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JO 2021 : "Je suis ressortie mentalement plus forte", l'athlète Novlene Williams-Mills revient sur sa bataille contre le cancer

Atteinte d'un cancer du sein en pleine carrière, Novlene Williams-Mills a battu la maladie en 2013, revenant à son meilleur niveau l'année suivante. 

Article rédigé par franceinfo: sport - Louise Gerber
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Aux Jeux de Rio, en 2016, Novlene Williams-Mills remporte l'argent avec ses coéquipières jamaïcaines en relais 4x400m, quatre ans après son cancer du sein.  (JOHANNES EISELE / AFP)

Quatre ans après son diagnostic du cancer du sein, l'athlète jamaïcaine Novlene Williams-Mills a gagné une médaille d'argent à Rio, en 2016. A quelques semaines des Jeux olympiques de Tokyo, la spécialiste du 400 m revient sur le combat mené pour revenir à la compétition de haut niveau après la maladie. 

Franceinfo: sport: Comment avez-vous appris que vous étiez atteinte d'un cancer ?

Novlene Williams-Mills : Avant mon contrôle médical annuel, j'ai senti que j'avais une masse dans mon sein gauche. Normalement aux Etats-Unis, la mammographie n'est pas obligatoire avant 45 ans. Mais mes médecins ont recommandé que j'en fasse une, puis une échographie et enfin une biopsie qui a confirmé que j'avais bien un cancer. C'était à la fin du mois de juin 2012.

Quelle a été votre réaction ?

La première chose que je me suis dit c'était, "il doit y avoir une erreur, ils se sont trompés de dossier". J'ai eu mon diagnostic un lundi, le lendemain je prenais l'avion pour participer aux championnats nationaux de Jamaïque. Le samedi, je remportais la course qualificative pour les Jeux olympiques, empochant le titre national sur 400m. A ce moment-là je n'avais pas trop mon diagnostic en tête. J'ai vraiment compris ce qu'il m'arrivait le lundi d'après quand j'ai eu mon premier rendez-vous avec le chirurgien. J'ai fondu en larmes en me disant, "c'est pas possible, ce ne peut pas être vrai."

Est-ce qu'avoir un objectif sportif en ligne de mire (les Jeux) vous a aidé à mieux supporter cette période difficile ?

Oui forcément. Mais je voulais absolument participer aux Jeux de Londres qui arrivaient. Les médecins ont très vite compris que je n'allais pas lâcher les JO. Courir, c'était ma raison de vivre, je ne savais faire que ça. Quand j'ai demandé à repousser mon opération après Londres, les chirurgiens ont compris et m'ont répondu, "fais ce que tu as à faire". Par contre, trois jours après la fin des Jeux, j'étais au bloc opératoire, pour mettre toutes les chances de mon côté. Heureusement que je suis allée à Londres, car participer aux JO, cela m'a permis de penser à autre chose. Cela n'aurait servi à rien que je reste à la maison, à ressasser ce qui allait m'arriver au bloc. A Londres, j'ai pu socialiser avec mes amies, les autres membres de l'équipe, cela a fait redescendre la pression. Pendant quelques jours, j'ai pu oublier mon cancer, ma future opération.

Avez-vous pensé que c'était la fin de votre carrière ? 

A Londres j'ai fini cinquième du 400 m, et j'ai remporté le bronze sur le relais 4x400 m. Ce moment-là a été un mélange d'immense fierté et de tristesse. Fierté pour mon pays, pour notre performance collective. Tristesse parce que je me suis demandé si c'était ma dernière course en tant qu'athlète professionnelle. Sur le podium, je me posais la question, "est-ce que je vais un jour pouvoir courir à nouveau ?"

Comment s'est passée votre rémission ?

Cela a été un long processus, puisque j'ai été opérée à trois reprises. J'ai commencé par une ablation de la tumeur mammaire qui a duré huit heures mais qui n'a pas suffi à enlever toutes les cellules cancérigènes. J'ai ensuite eu droit à une double mastectomie, mais la masse collait à ma cage thoracique. J'ai été à nouveau opérée et j'ai fait six semaines de radiothérapie. J'étais guérie en janvier 2013. Pendant toute cette période, j'étais constamment fatiguée et j'ai beaucoup souffert. On imagine que les athlètes de haut niveau sont au-dessus de tout ça. Mais pas du tout. Nous sommes des personnes tout à fait normales : si on se coupe, on saigne comme n'importe qui d'autre. Nous ne sommes pas épargnés et les semaines suivant les opérations ont été une période très compliquée à vivre. 

Au bout d'un moment, vous avez réussi à retourner sur la piste d'entraînement.

Oui, j'ai eu l'immense chance de pouvoir retourner sur la piste après mes opérations. J'ai eu droit à une seconde chance, alors que beaucoup d'autres n'ont pas cette opportunité-là. Je ne savais pas comment aborder la saison qui arrivait, je ne savais pas du tout de quoi j'allais être capable. 2013 a été une année compliquée : j'ai recommencé à faire des efforts physiques en février, sur un vélo et dans une piscine et j'étais de nouveau sur les pistes en avril, bien après mes coéquipières, puisque les premiers entraînements ont habituellement lieu à l'automne. J'ai commencé doucement, en adaptant le rythme. Mais à force de travail et de persévérance, j'ai petit à petit retrouvé mon niveau.

Qu'avez-vous ressenti après votre première victoire post-cancer ? 

Neuf mois après une opération de chirurgie réparatrice, j'ai participé aux championnats de Jamaïque. Que j'ai remporté sur 400 m ! Après ma victoire, j'ai pleuré, non pas parce que j'avais gagné [c'était son septième titre national sur 400 m] mais plutôt en repensant à tout ce que j'ai vécu pour en arriver là. Ça a été les montagnes russes dans ma vie pendant un an et demi et c'était incroyable de pouvoir à nouveau courir à mon meilleur niveau. En 2014, j'ai même remporté le trophée de la Ligue de diamant, qui a été pour moi la consécration de ma saison après la maladie. Le retour aux JO à Rio, quatre ans après mon diagnostic, sans le poids du cancer ni la peur de l'opération, ça a été un moment libérateur. Et repartir avec une nouvelle médaille olympique quatre ans plus tard, une meilleure médaille qu'à Londres en plus, [l'argent en 2016 contre le bronze en 2012], je n'aurais pas pu rêver mieux.

Comment êtes-vous ressortie de cette expérience ?

Je suis ressortie mentalement plus forte de toute cette expérience. Après mon cancer, sur la piste, je ne laissais plus la place au doute, je vivais chaque compétition à 110%, car peu de personnes ont droit à une seconde chance. Chaque course m'était spéciale, chacune avait une saveur différente par rapport à avant. Je dirais qu'environ 80% de ma spécialité se joue non pas au physique mais au mental. Je n'étais peut-être pas la plus rapide, mais j'étais la plus forte dans ma tête. Et je pense que ça m'a permis de faire des choses incroyables.

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