JO 2016 :Julien Billaut et Lucien Delfour, deux Français au pays des kangourous
Déodoro, au nord de Rio, c’est là que le site de canoë-kayak a pris ses quartiers pour les Jeux de Rio. Sur cet ancien site militaire situé sur une colline, chauffé par le soleil carioca, ça s’affaire autour des bateaux à la veille du début des compétitions. Les Australiens sont dans les finitions : coller les stickers, passer un coup de poliche, un travail pas forcément passionnant mais nécessaire.
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Long processus
Lucien Delfour, lui, n’a ni femme, ni enfant, quand il quitte la France en août 2008 pour passer neuf mois en Australie. Là-bas, Myriam Fox-Jérusalmi, ancienne kayakiste tricolore médaille de bronze à Atlanta et femme de Richard Fox, 10 fois champion du monde de kayak, l’aide à naviguer. A la fin de la période il fait sa demande de résidence permanente. S’enclenche un très long processus où il multiplie les allers-retours entre la France et l’Australie. En 2010, il dispute sa première course sous les couleurs ‘aussies’ lors d’une Coupe du monde à Pragues. Un premier signe positif, loin d’être le bout du chemin. Il lui faudra attendre quatre années supplémentaires pour enfin obtenir ce qu’il désirait plus que tout, la nationalité australienne. "Je l’ai eue en décembre 2014, juste avant Noël, se souvient-t-il, tout le monde était parti donc j’étais un peu seul. Ce cadeau m’a vraiment, vraiment fait plaisir. En plus, pour des raisons financières, il fallait que j’aie la nationalité avant la fin de l’année". Jusqu’à cet heureux dénouement, la vie en Australie fût "loin de Disneyworld", comme cette année 2011 où financièrement c’était compliqué en raison du prix pour exercer sa passion ("un bateau coûte 2000 euros en moyenne et il faut changer généralement deux fois par an", révèle-t-il). L’arrivée de son sponsor actuel, Gala sport, lui permit de respirer et de revoir son jugement. "Avant je critiquais les gens qui allaient chez les fabricants pour avoir des bateaux gratuits sans les aimer, avoue-t-il, mais sous la pression financière, parfois on n’a pas le choix". Mais tout est bien qui finit bien et qui était là pour la cérémonie de remise de ses papiers officiels de citoyen australien, Julien Billaut.
Ce dernier et sa famille n’ont pas entrepris les procédures pour changer de nationalité. Il ne s’est pas posé la question. Il coule une belle vie à Penrith, lieu du bassin olympique de Sydney. Sa femme, ex-visiteuse médicale en France, fait et vend aujourd’hui des pâtisseries françaises aux boulangeries du quartier. "Elles sont très bonnes et ça fonctionne bien", sourit-il. Ses deux enfants, Sevan et Tom, respectivement 3 ans et demi et un an au moment du grand départ, se sont parfaitement acclimatés à la vie de l’autre côté du globe. "J’ai demandé au plus grand pour rigoler le mois dernier s’il se sentait plus Australien ou Français, il m’a répondu Australien. Il a ses amis là-bas, il parle anglais". Mais à la maison, on parle français. "Oui, c’est bon, on ne force pas non plus, sinon ils oublieraient le français rapidement, lance-t-il, et puis quand on parle anglais, on passe pour des ‘couillons’, Sevan se moque de notre accent".
Loin des yeux…
A l’autre bout du monde, les attaches avec son pays d’origine sont forcément plus fragiles. Pas forcément un problème pour Julien qui a un frère qui vit au Canada qu’il voit très rarement. Mais le sentiment d’être Français, l’attachement au drapeau tricolore, à la Marseillaise, tous ses symboles qui reviennent fort au moment où le pays vit des heures troubles entre la crise qui n’en finit pas et la menace terroriste, que cela évoque-t-il pour nos deux hommes ? La question se pose surtout pour Lucien Delfour, parti il y a 7 ans. Il sait combien ça été dur et assure "ne pas vouloir revenir en arrière et être fier à 100% d’être australien". Pourtant, à l’heure des Internets et de la surmédiatisation, impossible pourtant d’échapper à l’actualité. "Ca été compliqué en France ces deux dernières années. En Australie on n’a pas trop ces problèmes. On est tellement éloigné, qu’on est forcément moins au centre des conflits, mais c’est triste de voir son ancien pays dans cette situation et de ne pas pouvoir s’en sortir".
Et en compétition, on oublie forcément ceux avec qui on a pagayé ? Julien Billaut reste mesuré. "Je ne peux pas dire que mon cœur balance, je connais tout le monde chez les Bleus, mais il y a le côté professionnel, éclaire-t-il. Mon cœur est du côté des personnes que j’entraîne mais j’ai d’autres amis dans le bassin et je les supporterai". Lucien, lui, n’a toujours pas eu droit à son hymne australien sur le podium, malgré quatre Mondiaux – sa meilleure performance reste une cinquième place aux Etats-Unis en 2014 -. "Entendre l’hymne australien à Rio, ça serait très fort, imagine-t-il, mais une médaille de n’importe quel métal me conviendrait". Et tant pis pour la Marseillaise…
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