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Laurent Tillie, dans les secrets de l'équipe de France

Moins de deux mois après l'échec en finale (contre les champions olympiques russes) du Tournoi de qualification olympique de Berlin, Laurent Tillie, sélectionneur de l'équipe de France, nous a accordé une longue interview. A plus de trois mois du TQO mondial à Tokyo (28 mai-5 juin), qui délivrera 4 tickets pour Rio de Janeiro (dont 1 à une équipe asiatique), dans cette deuxième partie, il évoque son groupe et l'engouement suscité par les résultats de cette Team Yavbou.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
En juillet 2015, l'équipe de France décroche le premier titre de l'histoire du volley français à Rio de Janeiro, un an avant les JO (TASSO MARCELO / AFP)

Qu'est-ce qui vous fait le plus plaisir: les résultats de votre équipe qui a décroché les deux premiers titres de l'histoire du volley français, la bonne ambiance dans votre groupe ou l'engouement que cette Team Yavbou suscite ?
Laurent Tillie:
"Ce qui me touche le plus, c’est que depuis le tournoi de Berlin, même si on ne s’est pas qualifié, tous les gens que je croise me félicitent et me remercient pour le plaisir qu’ils ont pris. Ouaahh (sic). Que des gens, à l’extérieur, en regardant nos matches ou en lisant des compte-rendus, prennent du plaisir parce que mes joueurs donnent du plaisir, c’est le plus beau compliment qu’on puisse faire à un entraîneur. Surtout qu’il y a eu les résultats sportifs à l’été 2015, et qu’on a presque réussi à se qualifier pour les JO. La deuxième satisfaction, c’est voir l’éclosion individuelle des joueurs dans le collectif. Il y a une réussite collective, et il y a une évolution individuelle très gratifiante pour l’entraîneur."

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Quel est votre plus grand plaisir de coach: faire déjouer l'adversaire ou voir votre équipe progresser pour s'imposer ?
L.T.:
"La plus grande satisfaction c’est de voir son équipe bien jouer, sans rechercher la perfection. C'est très important de ne pas chercher la perfection. Mon staff et moi laissons toujours une place au droit à l’erreur pour pouvoir oser, mais pas n’importe quoi ni n’importe comment. Pour oser, il faut avoir atteint une certaine stabilité, technique, tactique, physique et émotionnelle (la stabilité émotionnelle est la plus grande satisfaction dans mon groupe). Avec cette constance, on peut commencer à oser. Le geste d’Earvin Ngapeth qui finit l’Euro sur ce geste insensé, il l’ose parce qu’il a une certaine confiance et que l’équipe a été suffisamment stable pour l’oser à ce moment-là. C’est la plus grande satisfaction. Après, faire déjouer l’équipe adverse, c'est bien. On appuie là où il y a une faiblesse. Mais je mets un bémol. En 2014, on n’a pas réussi ce qu’on voulait en World League parce qu’on était tellement obnubilé par l’équipe adverse que j’ai oublié de rester centré sur mon équipe. La satisfaction, c’est de faire bien jouer son équipe. C’est le cœur de ma préoccupation."

"Laisser une certaine liberté"

Mais si Earvin Ngapeth tente ce geste, c'est qu'il sait avoir votre confiance pour le tenter...
L.T.:
"Il faut que les joueurs sachent là où ils n’ont pas le droit à l’erreur, mais il faut aussi qu’ils sachent qu’ils ont le droit à l’erreur sur d’autres parties. Il faut laisser une certaine liberté. Nous sommes des latins, et le joueur latin aime une forme d’improvisation. Mais elle vient sur le travail. Comme le pianiste, qui peut improviser à condition qu’il maîtrise ses gammes. Une fois qu’on a la rigueur des bases, on peut commencer à improviser."

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Ngapeth est un peu le symbole de cette équipe, capable de se sublimer dans les moments de forte tension. Comment expliquez-vous que cette formation parvienne à battre de grosses équipes dans des salles hostiles, comme le Brésil à Rio lors de la World League 2015, l'Italie en Italie et la Bulgarie en Bulgarie à l'Euro ?
L.T.:
"C’est la solidarité qu’ils ont entre eux. Ils sont énormément confiants en eux-mêmes. Ils ont énormément progressé dans la maturité, qui leur permet de savoir que le moment va venir dans le match. Ils tiennent, ils tiennent, car ils savent que ça passera à un moment. Tenir, tenir, tenir pour aller chercher, c’est la conception de notre jeu. Ils ont montré ça particulièrement sur les moments difficiles, contre de grosses équipes, devant des publics très chauds. Il y a ce moment d’insouciance, de rébellion, de liberté, de fighting spirit."

"Quand je suis arrivé, c'était une fratrie"

D'où vient cet état d'esprit, cette solidarité ?
L.T.:
"Il y a un bel équilibre humain et de caractère. Benjamin Toniutti, même dans la difficulté, reste serein, stable. Earvin Ngapeth est plus en dents de scie, mais dès qu’il y a du combat, il est au sommet, et tout le monde est derrière lui. Kevin Le Roux est pareil. Kevin Tillie est un autre stabilisateur émotionnel, et son côté positif est relayé par Jenia Grebennikov. De l’autre côté, Antonin Rouzier se remet souvent en questions, et ce sont les joueurs autour qui lui permettent de revenir. Et Nicolas Le Goff est tellement jeune qu’il continue à faire son travail, mais il n’a pas encore compris combien c’était difficile de gagner. Et il y a ceux qui entrent, comme Maréchal ou Lynnel, qui apportent beaucoup d’énergie.

Quand je suis arrivé, il a fallu que je fasse un renouvellement de joueurs. Vu les difficultés du groupe que j’avais en face de moi, j’ai rapidement fait confiance à ces jeunes, surtout qu’ils se connaissaient des cadets-juniors, où ils avaient été champions d’Europe. Ils avaient déjà un vécu entre eux. C’était un peu une fratrie. Ils se supportent, dans tous les sens du terme (rires). Ces liens existaient, et on a essayé qu'ils soient ouverts à tous, même aux plus anciens comme Rouzier et Maréchal. On a fait attention à ce que cet état d’esprit se développe et soit sain. Mais il faut toujours faire attention. La première année où j’ai repris l’équipe nationale, 80% de notre temps était consacré au relationnel, 20% au volley. Maintenant, on arrive à 70% volley et 30% le relationnel, la gestion d’équipe. Il faut toujours faire attention. Quand on est en groupe commando, avec des jeunes souvent à fleur de peau, il faut faire attention aux mots, aux envies, là où on veut amener le groupe. Il faut faire attention à ce que l’état d’esprit reste positif, dans une bonne dynamique. On est toujours sur le qui-vive."

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