J-100 : la polémique "gay" fait rage
En juin dernier, Vladimir Poutine provoquait un tollé. Sa loi interdisant tout acte de "propagande sexuelle" devant mineurs était perçue comme une atteinte aux libertés pour la communauté homosexuelle du monde entier. Des voix se sont élevées. Celles de personnalités d’abord. L’acteur britannique Stephen Fry qui dans une lettre ouverte dénonçait une loi "barbare" et "fasciste". Puis celles des sportifs. A la mi-octobre, 15 athlètes nord-américains et européens, parmi lesquels le tennisman Andy Roddick, ont demandé au président du CIO Thomas Bach que l'instance sportive prenne position sur cette question, estimant que la loi russe "violait clairement" la charte olympique interdisant "toute forme de discrimination".
Les signataires, qui appelaient les athlètes à travers le monde à les rejoindre, ne sont "pas satisfaits" de la réponse apportée par le CIO. En visite à Sotchi fin septembre, Jean-Claude Killy, président de la commission de coordination des JO, avait déclaré que le CIO était "persuadé" que la charte olympique serait respectée. Devant la montée des contestations, le chef du Kremlin a voulu apaiser le climat qui règne autour de Jeux qu’il rêve grandioses et comme une vitrine de la Russie. "Nous faisons tout (...) pour que les participants et les invités se sentent à l'aise à Sotchi, quelles que soient leur nationalité, leur race ou leur orientation sexuelle", a assuré Poutine ce lundi à Thomas Bach, lors d'une visite d'inspection.
Un crime
Selon le président russe, les gays ne sont pas victimes d'ostracisme en Russie, où l'homosexualité est dépénalisée depuis 1993. Il faudra attendre 6 ans de plus pour que l’homosexualité ne soit plus considéré comme une maladie mentale. Pourtant, au XXIe siècle, ils sont régulièrement accusés de nuire à la croissance démographique du pays et subissent des mesures d'exclusion de la part de l'Eglise orthodoxe, qui s'est nettement rapprochée du Kremlin sous la présidence Poutine. Thomas Bach n'a pas évoqué publiquement la question. Il a préféré saluer l'avancée des préparatifs de ces Jeux pour lesquels la Russie investit plus de 50 milliards de dollars (36,25 milliards d'euros).
"Nous sommes parfaitement convaincus que les Jeux seront fantastiques", a déclaré le nouveau président du CIO, assis à côté du dirigeant russe. Les dirigeants russes, très sollicités sur cette question depuis le début de la controverse, assurent que les jeux se dérouleront sans aucune discrimination, tout en avertissant comme l'a fait le vice-Premier ministre Dmitri Kozak, que ceux qui violeront la loi "répondront de leurs actes", qu'ils soient "hétérosexuels ou homosexuels". Devant ces menaces, la volonté affichée par une association russe de mettre en place des "jeux gays" après les JO de Sotchi pourrait amener de nouveaux troubles.
Pas de boycott
Les appels au boycott n’ont pas forcément trouvé une oreille attentive chez les sportifs. "Je ne pense pas qu'un boycott puisse servir un quelconque but. Manifestement, ces lois en Russie sont un peu idiotes, mais ça ne changerait rien de boycotter", a estimé l'Américain Ted Ligety, champion olympique du combiné en 2006. Une telle initiative "n'a juste aucun sens: cela ne fait mal qu'aux athlètes, car on travaille pendant quatre ans pour ce genre d'événement et ces lois vont perdurer de toute manière", a poursuivi l'Américain. Les militants homosexuels de Russie espèrent, au contraire, la venue des athlètes, estimant que leur cause serait mieux défendue s'ils affichaient ouvertement leur opposition à cette loi sur place. "La politique et le sport ne devraient pas se mélanger. Les sports sont équitables, ils sont purs et le meilleur gagne. La politique, ce n'est pas comme ça", a de son côté estimé le Norvégien Aksel Lund Svindal, lauréat de la Coupe du monde de descente et de Super-G en 2013.
L'Autrichienne Anna Fenninger, championne du monde du super-combiné en 2011, ne croit pas quant à elle à l'efficacité d'une action menée au niveau des athlètes. "Bien sûr, en tant que sportif, on peut éveiller les consciences mais peut-on parvenir à quelque chose en agissant de la sorte ? Je ne sais pas. Pour faire la différence, ça doit venir de bien plus haut que d'un simple sportif. Mettre la responsabilité sur une personne et non sur le pouvoir qui a choisi où auraient lieu les JO, c'est injuste", a-t-elle déclaré. Au lieu d'un boycott, certains militants ont demandé aux athlètes d'arborer des signes de protestation sur leur tenue. "Je ne sais pas non plus jusqu'à quel point on veut se fâcher avec les autorités russes", a prudemment observé Ted Ligety.
En fond, les droits de l’homme
Au-delà de cette loi "anti-gay", c'est la multiplication des atteintes aux droits de l'homme en Russie que dénoncent de nombreuses ONG, comme Amnesty International et Human Rights Watch (HRW) qui soulignaient au printemps dernier une aggravation inédite de la situation depuis le retour au Kremlin de Vladimir Poutine, au pouvoir depuis 13 ans. Pour répondre à la vague de contestations qui a déferlé entre fin 2011 et 2012, le Kremlin a choisi la force et la répression.
Les exemples ne manquent pas entre la condamnation de deux Pussy Riot à deux ans de camp après une prière "punk" ou les quatre ans et demi de camp pour un opposant qui a participé à une manifestation. L'opposant numéro un à M. Poutine, Alexeï Navalny, a lui aussi été condamné à cinq ans de prison - peine commuée en sursis le 16 octobre - sur des accusations qu'il affirme fabriquées de toutes pièces. Poutine qui voulait mettre en avant "sa" Russie en accueillant ces Jeux pourraient bien également attirer l’œil sur des pans qu’il préférait laisser cachés.
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