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Quand le CIO cède sous la pression des nations

Le Comité national olympique américain avait rejoint ce mardi les premiers pays frondeurs qui s'opposaient au maintien des Jeux Olympiques à Tokyo cet été, la France se préparait à le faire. Le Comité International olympique ne pouvait pas faire la sourde oreille plus longtemps : son président Thomas Bach a convenu d'un accord avec le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, pour reporter les JO en 2021. Il était temps.
Article rédigé par Julien Lamotte
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4min
  (FABRICE COFFRINI / AFP)

Le CIO était en train de perdre la main. L'organe suprême de l'olympisme voyait heure après heure des nations membres, et non des moindres, aller à l'encontre de ses dispositions qui enjoignaient encore à attendre. Or, l'heure n'était plus à l'attente. Le virus, quasiment partout dans le monde, continuait de gagner du terrain et le CIO lui, perdait la bataille de la crédibilité. Aux yeux de beaucoup, il était devenu le Comité de l'immobilisme olympique. L'acronyme était le même, le sens différait. 

Il aura fallu un entretien de Thomas Bach, son président, avec le Premier ministre du pays le plus concerné, le Japon, pour que le CIO se rende, enfin, à l'évidence : les JO ne pouvaient, et ne devaient, se dérouler du 24 juillet au 9 août prochains. Si la date n'a pas encore été précisée et qu'elle doit encore être officiellement approuvée par le CIO, cette annonce sonne comme une libération pour des milliers de sportifs qui s'insurgeaient devant le mutisme de la maison mère. 

Covid de sens

Le propagation du covid 19 aura démontré la force d'inertie qui paralyse les membranes du pouvoir olympique. Mains liées par les enjeux financiers, mais aussi politiques, le comité présidé par Thomas Bach ne possède clairement pas la réactivité nécessaire à ce genre de situation extrême. Le président, en personne, a été la cible de nombreuses critiques émanant des athlètes qui l'ont accusé, plus ou moins directement, de mettre leur santé en péril. "Son entêtement et son arrogance ont spectaculairement échoué", déclare ainsi le pistard anglais Callum Skinner. "Ce n'est pas la première fois qu'il place ses propres motivations avant celles des sportifs et du mouvement". 

Ce mardi matin, le plus gros poids lourd de l'olympisme mondial, les Etats-Unis, a donc rejoint le mouvement amorcé par la Norvège et le Canada, notamment. La France, ce n'était un secret pour personne, s'apprêtait à le faire mais elle a été devancée par l'accord Abe-Bach. Elle a manqué une occasion de faire valoir sa voix mais ceci est purement anecdotique. L'enseignement à en tirer c'est bien que l'union fait la force et que le regroupement des nations a fait plier le CIO. La façon de communiquer a différé selon les comités nationaux, certains prônant simplement le report, d'autres déclarant qu'ils n'enverraient pas leurs athlètes, mais le fond était bien le même : le CIO n'avait plus aucune prise sur les événements. 

L'erreur de ne pas vouloir faire d'erreur

Devant une telle situation, où il convient d'agir avec la plus grande célérité et la plus grande humanité, certains trouvent pourtant encore des justifications à l'inaction du CIO. Michael Tapiro, cofondateur du Sports Management school, estime que "le CIO est dans son rôle. Il pèse les choses, et donnera les éléments à la dernière minute. Il ne veut pas faire de faux pas". Pour lui, Thomas Bach et ses collègues misent sur l'amnésie partielle en tant de crise. "L'avantage de la civilisation du 21e siècle, c'est qu'elle a très peu de mémoire. Si on reporte, on ne se rappellera pas de ce qui a été dit il y a trois jours. Pour le moment, ils n’ont pas fait d'erreur de communication". 

A ne rien décider, à repousser l'échéance, l'erreur a failli dépasser le cadre de la simple communication. A moins que, dans une démarche particulièrement tordue, le Comité international olympique n'ait voulu attendre que tout le monde quitte le mouvement pour décider, "contraint et forcé", d'annuler ces Jeux Olympiques ? Cela ressemble à de la politique fiction, certes, mais en tout cas, ça ne ressemble pas à ce qui s'appelle le courage de ses opinions. 

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