Paris 2024 : "En ce moment, c'est la psychose"... Lors du test event, la Seine au centre des préoccupations des triathlètes
"Je ne voyais pas le bout de mes bras dans l'eau, mais ce n'était franchement pas si mal." À 9 heures, mercredi 16 août, l'Allemand Jonas Schomburg a le sourire, tandis qu'il s'extirpe de la Seine et monte les marches allant des quais au Pont Alexandre III, en face des Invalides. En ce jour de reconnaissance de l'épreuve test des Jeux de Paris, lui et des dizaines de triathlètes ont plongé tête la première dans l'eau parisienne, mercredi 16 août.
Pourtant, le bon déroulement de l'événement relevait encore de l'hypothétique il y a moins de deux semaines. Après un épisode de fortes pluies, le même test event de natation en eau libre avait été totalement annulé en raison de la pollution du fleuve. Mais cette fois, tous les éléments semblaient réunis pour que la compétition ait bel et bien lieu.
Un décor idyllique et des craintes
À peine une heure avant de s'élancer depuis le ponton bleu placé sous le pont Alexandre III, l'atmosphère oscille encore entre enthousiasme et réticence. D'un côté, la championne olympique, Flora Duffy, s'extasie face à "l'opportunité d'une vie de concourir dans un décor iconique". De l'autre, comme beaucoup d'autres triathlètes, la Bermudienne concède ne pas être encore certaine de plonger dans la Seine pour reconnaître la partie natation.
Globalement, les concurrents affirment avoir confiance dans les résultats communiqués par World Triathlon, qui leur a assuré en arrivant "que la qualité de l'eau était suffisante". Du côté de la Ville de Paris, Christophe Rosa, délégué général aux Jeux olympiques et paralympiques, s'est félicité que "cette familiarisation ait pu avoir lieu, incarnant les premiers fruits du travail engagé sur la qualité de l'eau".
Une nation en particulier manque à l'appel lors de cette reconnaissance : le clan français, qui a refusé de tremper un orteil dans le fleuve avant le début des épreuves, jeudi pour les femmes et vendredi pour les hommes. "On ne va pas tester la partie natation, on va plutôt aller nager en piscine. On ne veut pas prendre de risque", justifie ainsi la triathlète tricolore Emma Lombardi, au moment où les combinaisons néoprènes des autres sélections se dirigent vers les quais. "En ce moment c'est la psychose, concède Stéphanie Gros, responsable de l'équipe de France olympique. Dès qu'il y a un petit souci post-épreuve, on se dit que ce sont les eaux qui sont de faible qualité".
Une peur nommée Escherichia coli
Dans un coin de la tête de tous les participants, la bactérie Escherichia coli, ou E. coli. Le triathlète néerlandais Richard Murray en a fait les frais fin juillet, lors d'une étape de la Coupe du monde de triathlon, à Sunderland (Angleterre). Comme lui, des dizaines de triathlètes étaient tombés malades après l'épreuve, souffrant notamment de diarrhées et de vomissements, causés par la bactérie. "On a parfois l'impression que la santé des sportifs passe au second plan, qu'importe si la qualité de l'eau est très mauvaise", insiste l'intéressé.
“Quand une eau est souillée, il peut y avoir énormément de germes incriminés, plusieurs types de virus et de bactéries, et certaines peuvent avoir des répercussions sur le moyen-long terme.”
Daniel Hirt, médecin de l'équipe de France de triathlonà Franceinfo: sport
Pourtant, les tests réalisés dans la mer du Nord, bordant Sunderland, certifiaient que l'eau était conforme aux normes de World Triathlon. "Même en deçà des seuils d'acceptabilité, il peut y avoir une zone grise avec des eaux pas complètement propres", explique Daniel Hirt, médecin de l'équipe de France de triathlon. Ainsi, malgré les derniers tests de la Seine présentant des résultats en dessous du seuil autorisé pour la bactérie E. coli (1000 UFC/ml), les Tricolores suivront tous un protocole à base de tablettes de chlore et de probiotiques afin de contrer la prolifération des micro-organismes et d'éventuels soucis de santé.
Des courants difficiles à maîtriser
Malgré les réticences initiales, nombreux ont été les triathlètes à se jeter à l'eau. Lorsqu'on lui demande s'il n'a pas peur de tomber malade, le champion olympique en titre Kristian Blummenfelt nous répond d'un "non" sec. Mais certains de ses concurrents ne partageaient pas cette assurance. "C'était la même chose lors du test event à Tokyo en 2019, j'ai eu l'E. coli, donc je connais le risque. J'ai un peu peur mais je dois y aller pour comprendre comment fonctionne le fleuve", explique la triathlète hongroise Zsanett Kuttor-Bragmayer en même temps qu'elle enfile son bonnet.
Car si la Seine fait parler d'elle pour la qualité de son eau, elle est aussi difficile à apprivoiser. Le courant y est puissant et les piles des nombreux ponts viennent perturber celui-ci, compliquant encore plus la tâche des nageurs. L'Américaine Katie Zaferes, troisième des derniers Jeux olympiques, ne s'y trompe pas : "Le courant nous porte au départ mais après le demi-tour, cela devient vraiment difficile de revenir. Je pense qu'il était très important d'essayer de prendre des sensations dans l'eau avant l'épreuve de jeudi". Le clan français se serait-il tiré une balle dans le pied en évitant de se jeter à l'eau ? Pas vraiment selon Stéphanie Gros : "On a travaillé avec des ingénieurs pour comprendre comment fonctionne ce cours d'eau et on fera avec les éléments qu'on a, c'est aussi à cela que sert le test event".
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