour faire de l'activité en extérieur, on a déjà des suivis de sortie avec l'Agence française de lutte contre le dopage, pourquoi on ne ferait pas les mêmes choses-là ? Si ma collègue s'entraîne sur la piste, moi dans mon bac à sable à 60 mètres plus loin, où est le risque ?"
L'avis de Ronan Pallier détonne alors que la pandémie ne cesse de gagner du terrain. Mais il en dit long sur la soif de compétition et la force mentale du sauteur et des autres face à cette situation hors d'un commun déjà pas banal. Alors privés de sortie et d'activité, le monde du handisport tricolore relativise et prend son mal en patience. "Cela ne reste que du sport", pour Sami El Gueddari. "On a un public qui peut être fragile comme les athlètes atteints de myopathie, il faut être d'autant plus vigilant. Nous n'avons pas de recul sur les possibles effets du virus sur les tétraplégiques, ou les paralysés cérébraux. Nous avons un devoir de protection. A nous d'être brillants et performants dans ce contexte singulier." "Avoir un handicap nous fait voir les choses autrement. J'ai d'autres choses à fouetter que le coronavirus, j'ai déjà mon handicap" lâche Ronan Pallier dans un sourire.
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