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JO de Tokyo : le sport adapté aussi prépare ses Jeux

Du 12 au 14 mars dernier, à Nantes, se sont tenus les championnats d'Europe indoor d'athlétisme de sport adapté. Réservé aux athlètes en situation de handicap mental ou psychique, l'événement a permis de mettre en lumière des sportifs méconnus qui, pour certains, sont en pleine préparation des Jeux paralympiques de Tokyo.
Article rédigé par Clément Mariotti Pons
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Charles-Antoine Kouakou, nouveau recordman du monde du 200 mètres en sport adapté, le 13 mars 2021. (LUC_PERCIVAL)

Première au classement des nations, 32 médailles glanées dont 10 en or, 11 en argent et 11 en bronze... La razzia a été totale le week-end dernier (du 12 au 14 mars 2021) pour l'équipe de France d'athlétisme de sport adapté, lors des championnats d'Europe indoor. À Nantes, au stade Pierre-Quinon, les podiums se sont succédé pour les athlètes tricolores pendant les trois jours de compétition. L'occasion de passer de l'ombre à la lumière pour des sportifs encore largement méconnus du grand public, et d'en savoir plus sur le sport adapté.

• De quoi parle-t-on quand on évoque le sport adapté ?

La gestion du sport adapté en France est assurée par une fédération, la FFSA, qui a en charge l'organisation des activités sportives pour les personnes en situation de handicap mental ou psychique. Au niveau international on trouve une autre fédération (Virtus), qui organise des championnats d'Europe et du monde, et les Global Games qui sont les Jeux pour les déficients intellectuels et qui ont lieu tous les quatre ans. La prochaine édition se tiendra du 4 au 10 juin 2023, à Vichy.

La fédération internationale distingue trois classes de participants à ces épreuves : les déficients intellectuels (ii1) ; les déficients intellectuels avec un sur-handicap (ii2), souffrant de trisomie notamment ; une nouvelle catégorie est en train de se mettre en place pour des personnes autistes non-déficientes intellectuelles (ii3).

Au niveau des Jeux paralympiques, une seule classe est prise en compte : celle des déficients intellectuels. Pour pouvoir y participer, il faut avoir un QI inférieur à 75 détecté avant l'âge de 18 ans, réaliser toute une batterie de tests pour attester de difficultés dans la gestion de vie quotidienne, et correspondre à une classification qui mesure l'impact du handicap dans la pratique sportive.

• De l'exclusion des Jeux paralympiques à la reconnaissance du statut d'athlète de haut niveau

La fédération internationale de sport adapté est l'un des membres fondateurs du Comité paralympique (IPC). Des épreuves ont été inscrites au programme des Jeux paralympiques à partir de 1996. En 2000, à Sydney, l'équipe d'Espagne de basket est reconnue coupable de triche après que des personnes qui n'étaient pas en situation de handicap mental se sont fait passer pour telle. Une histoire à peine croyable qui inspirera des œuvres de fiction (dont le film "Chacun pour tous", sorti en France en 2018) mais, surtout, entraînera l'exclusion de tous les déficients intellectuels des Jeux paralympiques...

Tout un travail s'est alors enclenché par la suite afin que le sport adapté soit de nouveau éligible, avec des critères standardisés pour déterminer que tel ou tel sportif est bien en situation de handicap. Ce n'est qu'en 2010, à l'issue d'une assemblée générale de l'IPC, que son retour est acté, avant d'être officialisé aux Jeux de Londres en 2012. 

Dans le même temps, en France, la FFSA obtient la reconnaissance par le ministère des Sports du caractère de haut niveau pour plusieurs disciplines : l'athlétisme, la natation, le tennis de table, le basket, le football, le cyclisme, le ski alpin et le ski nordique. Chacune de ces disciplines est organisée avec des pôles France, implantés dans des Centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (Creps). 

• "Pour espérer avoir un podium en sport adapté aux Paralympiques, il faut avoir le niveau de performance de Kevin Mayer"

Pour Marc Truffaut, président de la Fédération française du sport adapté (FFSA), l'évolution des projets sportifs de ces athlètes de haut niveau est notable depuis quelques années. "Les demandes d'internat dans les pôles France sont de plus en plus nombreuses, le sport devient un vrai projet de vie pour beaucoup d'entre eux", avance-t-il, avant de poursuivre : "Ce sont des athlètes qui ont besoin au minimum d'un entraînement journalier parce que le niveau de performance est très très relevé. Par exemple, en athlétisme, on a quatre épreuves (1 500 mètres, longueur, 400 mètres et lancer du poids, ndlr) aux Jeux paralympiques. Chez les hommes, pour espérer avoir un podium en sport adapté aux Paralympiques, il faut avoir le niveau de performance de Kevin Mayer ! Quand on prend ses performances individuelles dans chaque discipline, c'est à peu près cela : 7,5 mètres à la longueur, 46 secondes au 400m, 3'50'' au 1500 mètres et 17 mètres au poids."

Précision importante : les athlètes de sport adapté réalisent de telles prestations dans les conditions qui prennent en compte leur handicap. Marc Truffaut prend notamment l'exemple de Gloria Agblemagnon, sacrée championne d'Europe indoor en lancer du poids (ii1) le week-end dernier, et qualifiée pour Tokyo : "Elle réalise de grosses sorties lorsqu'elle bénéficie d'un accompagnement particulier, avec des règlements adaptés. Il y a une notion d'équité. Il y a un mois, on a été invités au championnat de France élite de la Fédération française d'athlétisme à Miramas. Gloria avait lancé à quasiment deux mètres de moins que ce qu'elle a fait à Nantes (un jet à 13m18, le troisième meilleur lancer de sa carrière, ndlr)."

• Des chefs de file en ordre de bataille avant Tokyo

À l'image de Gloria Agblemagnon, ils sont nombreux à s'être illustrés lors de ces championnats d'Europe indoor. Charles-Antoine Kouakou, titré sur 60 mètres (ii1), a également battu le record du monde du 200 mètres (21''86 secondes). De bon augure pour celui qui vise une place dans le top 6 mondial sur 400 mètres d'ici le 1er avril, date de clôture des classement qualificatifs pour les Jeux de Tokyo.

Sur le 1 500 mètres, Gaël Geffroy, lui, a remporté sa première médaille individuelle (argent en ii1). Reste, avant de pouvoir rejoindre le Japon, à bien aborder les championnats du monde, prévus à la mi-juin. Le dernier gros temps fort pour ces athlètes de l'ombre qui, si tout se passe bien cet été, pourraient bien rapidement prendre toute la lumière.

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