Tokyo 2020 : Le report des Jeux Olympiques en 2021 inquiète le Japon
Le Japon et le CIO ont fini par plier. Après une réunion d'urgence dimanche entre l'archipel et l'instance olympique, l'officialisation du report des Jeux olympiques de Tokyo est tombée ce mardi. Devant la menace de la pandémie de Covid-19 qui sévit tout autour du globe, le choix de la raison s'est imposé aux organisateurs ainsi qu'au CIO.
"Hier, le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déclaré que la pandémie de COVID-19 "s'accélère" (...) Dans les circonstances actuelles et sur la base des informations fournies par l'OMS aujourd'hui, le président du CIO et le Premier ministre du Japon ont conclu que les Jeux de la XXXIIe Olympiade à Tokyo doivent être reportés à une date au-delà de 2020 mais au plus tard à l'été 2021, afin de protéger la santé des athlètes, de toutes les personnes impliquées dans les Jeux Olympiques et de la communauté internationale", précise le communiqué.
La seule décision qui vaille s'est imposée d'elle-même. Organiser le plus grand événement sportif mondial dans ces conditions constituait un challenge que le pays du Soleil-levant n'est pas capable de relever seul. Ces dernières heures, de nombreuses voix s'étaient élevées pour demander un report, à commencer par la fédération américaine d'athlétisme.
"Les JO sont une célébration de l'humanité, ce serait formidable de les organiser après la fin de la pandémie"
Pour Atsuko (le prénom a été modifié), journaliste japonaise à Tokyo, les Japonais comprennent parfaitement la décision qui a été prise. "Un sondage de l'agence Kyodo la semaine passée montrait que 70% des Japonais étaient en faveur d'un report des Jeux olympiques. Bien que cela nuise aux entreprises locales, le public comprend que c'est la bonne chose à faire. Les JO sont une célébration de l'humanité. Ce serait formidable de les organiser après la fin de la pandémie."
Un avis partagé par Akiko, tokyoïte de 27 ans : "Il fallait les décaler. Le gouvernement a mis du temps à l'annoncer, c'était énervant. C'était injuste pour les athlètes du monde entier. En plus de cela, la cérémonie de la flamme olympique et le relais de la torche ne rimaient à rien... Et il y a une autre urgence avec le coronavirus, on commence à avoir peur ici. Ce mardi, on a dépassé les 1 100 cas."
Une problématique logistique sans précédent
Dès lors les conséquences d'un décalage du calendrier des JO, que France TV Sport s'efforce de mettre en avant ces dernières semaines, s'annoncent dramatiques. D'abord économiquement, bien sûr. Comment le pays le plus endetté au monde (en 2017, sa dette publique atteignait 238% du PIB, NDLR) pourrait-il éponger facilement l'ardoise de quelque 11,5 milliards d'euros investis pour les JO ? Une absorption du coup financier du report d'un an est-il possible ? Rien n'est moins sûr.
Les défis logistiques s'annoncent IMMENSES : ré-organiser les compétitions des Jeux olympiques mais aussi paralympiques, mettre en oeuvre de nouveaux procédés de qualification pour les nombreux athlètes devant encore valider leur ticket, déployer des milliers de bénévoles sur une nouvelle période... Et ces problématiques dépassent évidemment le seul cas du CIO. En coulisses, les hôteliers nippons aux millions de réservations exigent aussi qu'on leur rende des comptes...
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La récession économique guette le pays
L'instance olympique, en actant le report des JO de Tokyo 2020, a, de fait, écarté une annulation pure et simple de ceux-ci. La prévision d'un trou d'1,5 point de PIB sans les Jeux olympiques va devoir être revue à la baisse. Mais il n'empêche que l'épineuse question des assurances préalablement contractées par l'archipel va très vite revenir sur le dessus de la table. Sans compter le remboursement des 8 millions de billets mis sur le marché - même si l'opération n'est pas aussi simple...
"Le Japon pourrait glisser dans sa pire récession depuis la crise de 2008"
Toshihiro Nagahama, économiste en chef au Dai-ichi Life Research Institute, explique dans le Mainichi que le pays pourrait même "glisser dans sa pire récession depuis la crise de 2008". Shinzo Abe pourrait être contraint d'adopter des mesures de relance budgétaire semblables à celles d'il y a 12 ans : le Japon avait déclenché un arsenal d'urgence de plus de 483 milliards d'euros pour protéger l'économie nippone. Depuis le début de la crise du Covid-19, ce sont 8,5 milliards d'euros qui ont déjà été alloués à son endiguement.
La problématique des sites et du village olympique
Et quid des nouveaux sites inaugurés pour la plupart il y a déjà plusieurs mois ? On peut, a priori, compter sur le Japon pour essayer de les démocratiser au maximum et en profiter pour développer des fédérations encore assez anonymes dans le pays. Mais les Jeux étaient là pour en assurer la promotion. Sans eux, les autorités nippones devront rivaliser d'ingéniosité.
L'affaire sera tout aussi complexe en ce qui concerne le village olympique. Le Harumi Flag, situé dans la baie de Tokyo, doit être transformé en zone résidentielle après l'événement. En tout, pas moins de 5 632 appartements vont voir le jour. Problème : avec le report, le comité d'organisation devra geler cette transformation qui devait durer jusqu'en 2024. Les (riches) propriétaires de ces futurs logements pourraient, dès lors, exiger de coûteux dédommagements.
"Les problématiques vont être majeures", détaille Atsuko. "De nombreux événements devaient avoir lieu dans les stades et les centres de congrès, qui sont d'ores et déjà réservés pour d'autres événements à l'été 2021. Sans parler de toutes les médailles, produits marketing, les nouveaux statuts... qui devront être changés."
Gros danger sur le secteur touristique
Le Japon a d'ores et déjà dit adieu à une majeure partie des bénéfices liés au tourisme. En pleine expansion ces dix dernières années, le secteur a connu un pic l'an passé : pas moins de 33 millions de personnes se sont rendues sur l'archipel. Un chiffre qui en dit long sur l'évolution des mentalités dans le pays, que l'on caricature encore bien souvent comme "fermé" à l'étranger.
Les autorités pariaient, en fin d'année dernière, sur une évolution croissante du nombre de visiteurs, allant jusqu'à 40 millions en cette année olympique. Tous les signaux étaient au vert, oui. C'était sans compter sur l'épidémie du nouveau coronavirus qui plonge le monde dans le confinement et met le personnel médical, aux quatre coins du globe, à rude épreuve. Selon la holding financière Nomura, ce ne sont pas moins de 2 milliards d'euros - montant des dépenses envisagées de la part des 600 000 spectateurs initialement attendus - qui sont sur le point de partir en fumée.
Bien sûr, toutes les conséquences économiques ne sont pas encore étudiées. Mais le coup de massue va être rude pour les finances nippones.
Les JO, une vitrine indispensable
Les Jeux olympiques de Tokyo 2020 devaient être une vitrine de ce que le Japon sait faire de mieux. Organisation, accueil (le fameux "omotenashi"), technologies... Si cette vitrine n'est pas encore brisée, elle est d'ores et déjà bien fissurée.
Pour rappel, cela fait plus de huit ans que le gouvernement japonais fait tout pour que cet événement remette l'archipel au centre de l'attention. Quitte parfois à franchir la ligne rouge (cf le procès de Lamine Diack, mis en examen pour corruption dans l'attribution des Jeux de Rio en 2016 et de Tokyo en 2020, NDLR). Le pays a mis le paquet pour récupérer, 56 ans après sa dernière tenue sur le sol national, l'Olympiade estivale. Elle devait lui permettre d'ouvrir une nouvelle ère, celle de la reconstruction, neuf ans après le tsunami et la catastrophe nucléaire qui a ravagé la centrale de Fukushima Daiichi.
Pour la première fois de l'histoire, hors temps de guerre, les Jeux olympiques sont reportés. Une triste première pour l'archipel.
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