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JO 2016 : Jérémie Azou, le trait d’union de l’aviron tricolore

Jérémie Azou avait prévu de passer son été à Rio avec son compère depuis quatre ans, Stany Delayre. Mais le duo champion du monde en deux de couple poids léger a explosé face aux aléas des sélections. C’est avec Pierre Houin que Jérémie Azou ira conquérir l’or olympique. Le seul titre qui lui manque. Le duo devait entrer en lice ce dimanche, mais le vent a obligé le CIO a repoussé au lundi le début des qualifications du deux de couple poids léger.
Article rédigé par franceinfo
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Les rameurs Pierre Houin (à gauche) et Stany Delayre (à droite) entourent leur leader Jérémie Azou (SEBASTIEN LAPEYRERE / MAXPPP)

Canal de la Villette, le 21 juin dernier, des enfants jouent et crient au bord de l’eau. L’édition 2016 de la "Rame en 5e" vient de rendre son verdict. L’aviron français a choisi cet événement pour un dernier rendez-vous médiatique avant les JO. Ceux qui seront à Rio sont là. Parmi les dix-neuf athlètes, un attire plus les regards. C’est lui que Patrick Ranvier, Directeur Technique National, appelle à l’estrade. Son physique longiligne, sa chevelure blonde qui le ferait passer pour un Scandinave, lui l’Avignonnais, Jérémie Azou est le visage de l’aviron français. Un visage qu’on associait immanquablement à celui de Stany Delayre, son compère sur le deux de couple poids léger. Le duo avait une histoire : cette quatrième place à Londres après une entourloupe du bateau anglais, puis les déceptions aux Mondiaux avant la consécration à Aiguebelette en 2015.

Un titre mondial comme étape pour le duo vers l’or olympique à Rio. Cela aurait été une superbe fin pour Delayre et Azou. Elle a été cruelle. La sélection olympique ne fait pas de cadeaux et Stany Delayre, moins performant aux championnats de France, a perdu sa place dans le duo au profit du jeune Pierre Houin. Un crève-cœur qu’il a fallu avaler et digérer. "Depuis l’an dernier, on savait qu’on était trois sur le projet JO, on savait qu’il y aurait un déçu, déclare Jérémie Azou. Humainement c’est difficile. Quand on fait une olympiade avec un bonhomme, tu as quasiment tout gagné, autre chose vient se greffer au sportif. Il y a des hommes sous ces armures. Cela été difficile à passer, mais je suis rassuré que Stany accepte d’être remplaçant". Joint au téléphone par Patrick Ranvier, Stany Delayre a mis de côté la déception pour accepter le rôle de doublure aux JO. "C’est que du positif qu’il soit là, il a joué le jeu. Il a du mal à accepter la décision mais il se rengage dans le projet et ça sera un bon remplaçant", assure le DTN.

L’or, objectif ultime

Ce choix de faire confiance au jeune Pierre Houin, Jérémie Azou l’a pris comme un sportif de très haut niveau. Sans faire de vagues malgré la tristesse. "Plus pro que Jérémie, on a du mal à imaginer, souligne Patrick Ranvier. Il voulait être champion olympique, c’était sa logique. Après chacun son boulot. Mais ça été très difficile pour lui, Stany et lui se sont pleurés dans les bras après Lucerne, c’était la fin d’une aventure". Jérémie Azou, Stany Delayre et Pierre Houin avaient les cartes en mains dès le départ. "L’objectif était que le deux de de couple soit champion l’olympique à Rio, ça aurait pu être sans Jérémie Azou. Il semble pour l’instant que le duo Houin-Azou soit la meilleure combinaison", estime le rameur. Les victoires à Lucerne et Poznan ont entériné une décision prise dans la plus grande transparence, condition indispensable souhaitée par Jérémie. "Quand on sait comment ça va se passer, les athlètes peuvent s’épanouir dans le projet", soutient-il. "C’est le système de sélection de l’aviron français qui fait son succès depuis le début, explique Patrick Ranvier. On a testé Pierre et Jérémie en compétition et ça fonctionne. C’est super dur comme sélection, parce que ça sous-entend une notion de choix et touche à l’affect, mais ça fait partie du job".

L’épisode est encore chaud, mais Jérémie Azou prend le temps de répondre. Longuement et clairement à toutes les questions. Sans se cacher. L’homme est disponible, il tutoie facilement – l’expression "tu sais" à l’intention de son interlocuteur revient régulièrement – et ne se lasse pas des questions qui reviennent. Oui, tourner la page Azou-Delayre a été dur. Oui, pour ce nouveau chapitre avec Pierre Houin, le champion du monde d’Aiguebelette n’envisage rien d’autre que l’or à Rio. "Cela fait quatre ans que je m’entraîne comme un dingue, lance-t-il. Cette course, je veux en être acteur et pas la regarder. Je n’ai pas peur du statut de favori, parce qu’on a tout ce qu’il faut pour bien faire".

Jérémie, le grand frère

A Rio, Jérémie Azou sera le leader du clan français. De par son expérience, son palmarès, ce statut lui revient quasiment d’office. "Il est le plus régulier dans la performance depuis quatre ans, il a collectionné le plus de podiums, synthétise Patrick Ranvier. Il était champion du monde en 2015, vice-champion du monde en 2014, vice-champion du monde de skiff, quatre fois champion d’Europe, quatre fois vainqueurs à Lucerne. C’est le chef de file et le leader. Il est porteur de l’ambition olympique tricolore". Avec Delayre, Azou formait un binôme épanoui, homogène, avec deux rameurs sur un pied d’égalité. Désormais, il apparaît comme le maître à bord. Il est l’aîné – il a cinq ans de plus que Pierre Houin – et se positionne en grand frère. Tout en refusant d’être une ombre envahissante et pesante pour son jeune coéquipier. "Sur certains choses je fais le grand frère, j’apporte mon expérience, mais j’essaie d’effacer ce qui peut limiter la performance", relativise-t-il. Il sait ce qu’il représente pour Pierre Houin – "c’est le meilleur rameur du monde" selon ce dernier – mais refuse d’en abuser. Au contraire. "J’essaye de casser l’admiration qu’il peut avoir pour moi, parce qu’à un moment donné ça pourrait être contre-productif. Parce qu’on est deux dans ce projet et j’ai autant besoin de lui de ce qu’il a besoin de moi. Il n’y a pas de favori dans le bateau, je ne pourrai pas tirer le double tout seul (…) Je le pousse à s’exprimer, à prendre des décisions, pour lui montrer qu’il a des qualités et que j’ai confiance en lui".

Il sait aussi le rôle qu’il peut avoir dans le futur. La transmission, un des créneaux du rameur de 27 ans. Face aux écoliers au canal de la Villette, il fallait l’écouter parler des valeurs de l’école et de l’éducation. Jérémie Azou se soucie de l’avenir de l’aviron français et veut maintenir le niveau de performance. "Si dans quatre ans, huit ans, le double poids léger truste encore des finales, c’est que la transition aura été bien faite", assure-t-il. Il passera le témoin à Pierre Houin et à d’autres. "J’essaye, à mon échelle, de faire le trait d’union et de sortir du schéma individualiste. Il y a mieux à faire que de dire maintenant que j’ai arrêté ‘démerdez-vous’. Maintenant que Pierre est là, il faut le faire. On a cinq ans d’écart, et ce n’est pas dit que dans cinq ans on retrouve un Pierre Houin. Des mecs comme ça il ne faut pas les rater". La promotion de Pierre, outre l’argument sportif, repose aussi sur le projet qu’entend mener l’aviron tricolore. "Stany était plus âgé que Jérémie, Pierre est plus jeune que Jérémie, illustre le DTN, on est en train d’assurer la continuité. On met un très jeune, ça peut durer un bon moment. Il est ancré dans le truc, il faudra lui en trouver un autre pour que l’histoire continue". Une histoire où Jérémie Azou aura eu droit au chapitre. En espérant une apothéose pour la fin.

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A photo posted by @francetvsport on Aug 7, 2016 at 7:01am PDT

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