Paris 2024 : "C’est un endroit stratégique, où l’on peut bêtement perdre du temps"... La transition, étape clé du triathlon
Le triathlon français arrive aux Jeux olympiques ambitieux comme jamais, visant au moins trois médailles sur les trois courses au menu. Pour atteindre ses objectifs, la délégation tricolore a soigné tous les détails, y compris sur la zone de transition, cet espace traversé en une trentaine de secondes par les triathlètes entre la natation et le cyclisme, puis entre le cyclisme et la course à pied. "C'est un endroit stratégique, où l'on peut bêtement perdre du temps", prévient ainsi Benjamin Maze, directeur technique national (DTN) des Bleus.
Pour reprendre un adage du Tour de France : on ne gagne pas un triathlon dans la zone de transition, mais on peut le perdre. "J'ai déjà perdu des courses à cause des transitions, donc je sais à quel point c'est important", abonde Cassandre Beaugrand, candidate déclarée à l'or olympique. "On peut y perdre quelques secondes qui font qu'on n'accroche pas le bon wagon en vélo ou en course à pied, ça peut coûter cher", ajoute Dorian Coninx, champion du monde en titre.
Parc à vélos, boulot, dodo
En amont des compétitions, les triathlètes peaufinent donc les basiques : enlever la combinaison de natation (le cas échéant), les lunettes de piscine, le bonnet de bain, enfiler ses chaussures – souvent déjà clipsées sur les pédales –, attacher ou déposer le casque… "On fait ces gestes depuis qu'on est petits, donc c'est ça doit être automatique", expose Léo Bergère.
"ll faut être propre et précis. Ça paraît tout bête, mais il ne faut pas mettre trois secondes de plus que le voisin pour mettre son casque et il faut jeter son bonnet et ses lunettes de natation dans une boîte. Si on vise à côté, c'est quinze secondes de pénalité."
Léo Bergère, champion du monde 2022à franceinfo: sport
En cas d'erreur, un système de pénalité peut en effet peser lourd. "C'est pénalisé parce que si chacun jette son matériel n'importe où, ça peut être dangereux pour les autres, justifie Benjamin Maze. Ce qui peut se passer, c'est aussi enlever son casque trop tôt, monter sur le vélo avant la ligne, en descendre après, se tromper d'emplacement…"
Longue de quelques dizaines de mètres, la zone de transition (ou parc à vélos) – qui sera sur le pont Alexandre-III aux JO – est donc un espace de tension, où chaque coureur a son emplacement pour accrocher son vélo et poser ses divers équipements.
"Cela ressemble un peu à un pas de tir de biathlon", illustre Benjamin Maze, qui poursuit le parallèle : "D'ailleurs, comme en biathlon, on peut y mettre la pression aux adversaires en allant vite, en lançant des regards, en bluffant… C'est un jeu éminemment psychologique. Tu regardes ton adversaire et tu lui dis, sans parler : 'Dépêche-toi, parce que moi, j'y vais.'"
Pas le temps d'observer la vue
Or, comme en biathlon, l'emplacement est primordial. "L'idéal, c'est d'être le plus proche de la sortie, pour avoir le moins de chemin à parcourir vélo en mains, puisqu'on ne peut monter dessus qu'à la sortie de la zone", éclaire Benjamin Maze. Ce placement sera déterminé par tirage au sort pour les JO.
"Arriver en premier, c’est un enjeu majeur. Ça évite d'être percuté par un autre triathlète avec son vélo. Si un athlète a deux, trois secondes d'avance à la sortie de la transition, il peut décider de les utiliser tactiquement, en accélérant pour mettre la pression, ou lisser son effort."
Benjamin Maze, DTN de l'équipe de France de triathlonà franceinfo: sport
Dès lors, chacun a ses petites habitudes dans la zone de transition. Pour Cassandre Beaugrand, l'essentiel est "de respirer" : "Souvent on veut aller trop vite, j'essaie de souffler un bon coup, et de me dire c'est bon, j'enlève juste mon casque. Ce n'est pas un geste très difficile (rires)". Emma Lombardi, elle, visualise avant chaque course l'ordre des gestes à effectuer "pour être la plus méthodique possible", le tout "sans regarder les autres autour, pour ne pas être perturbée".
La Française prend donc le soin de toujours positionner son casque et ses chaussures "du même côté de mon vélo". Le champion du monde tricolore, Dorian Coninx, dédie, lui carrément des séances d'entraînements spécifiques à la transition : "Ensuite, le jour J, mon but est de ne pas chercher à aller trop vite". "Ça m'arrive souvent de m'entraîner à enfiler les chaussures le matin de la course, dans la chambre d'hôtel", sourit Léo Bergère.
Pour parfaire ces routines, Benjamin Maze et le staff des Bleus ont même confectionné une aire de transition au Centre de ressources, d'expertise et de performance sportive de Boulouris (Var). Si le pont Alexandre-III sera le cœur des épreuves olympiques de triathlon, les Bleus ne devraient donc pas s'y éterniser. "Comme sur le reste du parcours, sourit Emma Lombardi. Parce que c'est superbe de courir dans Paris, mais on n'est pas là pour faire du tourisme."
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