Coronavirus - Supporters confinés : Ils devaient assister… aux JO de Tokyo (2/3)
"C’était le voyage d’une vie" confie d’entrée Victor, pour qui le report des Jeux Olympiques de Tokyo a du mal à passer. A 23 ans, ce tout jeune professeur d’histoire attendait l’évènement de pied ferme, après y avoir injecté toutes ses économies : "Je suis allé voir l’US Open en famille l’année dernière, mais c’était ma première grande compétition internationale seul. Je partais onze jours, le programme était incroyable". Mais Victor ne verra pas les JO cet été. Comme beaucoup de supporters français, il a vu ses vacances olympiques tomber à l’eau à cause du coronavirus. Et doit tout réorganiser.
Des mois de préparation
Du côté de la famille nantaise de Rochereau-Cheral, la déception est aussi palpable : "On a assisté aux Jeux de Rio en 2016 avec mon mari, on voulait faire vivre cela à nos filles de 6 et 8 ans", raconte Laura, la mère. "On partait trois semaines, d’abord pour les JO, puis pour découvrir le Japon". Et la petite famille n’était pas la seule à prévoir sa virée olympique depuis des mois. Pour Enguerran Vinciati, ancien judoka de haut niveau, assister à des Jeux au Japon, c’était le rêve d’une vie : "J’ai fait du judo pendant vingt ans, et je rêvais de voir les JO. Alors, un tournoi olympique de judo à Tokyo, vous imaginez…", confesse le trentenaire, qui s’apprêtait à passer douze jours avec sa compagne à Tokyo.
Parmi les centaines de Français attendus au Japon pour les Jeux, on comptait aussi des habitués d’évènements internationaux. Ainsi, Justine avait prévu de s’y rendre depuis deux ans. Elle raconte : "On a suivi la Coupe du monde en Russie. En rentrant, on s’est dit qu’il fallait maintenant vivre les JO. Depuis octobre dernier, tout était réservé". Avions, hôtels et surtout places pour les compétitions : les vacances olympiques demandent en effet autant d’organisation que d’anticipation.
"Pour les places sportives, cela a été une vraie bataille. En France, tout passait par un unique revendeur. Il y a eu des embouteillages au moment des ventes", se souvient Victor, plutôt bien loti : "J’avais 17 épreuves, je visais les chances de médailles françaises. J’avais la finale du 100m, du handball, une partie des tours qualificatifs pour Riner…". Si le jeune enseignant avait mis le tourisme de côté, la majorité des vacanciers olympiques visaient un juste milieu : "L’objectif c’était moitié sport, moitié visites. Par exemple, on devait assister au cyclo-cross féminin pour voir Pauline Ferrand Prévot. Et cette épreuve était proche du mont Fuji, où l’on devait passer le reste de la journée", éclaire Justine.
Entre déception et soulagement
Après des semaines d’organisation, suivies de mois d’attente, les vacanciers olympiques ont dû revoir leurs plans, après le report des Jeux à l’été 2021. "Au risque de surprendre, quand on a appris le report, ça a été un soulagement", avoue Laura, qui poursuit : "On ne sait pas comment la situation va évoluer ici et en Asie, et on préfère voyager dans des conditions optimales, surtout avec nos enfants". Pour Justine et son frère, la pilule a eu plus de mal à passer : "Au début on ne pensait pas à l’annulation, juillet nous paraissait un peu loin. On en espérait beaucoup, même si on s’y attendait quand même, au fond".
Si les Jeux sont d’abord pour les athlètes, les supporters qui allaient traverser le globe se préparaient aussi depuis un moment. Et contrairement aux athlètes, ils ne sont pas sûrs d’être du rendez-vous l’été prochain. "On n’est pas sûrs d’avoir nos congés l’année prochaine, mais on n’a pas le choix" s’inquiète Justine. Professeur en lycée, Victor n’a pas de problème pour les congés estivaux, mais ce sont les conséquences financières qui pourraient empêcher sa venue. Car après le temps de la déception vient celui de la désorganisation, des demandes de remboursements et des galères. Victor témoigne : "C’est un combat. Pour les places, on nous assure qu’elles seront valables l’année prochaine. Et si on ne peut pas y aller, on sera remboursés. Mais ensuite, pour les avions et hébergements…".
"Mais pour que le vol soit annulé, il faudrait que la situation sanitaire ne s’améliore pas, et je ne peux pas espérer cela. Je préfère perdre mes billets."
Au petit jeu des remboursements de vols, chaque compagnie aérienne impose son règlement. Pour Enguerran, qui devait voyager sur Turkish Airlines, aucun problème : "Tout est remboursé, même le logement, parce que j’étais passé par AirBnB". Mais tous n’ont pas sa chance. Tant que les vols ne sont pas officiellement annulés, beaucoup de compagnie ne se sentent pas obligées de les rembourser. Ainsi, Justine doit payer 180 euros pour rembourser son billet à 850 euros chez Etihad. Laura, elle, attend des nouvelles d’Air France : "Ils ont l’air assez compréhensifs sur les vols du printemps, je ne suis pas trop inquiète". Pour le reste, la famille était passée par une agence de voyage et pourra donc reporter ses réservations d’hébergements.
Un rêve olympique intact
Pour Victor, c’est beaucoup plus compliqué : "Si le vol est annulé, je pourrai me faire rembourser, contrairement à l’hôtel. Mais pour que le vol soit annulé, il faudrait que la situation sanitaire ne s’améliore pas, et je ne peux pas espérer cela. Je préfère perdre mes billets", assure le jeune homme, dont les économies risquent de passer dans ce voyage annulé. Mais cela ne décourage pas le jeune homme de 23 ans : "Financièrement, je vais devoir faire le point. Mais l’objectif c’est d’y être dans un an. Je vais tout faire pour. Même si ça me coûte déjà beaucoup, je veux être aux JO de Tokyo".
Au delà des galères administratives, l’ambition olympique de ces vacanciers reste intacte. Et tous donnent rendez-vous l’été prochain à Tokyo. D’ici là, les vacances de cet été seront improvisées, et un peu moins sportives que prévues. "Ce sera sûrement un départ à la dernière minute, peut-être en Asie quand même", avance Enguerran. "Si mon vol n’est pas remboursable, je vais peut-être y aller pour le tourisme. Mais je préférerai changer de destination complètement", s’interroge Victor. Mais promis : dans un an, comme les athlètes, ils viendront bien à Tokyo « plus vite, plus haut, plus fort » pour vivre leur rêve olympique.
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