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JO 2018: du feu, des cris, des larmes, et les soeurs Lamoureux sur la glace de Gangneug

Il y a d'abord les sons que l'on entend peu ou pas devant un écran de télévision. Les patins qui crissent sur la glace, le claquement des crosses qui s’entrechoquent, le bruit sourd des corps qui percutent les parois en plexiglas. Puis le contraste entre le silence tendu des hockeyeuses, et les clameurs de la foule qui emplit la patinoire de Gangneug, dès qu'une nouvelle charge se déclenche vers le but adverse. Et au bout d'un suspense d'anthologie, les larmes des Canadiennes, détrônées sur le fil par les Américaines dans cette finale folle, jouée au bout des prolongations.
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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Il y a le résultat certes -- un 3-2 aux tirs au but qui donne aux Etats-Unis un second titre en 20 ans -- mais il y a surtout la manière. Au ras de la patinoire, on observe au plus près la grâce des joueuses,  leur explosivité dans l'action, la fluidité des rotations entre le groupe de 22 et les 6 joueuses sur la glace de chaque côté, la violence des chocs et le fair-play absolu des deux équipes. Quelques expulsions provisoires, mais pas un seul mauvais geste délibéré, en dépit de l'enjeu entre deux équipes archi-rivales.

"Faites du bruit"

Côté tribunes, nous sommes presque en Amérique du Nord: une musique criarde dès que le jeu s'arrête, des pom-poms girls coréennes, short noir et top jaune, qui se trémoussent entre chaque tiers-temps, et des caissettes de bière pression qui circulent dans les rangées occupées par les supporteurs américains et canadiens. Sur les écrans géants qui surplombent la patinoire, une consigne revient: "make some noise !" (faites du bruit). Comme si ces supporteurs, déchaînés de bout en bout, avaient besoin d'une quelconque stimulation ! Les " USA, USA" scandés à tue-tête répondent aux "Canada, Canada". Avec leurs maillots et leurs petits drapeaux, les Canadiens forment d'immenses taches rouges dans les gradins.

Un peu moins nombreux, les Américains préfèrent se grimer et se déguiser, arborant chapeaux haut de forme et perruques multicolores. Et de déployer d'immenses bannières étoilées à la première occasion. Adversaires d'un jour, mais cousins toujours: les supporteurs sont mélangés par petits groupes, souvent assis côte à côte. Dans l'enceinte du Gangneug Hockey Centre l'ambiance est conviviale, et l'esprit olympique bien vivant en ce jeudi de finale. Sur la glace, place à une furie froide entre maillots blancs (les Canadiennes) et bleus (les Américaines).

Monique et Jocelyne

Quadruple championnes olympiques, depuis 2002, les premières défendent leur titre. Les secondes veulent retrouver l'or, 20 ans après leur dernier titre, conquis à Nagano (Japon). Allons à l'essentiel: à 7 minutes de la fin de la partie, le Canada mène 2-1, et semble s'acheminer vers un cinquième sacre olympique. Surgit alors la première soeur Lamoureux, Monique. Monique a 28 ans comme Jocelyne, elles sont  jumelles ! Et font toutes deux les beaux jours de la sélection US. Monique, donc, se présente devant le but de la gardienne canadienne, Shannon Szabados, au terme d'une énième charge américaine. Le palet fuse au fond du filet, et tout est à refaire pour le Canada !  

Fin de partie électrique, supporters en délire, mais rien n'y fait, on termine à 2-2. Les 20 minutes de prolongation sont sur le même tempo déjanté, d'attaques, contre-attaques. En vain. Arrivent les tirs au but, et Jocelyne Lamoureux. Le score affiche 2-2, et chaque équipe a encore un tir pour conclure. Départ arrêté, Jocelyne s'élance en zigzaguant vers le but, défie la gardienne, puis feinte et marque. Derrière, la dernière Canadienne a la possibilité de revenir à égalité mais, rate son tir. Le public explose dans une clameur assourdissante, les Américaines envahissent la patinoire, jettent en l'air crosses et casques avant de s'étreindre. En larmes. Les sœurs Lamoureux sont dans les bras l'une de l'autre. Les Canadiennes sont bras ballants. Effondrées, elles sèchent leurs larmes dans leurs maillots pendant de longues minutes, jusqu'à la remise des médailles.

On aurait aimé que cette victoire fût un peu française. Hélas, les sœurs Lamoureux n'ont de français que le nom: natives de Grand Forks, Dakota du nord, filles de Jean-Pierre, originaire de l'Alberta (Canada), elles ne parlent pas un mot de la langue de leurs grand-parents, canadiens francophones, comme un bon tiers de l'équipe perdante. Héroïne du jour avec sa jumelle, Jocelyne s'est enveloppée dans la bannière étoilée, puis a arboré fièrement sa médaille en or. "J'adore mon nouveau collier, et je ne vais pas le quitter de sitôt", a-t-elle plaisanté avec la presse.

Dans le stade survolté, sitôt le match terminé, c'est un tube de Bruce Springsteen qui  résonne en premier: "Born in the USA". Comme un hommage aux soeurs Lamoureux.

Par notre envoyé spécial, David Botbol  

 

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