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JO 2018 : Les maîtres glaciers, artistes de l'ombre

Ils ne sont qu'une poignée dans le monde, dont quelques Français, à maîtriser l'art délicat de la glace. La monter, la travailler, la lisser, puis la maintenir en température et en hydrométrie au dixième de degré près, avec une attention de tous les instants. Leur mission en coulisses à PyeongChang ? Offrir de façon équitable à tous les patineurs, lugeurs ou bobsleigheurs, une surface parfaite, propice aux performances. Un travail très technique, mais "la touche finale, c'est le matin quand on vient écouter la glace, au moment où le premier patineur s'élance", dit Rémi Boheler, 41ans, en charge des patinoires de l'artistique et du shortrack. "C'est à l'oreille qu'on valide tous nos calculs, la technologie ne suffit pas".
Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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La glace de la Gangneung Ice Arena. (ARIS MESSINIS / AFP)

Le métier, Rémi l'a appris sur le tas dès 16 ans, après que son entraineur de hockey de l'époque, Didier Barrioz, l'a embauché comme conducteur de "surfaceuse" à Courchevel. Puis formé pendant 10 ans. Il a rejoint le cercle réduit des "icemen": on en compte une centaine dans le monde, dont une demi-douzaine en France.

A PyeongChang, le travail sur la patinoire de l'artistique a commencé plusieurs semaines avant les Jeux. D'abord, refroidir le soubassement en béton, dans lequel sont noyés des tuyaux où circulera plus tard un produit réfrigérant, en pulvérisant dessus de fines gouttelettes d'eau. Quand le béton est descendu à  moins 5 degrés, appliquer une peinture de base dite "gris télé" (celle qui convient le mieux aux caméras). Elle se fige au contact du froid. Monter une nouvelle couche de glace, poser les "logos" en textile, puis appliquer une dernière couche de glace au tuyau d'arrosage. Au final, on a une belle épaisseur de 5 centimètres de glace à -3,5 degrés, flexible et luisante, qu'il faudra travailler tous les jours pour préserver ses qualités. Une glace "chaude" pour les patineurs artistiques, par opposition à la glace "froide" (à -7 degrés), beaucoup plus rapide, servie à ceux qui ont besoin d'aller très vite, en shortrack, hockey, luge ou bobsleigh.

Depuis le début des compétitions, les "surfaceuses" entrent en action dès 4H00 du matin. Ces monstres de 3 tonnes vont couper et raboter la glace,  la réchauffer par ajout d'eau chaude, dont chacun emporte 800 litres dans ses entrailles. Les conditions idéales seront obtenues par la combinaison du liquide réfrigérant circulant sous la glace, et du travail des humains en surface. Les surfaceuses passent jusqu'à 20 fois par jour, précédées du ballet des petites mains qui bouchent les trous faits par les patins, avec un mélange d'eau et de neige. Grâce aux sondes et capteurs disposés partout, Rémi pilote tout en image 3D, et veille au grain. Par exemple, lorsque les spectateurs investissent la salle: "12.000 personnes, ça peut faire monter la température de 3 degrés en deux heures", souligne Rémi.

Dans son équipe, 8 Américains, 2 Japonais, et surtout 4 Coréens. Car après les Jeux, ce sont eux qui prendront le relais pour entretenir la glace. Les deux grandes patinoires de PyeongChang resteront (hockey et patinage), mais l'une pourrait être transformée en salle de spectacle. La patinoire d'entrainement du patinage, elle, sera démontée.

Prochain grand projet  pour Rémi Boehler ? Peut-être la patinoire des Jeux de Pékin en 2022. En France, on compte quelques 150 patinoires, des structures polyvalentes de petite taille pour la plupart, mais on ne construit plus. Raison de plus d'exporter son talent.

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