Dans l'ombre de Martin Fourcade
Quand on parle biathlon en France, Martin Fourcade n’est jamais très loin. Vice-champion olympique de la mass-start à Vancouver, cinq fois champions du monde (entre 2011 et 2013), 27 victoires en Coupe du monde, il attire forcément la lumière. "Martin prend 99% voire 99,9% de la couverture médiatique du biathlon", confirme Vincent Jay, champion olympique de sprint à Vancouver et aujourd’hui consultant pour France Télévisions. Derrière le leader, ils sont quatre, son frère Simon, Alexis Bœuf, Simon Desthieux et Jean-Guillaume Béatrix. Pour eux, ces Jeux sont une occasion de récupérer les miettes.
Mais comment aborde-t-on une compétition dans l’ombre d’un énorme favori ? "C’est une bonne et une mauvaise chose, précise Vincent Jay, ils aimeraient qu’on parle plus d’eux, mais c’est bien car cela les protège de toute cette pression. Alexis (Bœuf, ndlr) ou Jean-Guy (Béatrix, ndlr), qui sont de vrais outsiders en individuel, peuvent se dire que les médias ne les connaissent pas et qu’en cas de 20e place, ils les laisseront tranquilles". Les intéressés, eux, prennent la situation avec philosophie. "On n’en a pas marre d’être dans l’ombre. Martin ce qu’il réalise, ce qu’il a, il le mérite. Si on veut plus de lumière, on doit être meilleur, tout simplement. On peut envier ce qu’il arrive à faire, parce que chaque athlète a envie de s’exprimer à 100% sur chaque compétition. Sa constance est sa force", analyse Alexis Bœuf.
Ils existent quand même, mais ailleurs
Jean-Guillaume Béatrix lui non plus ne court pas après plus de lumière. "Il ne m’a pas empêché de progresser, au contraire", ajoute-t-il. Les deux hommes se côtoient depuis qu’ils ont 16 ans chez les cadets, ils se connaissent par cœur. Voir la réussite de son ami a pu lui peser, mais désormais ce sentiment s’est envolé. "Ca été pesant en 2008-2009 quand il a franchi un cap qu’il m’a fallu quatre ans à franchir. Il est monté sur son premier podium mondial aux JO de Vancouver. Il a basculé des juniors où on était rivaux aux podiums mondiaux en un an. Mon premier podium de Coupe du monde, je l’ai réussi cette année (2e en poursuite à Antholz en Italie, ndlr). On ne progresse pas tous à la même vitesse, c’est un constat irréfutable".
Simon Desthieux, le plus jeune de la bande (22 ans), lui débarque. Il est déjà content d’être là même si ce "n’est pas facile de passer derrière lui". "Il est sur le podium quasiment à chaque fois, nous on se bat pour un Top 10. Cela a peut-être moins de valeur aux yeux du grand public", regrette le natif de l’Ain. En France peut-être mais ailleurs, ils ne sont pas "les autres Français du biathlon". "En Russie, c’est un sport très populaire, ça change un peu d’être dans la lumière. On a aussi l’habitude d’aller en Allemagne, en Autriche où c’est très médiatisé. On est reconnu alors que chez nous on l’est moins. On perd un peu plus de temps à signer des autographes (rires)", sourit Desthieux. "Les gens sont fans de tous les biathlètes et pas seulement de Martin comme en France", confirme Bœuf.
Pas imbattable
Martin Fourcade trustent les podiums de Coupe du monde (70 au total), soit 20 de plus que les quatre autres réunis. Pourtant, ils l’assument, il n’est pas imbattable. La preuve, à l’entraînement dans les confrontations directes ou sur certains exercices, il arrive qu’ils prennent le meilleur sur Martin. "On n’est tous plus forts que d’autres dans certains domaines. Alexis (Bœuf, ndlr) est meilleur dans le sprint, mais il n’y a pas que ça. Simon (Fourcade, ndlr) est celui qui soulève le plus de poids, mais il n’y a pas que ça, moi je suis le meilleur sur un vélo, mais ça ne suffit pas", précise Béatrix. Fourcade n’est pas "un extraterrestre", selon Desthieux, mais il réunit tout simplement "le meilleur cocktail pour être le plus fort en biathlon", avoue Béatrix. Alexis Bœuf confirme : "l’effort de biathlon est très spécifique et va très bien à Martin".
Oseraient-ils pour autant commettre le crime de lèse majesté ? Le battre aux JO, la compétition qu’il prépare depuis quatre ans et dont tout le monde lui parle ? "J’ai envie de le voir gagner. Bien sur. J’ai envie qu’il gagne sauf s’il arrive face à moi lors du sprint final", assure l’enfant de Saint-Priest. Desthieux, lui, est plus réservé. "Il serait content pour nous, mais je pense qu’il serait déçu parce que ça fait tellement longtemps qu’on lui parle de ces JO qu’il a envie de bien faire", reconnaît-il.
L’obsession du relais
Avoir un tel leader dans son équipe est un rêve pour tout coach, car il entraîne les autres et qu’ils peuvent s’appuyer sur ce leadership incontesté. Alexis Boeuf ne le nie pas, Martin Fourcade "influe plus que d’autres sur certains choix", mais le groupe est équilibré, "les entraineurs marchent pour tout le monde". De son œil de consultant, Vincent Jay lui tempère : "quand tu es entraîneur, tu as un discours de politicien. C’est un manageur il doit dire oui mais non… on doit adapter son discours en fonction des athlètes dont on dispose".
Notamment lors de ces Jeux, où tous voudront participer au relais. "Ils savent qu’avec Martin, il y a une médaille à aller chercher, ils veulent tous y être. Moi je rêvais de courir avec Raphaël Poirée", se rappelle-t-il. "Martin, son frère Simon et Jean-Guillaume y seront. La dernière place se jouera entre Alexis Bœuf et Simon Desthieux". A eux d’aller la décrocher dans le sillage de leur leader qui aura forcément besoin de ses camarades pour l’emporter dans la course par équipes.
Vidéo : Fourcade veut assumer son statut
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