JO 2021 : trois questions sur les forfaits d’athlètes opposés à des Israéliens aux Jeux olympiques et lors d'autres grandes compétitions
Deux judokas, un Algérien et un Soudanais, ont jeté l'éponge avant même d'affronter un combattant israélien lors du tournoi olympique de Tokyo. Ces décisions s'ajoutent à une longue série de forfaits.
"Ces choses-là arrivent en judo, parfois", a soupiré le judoka israélien Tohar Butbul. Au premier tour du tournoi olympique, ce combattant des moins de 73 kg a vu lundi son adversaire, l'Algérien Fethi Nourine, jeter l'éponge pour raison politique avant même le début des compétitions. Celui qu'il devait affronter au second, le Soudanais Mohamed Abdalrasool en a fait de même mardi 27 juillet. "Ce n'est pas inhabituel pour les athlètes israéliens. Je n'ai pas envie de parler de politique", a complété le champion. Franceinfo revient en trois questions sur les derniers épisodes de boycotts similaires dans les grandes compétitions.
Quels pays obligent leurs athlètes à passer leur chemin face aux Israéliens ?
Sans surprise, l'Iran, qui n'a pas de relations diplomatiques avec Israël et dont les dirigeants ont appelé à la destruction de l'Etat hébreu, oblige ses athlètes à déclarer forfait, à feindre une blessure diplomatique ou à perdre au tour précédent avant de se frotter à un athlète israélien. Ainsi, le nageur Mohammad Alirezaei a séché son premier tour aux Mondiaux de Shanghai en 2011, sous prétexte que Gal Nevo, nageur israélien, figurait dans la ligne d'eau voisine. La Fédération internationale s'est fait l'écho d'un document iranien appelant au "boycott de toutes les épreuves où Israël nage".
Aux Jeux de Pékin en 2008, le même Alirezaei avait connu un terrible coup de barre, selon la version officielle, alors que l'Israélien Tom Be'eri figurait dans sa série. Un passage à l'hôpital lui avait évité toute sanction. Au contraire, certains des athlètes qui sacrifient leurs chances sur l'autel de la politique se voient récompensés : le Washington Post (article en anglais) parle d'une prime de 115 000 dollars versée à un judoka iranien qui avait refusé d'affronter un Israélien lors des Jeux d'Athènes, en 2004. Il n'empêche que ces coups d'éclats se soldent souvent par des sanctions. Aucun judoka iranien n'a fait le voyage à Tokyo, car une suspension de quatre ans court depuis 2019, comme l'explique The Times of Israël.
La liste des athlètes qui ont boycotté un tournoi ou un match pour cette raison est très longue, entre les forfaits d'un Yéméni et d'un Saoudien aux Mondiaux de tennis de table en 2003, et le renoncement soudain d'un Libanais aux Mondiaux de lutte en 2019 en passant par l'Egyptien Islam El Shehaby qui refuse de serrer la main de son adversaire israélien aux Jeux de Rio...
En 2016 toujours, les athlètes libanais ont aussi refusé de partager leur bus pour se rendre à la cérémonie d'ouverture avec les Israéliens. L'entraîneur de l'équipe de voile israélienne s'était félicité qu'un "incident international ait été évité". "Tout cela ne constitue-t-il pas l'exact opposé de ce que représente l'Olympisme ?", avait-il écrit sur les réseaux sociaux, selon des propos rapportés par L'Obs. Même pour le tirage au sort du championnat méditerranéen de ping-pong des moins de 15 ans, les athlètes libanais ont quitté la salle. Sans parler des championnats scolaires de basket 2019, où les jeunes libanaises ont également refusé de siéger à côté des Israéliennes, comme le prévoyait l'ordre alphabétique, a détaillé le quotidien libanais L'Orient-Le Jour.
Quelles sont les autres stratégies utilisées pour boycotter les Israéliens dans le milieu du sport ?
D'autres Etats abordent une posture moins radicale, ce qui n'empêche pas quelques ruses. Dubaï a ainsi refusé de donner des visas à la joueuse de tennis israélienne Shahar Peer en 2009. En 2017, comme le souligne la BBC (article en anglais), l'Arabie saoudite avait "oublié" de leur accorder des visas aux participants israéliens lors d'un tournoi d'échecs, et ce, alors que les Iraniens avaient réussi à en obtenir en catastrophe pour la même compétition. Là encore, il y a des sanctions. En 2019, les Mondiaux paralympiques de natation ont été retirés à la Malaisie, car le nouveau gouvernement du pays refusait d'accueillir sur son sol des ressortissants de l'Etat hébreu.
Même quand ils posent le pied dans un pays avec qui Israël entretient des relations délicates, les problèmes ne sont pas terminés pour les athlètes israéliens. Ainsi, pour le tournoi de judo d'Abou Dhabi en 2017, l'hymne israélien a été remplacé sans prévenir par la musique officielle de la fédération internationale. Tal Flicker, en haut de la boîte, en a été quitte pour fredonner le Hatikvah tout seul, a capella.
Wow. Israeli wins gold in Judo in Abu Dhabi, which refuses to show Israeli flag or play its national anthem. So he sings it quietly himself. pic.twitter.com/EuJbcP4wTu
— Yair Rosenberg (@Yair_Rosenberg) October 26, 2017
Le champion avait d'ailleurs revêtu un judogi sans signe distinctif représentant son pays, et le drapeau accroché au sommet de la salle était celui de la fédération internationale.
Shameful: Israel 's Gili Cohen won bronze at #JudoAbuDhabi2017, but instead of raising her flag, they're raising the @IntJudoFed's. pic.twitter.com/u4uh4Wsetn
— Avi Mayer (@AviMayer) October 26, 2017
Commentaire du ministère des Affaires étrangères israélien : "C'est insultant. Quelle hypocrisie ! Quelle honte !" L'année suivante, Abou Dhabi voyait l'évènement retiré du calendrier pour un an.
Pourquoi ce genre d'incidents survient particulièrement dans le judo ?
Parce qu'on trouve une grande concentration d'athlètes d'Israël et des pays qui leui sont le plus hostiles dans cette discipline. L'Etat hébreu a décroché la moitié de ses titres olympiques dans cette discipline, depuis la médaille d'argent de Yael Arad aux Jeux de Barcelone en 1992. De plus, le judo génère plus de gros titres dans les médias car il s'agit d'un sport individuel, laissant peu de place au doute sur la motivation des forfaits diplomatiques. Ces derniers sont cependant rarement du fait des athlètes. En témoigne l'exemple de Saeid Mollaei, qui a longtemps porté les couleurs de l'Iran (champion du monde en 2018) avant de trouver refuge en Mongolie pour pouvoir défendre ses chances : "J'ai fait exprès de les perdre [des combats pour éviter d'affronter un Israélien en 2019], à 100%. Le ministre adjoint des Sports iranien, le président du comité olympique iranien m'appelaient et me disaient : 'Ne combattez pas. Faites en sorte que la Fédération internationale ne s'en rende pas compte et il n'y aura pas de problème'", avait-il raconté en 2019, selon l'AFP, à une chaîne d'opposition iranienne. Moralité : mardi 26 juillet, il a décroché l'argent en -81 kg à Tokyo.
Ce type d'incidents est devenu tellement fréquent qu'Israël a développé, avec l'aide d'un cabinet d'avocats américain, une tactique pour riposter systématiquement aux intimidations. L'idée est d'aller taper sur les sponsors des compétitions concernées, en diffusant une plainte officielle. "Ce genre de menace marche à la perfection, confiait en mai 2020 à la Deutsche Welle Yoel Razvozov, ancien judoka de haut niveau entré en politique. Si on humilie un athlète israélien, et dans mon esprit ne pas diffuser notre hymne par exemple constitue une humiliation, ils savent qu'on ne se laissera pas faire."
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