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Paralympiques - Claire Supiot : "Plus j'ai de temps pour me préparer, mieux c'est"

Après 30 années de retraite sportive, la nageuse Claire Supiot avait fait des Jeux de Tokyo 2020 son rêve et sa boussole. A 52 ans, touchée par une maladie dégénérative, elle pouvait devenir cet été la première athlète à avoir participé à la fois aux Jeux olympiques et aux Jeux paralympiques. Ce n’est que partie remise. Malgré le report de l’événement à 2021 et la contrainte du confinement, l’ambition de l’Angevine n’a pas fléchi.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
 

Médaillée de bronze aux Mondiaux handisport de Londres sur 50m et 100m en septembre dernier, Claire Supiot n'avait qu'une seule idée en tête depuis de longs mois : participer aux Jeux paralympiques de Tokyo 2020. Celle qui avait participé aux Jeux de Séoul en 1988, chez les valides, avait décidé de marquer l'histoire en se jetant à nouveau à l'eau, 30 ans après avoir quitté les bassins. Un défi qu'elle comptait relever à 52 ans, tout en étant atteinte de la maladie de Charcot-Marie Tooth (une dégénérescence neurologique qui affecte les muscles distaux).

En bonne voie de réaliser son rêve mais pas encore qualifiée, la nageuse angevine a appris lundi le report de la compétition au 24 août 2021. Après avoir millimétré tout un programme, Claire Supiot doit repartir pour un nouveau cycle de préparation. Mais pas question de se plaindre, même si la pandémie de Covid-19 empêche tout plongeon dans un bassin et même si le défi qui se présente à elle n'a jamais paru aussi grand. L'essentiel est ailleurs.

Comment avez-vous accueilli le report des Jeux de Tokyo 2020 ?
Claire Supiot
: "Le report des Jeux olympiques, c'est une chose. Il y aussi celui des Jeux paralympiques. Comment je le vis ? Je relativise les choses. Il y a beaucoup plus grave autour, l'annonce est secondaire. C'était prévisible et c'est une bonne nouvelle parce que les Jeux sont reportés et non pas annulés. Je le gère très bien, mes coaches aussi. De toute manière, on n'a pas le choix. Autant aller de l'avant tout de suite et se projeter sur l'année prochaine."

Face à un climat de spéculation et à l'agitation médiatique, vous avez préféré fuir pour garder la tête froide ?
CS
: "Le mot 'fuir' est un peu fort. Disons que je me renseigne, mais je sélectionne. J'ai peut-être cette sagesse, à 52 ans, de ne pas tout lire en entier. La Fédération française handisport a mis en place un groupe de discussions entre nageurs de l'équipe de France. On ménage les plus jeunes en leur disant de ne pas partir dans tous les sens. Mais bien sûr qu’il faut encore parler des Jeux. Laissons de l'espoir aux gens. C'est aux athlètes et aux entraîneurs de faire la part des choses."

Au niveau des sponsors, j’imagine que vous aviez fixé des dates limites de partenariat ?
CS
: "Oui, c’est le cas. Bien sûr, j'y ai pensé dès que le report des Jeux a été annoncé. Mais, logiquement mes partenaires devraient prolonger l'aventure. Même chose pour mes entraîneurs. On va finir ce qu’on a commencé. C’est quelque chose les Jeux, on ne va pas s’arrêter en si bon chemin. La plupart de mes partenaires sont de grosses structures, de grandes entreprises, qui ont les reins solides. Ils me le montrent déjà par leur soutien, dans les messages qu’ils m’envoient. Ce n’est pas rien."

La date était cochée cet été. C'est cette perspective qui vous a poussée à reprendre la natation après 30 ans de retraite sportive. Vous aviez tout préparé pour être prête à ce moment précis, est-ce que ce décalage d'un an ne rebat pas toutes les cartes ?
CS
: "Oui, je voulais devenir cet été la première athlète à participer aux Jeux paralympiques après avoir connu les Jeux olympiques. Ce n'est pas jeté à la poubelle parce que je me suis remise à l'eau il y a 5 ans. Même si j'ai 52 ans, je reste une jeune athlète dans le milieu handisport. J'ai encore une marge de progression. Je ne reviendrai pas à mes 20 ans, mais le plaisir est toujours là. Et l'activité sportive c'est essentiel pour ralentir la maladie de Charcot-Marie Tooth.

Le fait d'être touchée par une maladie dégénérative ne rend pas incertaine votre condition physique à moyen terme, surtout à 52 ans ?
CS
: "Plus j'ai de temps pour me préparer, mieux c'est. Toute l’activité physique que je fais actuellement, et que j’ai déjà effectuée, est bénéfique pour ma santé. J'ai un an de plus pour maintenir cette hygiène de vie essentielle pour moi. Maintenant, oui, ma maladie est dégénérative. Elle a évolué, déjà, depuis 5 ans, mais si elle évolue vraiment, tout sera quantifié en compétition. Je ne concourrais plus dans la même catégorie (S8 actuellement, ndlr) qu'aujourd'hui. Dans tous les cas, la maladie évoluera, qu'il y ait les Jeux au bout ou non. Je risque effectivement de tomber un peu plus, d’avoir plus de mal à ouvrir mes pots de confiture et d'être un peu plus fatiguée à l'entraînement. Mais si je ne fais pas de sport, tout ça arrivera plus vite."

Avec le confinement, il n'est plus possible de nager. Comment vous maintenez-vous en forme ?
CS
: "Je me réveille le matin entre 7h30 et 8h. J'ai de la chance parce que ça me change du 5h20 de d'habitude. Bien entendu, je me laisse le temps de déjeuner en faisant attention à mon alimentation. Vers 9h30-10 je place ma séance de préparation physique. C'est PPG (préparation physique générale) + vélo, ou bien c'est vélo ou PPG + marche. Après le repas du midi, je passe en télétravail parce que je continue de travailler pour le département du Maine-et-Loire, en assurant mon rôle de référente handicap. Après le travail, j'enchaîne une deuxième séance complémentaire de celle du matin. C'est comme ça tous les jours, sauf le dimanche, où je passe en repos."

Votre maladie vous pousse-t-elle à prendre plus de précautions face au Covid-19 ?
CS
: "Je ne sors pas. S’il y a des courses à faire, c'est mon conjoint qui va les faire. Pour avoir échangé avec la médecin de la Fédé, ma pathologie n’est pas en premier lieu à risques. C’est plutôt le fait d’avoir 52 ans - même si l’on sait que le virus touche aussi les plus jeunes. Je fais partie d’un public un peu plus fragile. Je n’ai aussi pas un gros gabarit. La maladie vient en troisième plan parce que je peux avoir des moments de fatigue qui peuvent me rendre plus vulnérable face au virus.

 

C’est pour ça que j’applique très strictement les règles de confinement. J’ai la chance d’avoir un jardin. Je fais des allers et venues en faisant de la marche nordique. Si je vous montre le trajet, vous me direz que c’est un gros gribouillis d’enfant, mais je suis nageuse. Les allers et venues dans un bassin, c’est ma routine. Psychologiquement, ça ne va pas me marquer de rester dans un périmètre réduit. Là, je peux le faire en écoutant les oiseaux et en respirant l’air frais de ma campagne."

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