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JO-2016 de Rio: huit mois après, l'enfer du décor

Huit mois après les Jeux Olympiques de Rio de Janeiro, les images des sites olympiques abandonnés font enrager les Brésiliens. Après les polémiques liées aux surcouts, à la corruption, aux approximations d'organisation avant l'événement, le premier pays sud-américain à avoir accueilli les JO vit toujours dans la critique. Thomas Bach, le président du CIO, plaide néanmoins pour sa cause.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Le stade Maracana et sa pelouse jaunie car à l'abandon durant trois mois après les JO-2016 (VANDERLEI ALMEIDA / AFP)

Le CIO soutient mordicus ses JO

"C'est important de se rappeler que ces Jeux ont été les plus suivis de l'histoire". Thomas Bach, le président du Comité international olympique (CIO), pratiquerait-il la méthode Coué ? Après les innombrables critiques concernant les derniers JO, qu'ils soient d'hiver à Sotchi (2014) ou d'été à Rio (2016), après les nombreuses défections dans la lutte pour obtenir l'édition 2024 (Rome, Budapest, Hambourg, Boston), cet événement ne fait plus recette. Mais Bach joue sa partition pour rester positif: 

"Je crois que tout le monde est d'accord pour dire que ces Jeux ont été un grand succès malgré des circonstances difficiles et un contexte compliqué pour le Brésil et Rio de Janeiro", rappelle-t-il. "Aujourd'hui, il y a un débat sur l'héritage de ces Jeux. Pourtant cet héritage est visible, quand on voit les transports, les infrastructures... Il existe des rapports qui affirment que tout n'est pas entièrement utilisé. Je voudrais demander à tous ceux qui portent ces jugements qu'ils comparent avec les expériences précédentes pour mettre en perspective la réalité. La réalité c'est qu'à Londres-2012, par exemple, le parc olympique est resté fermé pendant un an et d'autres installations également pendant deux ou trois ans, parce qu'on avait besoin de temps pour adapter les installations olympiques à un usage nouveau".

Le Maracana nouvel éléphant blanc et symbole de la faillite de l'organisation

Le stade Maracana, théâtre des cérémonies d'ouverture et de clôture des JO-2016, était le symbole du Brésil. C'est ici que le football, sport roi, a écrit une grande partie de sa légende. Ce stade majestueux représentait la puissance de la Seleçao, cinq fois championne du monde, et de tout un pays passionné par ce sport. Entre la Coupe du monde 2014 et les JO-2016, c'était le poumon du sport brésilien. Sauf qu'une fois les lumières éteintes, l'enceinte a été laissée à l'abandon durant près de 3 mois. En cause, un imbroglio politico-juridique qui oppose le concessionnaire privé du stade et le comité d'organisation des JO (le premier reprochant au second de ne pas lui avoir rendu le stade comme il l'avait trouvé avant les Jeux, avec en arrière-plan des affaires de corruption). Gazon jauni, électricité coupée, cambriolages, le bilan est funeste. Et le tout après une rénovation qui a eu un surcoût de 211 millions de reals (environ 61 millions d'euros) dû à des irrégularités, des surfacturations, selon une enquête du Tribunal des Comptes de l'état de Rio de Janeiro.

Ce n'est pas le seul lieu en perdition. Le Parc olympique, construit dans le quartier de Barra de Tijuca, est totalement à l'abandon. Il y a aussi la piscine d'échauffement, où Michael Phelps préparait son retour triomphal, désormais convertie en paradis pour moustiques dans un pays où la Dengue fait des ravages...

Les sports olympiques revenus 20 ans en arrière

"De 2002 à 2016, nous avons organisé une série de grands événements et nous disposions pour cela de recours bien plus importants", se souvient Carlos Arthur Nuzman, président du Comité olympique brésilien (COB). "Maintenant, nous revenons à la situation d'avant les JO de Sydney-2000", quand le sport brésilien n'avait pas la possibilité d'attirer des sponsors avec la perspective de la réalisation de grandes compétitions à domiciles. Marcus Vinicius d'Almeida, grand espoir du tir à l'arc brésilien, décrit ces difficultés: "Beaucoup de choses ont changé après les jeux de Rio. Avant, toute l'équipe nationale s'entraînait ensemble mais nous n'avons plus d'entraîneur. Donc chacun doit se débrouiller de son côté. Je ne peux plus payer de kiné ni de préparateur physique. Je viens de passer quarante jours en Europe mais j'ai tout payé de ma poche." 

Les gloires du mois d'août ont également déchanté. Robson Conceição, premier médaillé d'or de l'histoire de la boxe brésilienne (-60kg): "À part la reconnaissance du public, cette médaille ne m'a rien rapporté, aucune entreprise ne m'a approché. Comme j'ai gagné une médaille inédite, je pensais que ma situation allait s'améliorer. C'est difficile à expliquer. Je crois que la crise à bon dos, les gens ne sont juste pas disposés à soutenir les sportifs." Maicon Andrade, premier médaillé de l'histoire du taekwondo brésilien chez les hommes (bronze dans la catégorie +80 kg): "Je pensais que la situation du taekwondo brésilien allait s'améliorer mais elle n'a fait qu'empirer. C'est une déception totale. Nous n'avons pas de sponsor et la Fédération nous a prévenu qu'elle ne pourra pas payer les frais de voyage pour les Mondiaux de juin en Corée du Sud. C'est déstabilisant parce que je dois d'abord me qualifier et ensuite, il faut encore que je m'occupe du billet d'avion et de l'hôtel, le tout en dernière minute.

Un pays à l'agonie

La Coupe du monde de football en 2014 et les Jeux Olympiques de Rio en 2016 ont mis en lumière un pays en souffrance. Après un taux de croissance record de 7.6% en 2010, la baisse des cours des matières premières (produits agricoles et pétroliers) a entraîné le Brésil dans la récession. En 2015, le Produit intérieur brut (PIB) a baissé de 3.8%, et de 3.6% en 2015. Les scandales politico-financiers (destitution de la président Dilma Roussef), le chômage à un taux de 12.6% ont encore affaibli le pays.

L'état de Rio, partie prenante du projet olympique, a contracté un prêt auprès du gouvernement fédéral, moyennant des mesures d'austérité. Réduction du nombre de fonctionnaires, annulation de programmes sociaux, augmentation jusqu'à 14% des retenus sur salaires pour contribuer au système des retraites... Tout cela a fait croître la grogne. Mais le gouvernement, qui avait annoncé une prévision de croissance à 1% pour 2017, a revu sa prévision à 0.5%, tout en maintenant son espoir de sortir de la pire récession de l'histoire du Brésil. Tout cela a aussi joué dans un après-JO loin d'être rutilant.

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