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Décryptage : Pourquoi le CIO est contaminé par le doute

Depuis le début de la crise liée à la pandémie du Covid-19, le Comité international olympique (CIO) tente de maintenir le cap pour que les Jeux de Tokyo se passent bien l'été prochain. Mais à mesure que le virus se répand dans le monde entier, des voix plaident pour un report. Thierry Vildary, journaliste France Télévisions, décrypte les hésitations des dirigeants.
Article rédigé par franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
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Temps de lecture : 3 min
  (FABRICE COFFRINI / AFP)

Et John Coates fit basculer le monde olympique dans le doute : "Tout suit son cours pour l’ouverture des jeux le 24 juillet". À vouloir trop rassurer, en dépit de la réalité du reste du monde, on perd toute crédibilité. John Coates n’est pas n’importe qui, cet Australien austère est le "Numérobis" du CIO. C’est le président de la commission de coordination des Jeux de Tokyo, en gros l’oeil de Lausanne au Japon, le bras droit du président Thomas Bach. Et la réponse lui est venue d’une hockeyeuse canadienne aux 4 médailles d’or et membre du CIO, jugeant "l’attitude du CIO (…) insensible et irresponsable". Prouvant ainsi que le débat fait rage en interne.

Déclarée mercredi, la phrase de Coates, en droite ligne avec la communication officielle du CIO depuis le début de la crise, n’a cessé de perdre en crédibilité au fil des heures. Depuis, l’épidémie explose aux États-Unis, le Royaume Uni qui la jouait "virus friendly" commence à fermer ses écoles, l’Italie vient de battre le nombre de décès de la Chine. La Chine elle-même claironne qu’elle n’enregistre qu’un seul cas par jour mais en détecte une douzaine arrivant au quotidien dans ses aéroports. Cela donne une idée de la queue de comète du Covid-19 que chaque pays va devoir gérer, pendant des semaines, voire des mois, une fois m’épidémie sous contrôle. "Tout suit son cours".

Et l'équité sportive dans tout ça ? 

Parallèlement le sport sous cloche se retrouve également sous le choc. Par un effet de dominos jamais vu, tous les grands événements tombent comme des mouches. Euro 2020, Paris-Roubaix et Tour des Flandres, Roland Garros, GP de Monaco, championnats de foot suspendus, certains déjà clos, même Kevin Durant, star de la NBA, a de la fièvre. Dans ces conditions, même si le Japon était sorti d’affaire en juillet, comment acheminer et accueillir plus de 10 000 athlètes de tous pays, des milliers de journalistes et techniciens et 3 millions de spectateurs ? La réponse de John Coates : "C’est un défi". Voilà, voilà.

Se pose d’abord le débat de l’équité de la préparation olympique. Le CIO y répond par un angélique : "Nous disons aux athlètes, continuez de vous préparer normalement". Une réponse qui n’est plus d’actualité aujourd’hui, quand la moitié de l’Europe est confinée pour des durées inconnues et des conditions incompatibles avec le sport de haut niveau. Se pose ensuite une seconde question, celle des modes de qualifications, des minimas, que personne ne sait comment réaliser, sans compétitions, ni entraînement. Et pas pour seulement deux semaines, tout le monde l’a maintenant compris. À cela Thomas Bach a répondu mardi d’une parade-riposte qui lui a valu l’or olympique en escrime à Montréal en 76 : c’est aux fédérations internationales de lui "faire des propositions d’ici fin mars". C’est à dire que pour l’instant, personne ne sait comment faire.

Ainsi en toute logique, la question du report "une possibilité" pour Sebastian Coe, président de l'IAAF, ou même de l’annulation des JO 2020, est maintenant clairement exprimée publiquement. Pour Matt Carroll, le président du comité olympique australien, "le report des JO, n’est pas une chose simple à faire". Voilà qui promet un beau débat avec son compatriote John Coates.

Quand le monde entier sera sorti de l'épidémie ?

Chez nous, les mots de Martin Fourcade à L’Équipe, qui ne voit "aucune raison pour l’instant de reporter ou annuler les JO", fermement soutenu par Renaud Lavillenie, suivent la même dérive que la phrase de Coates. Notre Martin national est cependant plus prudent en proposant de faire le point fin avril. Cela nous laisse le temps de réfléchir à quelques problématiques : quand sortirons-nous de l’épidémie ? Quand pour les USA ? Quand pour l’Amérique du Sud qui ne dénombre que quelques dizaines de cas pour l’instant ? Quand pour l’Afrique ? Et comment toutes les personnes de ces continents vont-elles passer la douane à Tokyo fin juillet ?

À Lausanne, le CIO, décalé dans sa communication mais quand même pas dans l’organisation, y planche en permanence. Mais en télétravail, car les 600 salariés du comité olympique sont confinés chez eux. Seuls, rapporte le quotidien suisse Le Temps, quelques directeurs restent sur place, autour de Thomas Bach, mais à un mètre. Les couloirs du CIO sonnent creux et créent un drôle de parallélisme de formes avec sa communication.

Thierry Vildary

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