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Sotchi, le prestige avant tout

Si les Jeux d'hiver de Sotchi resteront comme les Olympiades les plus chères de l’histoire (36 milliards d’euros investis), deviendront-elles également celles qui rapporteront le plus ? Rien ne semble moins certain sur le plan financier, mais les organisateurs ont tout mis en œuvre pour que cela soit au moins le cas en termes de prestige. Un défi presque perdu d’avance.
Article rédigé par franceinfo
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Rien n’a semblé ni trop étonnant, ni trop grand, ni trop cher dans la préparation de ces Jeux. Une station d’abord connue comme étant l’un des lieux de villégiatures favoris de Vladimir Poutine, un chantier colossal (60.000 ouvriers pour aménager 11 sites, 77 ponts et 400 kilomètres de routes) et des dépenses pharaoniques (36 milliards d’euros… contre 1,4 à Vancouver il y a quatre ans) permettent de résumer l’envers d’un décor olympique fermement décrié depuis de longs mois déjà. Mais si le budget initialement annoncé a finalement été multiplié par cinq, c’est d’abord parce que la Russie veut faire de "ses" jeux, outre un levier financier à long terme, un moyen de redorer rapidement le blason national.

Relancer l’activité touristique et dynamiser l’économie le temps d’un mois dans cette région du Caucase suffira-t-il à remplir les objectifs des dirigeants russes, qui espèrent rentabiliser les immenses sommes dilapidées ? La mission semble impossible. Malgré le soutien sans faille du CIO qui est allé jusqu’à outrepasser certains éléments de sa charte (laquelle exige une faible différence de budget entre deux olympiades), les organisateurs n’ont que très peu de raisons d’être optimistes concernant les retombées économiques. D'autant que l’addition s’est trouvée encore un peu plus alourdie avec les récentes menaces d’attentats, qui ont poussé le Comité d’organisation à augmenter drastiquement son budget sécurité.

Sécuriser sans compter

Derrière l’argument de la vigilance, la Russie a ainsi décidé de mobiliser 100.000 militaires, policiers et agents du renseignement pour sécuriser l’immense zone couverte par les deux sites (en bord de mer et en montagne). "Les checkpoints, les missiles de défense antiaérienne dans les montagnes et les technologies de l’information déployés par les autorités russes ont fait de ce territoire une véritable forteresse", a ainsi déclaré Michael McCaul, président de la commission sur la Sécurité intérieure, au journal russe Novaïa Gazeta. Depuis début janvier, aucun transport non enregistré ne peut ainsi circuler dans Sotchi, contrôlée dans ses moindres recoins. 

Or ce type de mesure extrême, qui continue de creuser le gouffre financier et d’esquinter l’image des Jeux, dessert directement les intérêts des organisateurs. Et c’est compter sans le coût de la vie en forte augmentation dans la région, touchée également par les expropriations en masse. Pour finir d’entacher le tableau, de nombreux dirigeants occidentaux ont déjà décliné l’invitation à la cérémonie d’ouverture, notamment pour s’élever contre les violations des droits de l’homme en Russie, car les chantiers des Jeux n’ont pas été épargnés par les scandales concernant les conditions épouvantables des travailleurs.

Les "Jeux de la débauche"

Un mauvais point supplémentaire pour l’image des "Jeux de Poutine", aussi surnommés "Jeux de la débauche", qui font tout pour faire oublier tant bien que mal les stigmates des préparatifs. Sur le plan écologique, les organisateurs assurent ainsi avoir tenu leur promesse de candidature en limitant l’émanation des gaz à effet de serre. Un peu comme la magie du sport, qui opérera le temps de quelques semaines, ce genre d’annonce artificielle n’améliorera en rien les à prioris très négatifs de la communauté internationale vis-à-vis des Jeux. La réputation de l’événement, ainsi que de ses organisateurs, et donc de la Russie, semble déjà trop durement touchée pour que le prestige de la nation en ressorte, dans un mois, véritablement grandi.

Le seul pari tenu, au moins en partie, sera peut-être le défi géopolitique de Poutine qui veut profiter des JO pour redistribuer les cartes (la présence des athlètes géorgiens, après des soupçons de boycott, en atteste). Quant aux retombées économiques, personne n’ose les annoncer à la hauteur des investissements réalisés. Lorsqu’on sait que la majorité des dernières villes olympiques peinent à donner une seconde vie aux infrastructures (sportives, mais aussi de logement), on est en mesure d’être plus sceptique encore pour Sotchi. Car la soif de prestige, même de façade, a un prix.

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