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L'usine ArcelorMittal de Florange, une épine dans le pied du candidat Sarkozy

Des salariés du site de Florange ont décidé de venir jeudi à Paris pour interpeller directement Nicolas Sarkozy devant son QG de campagne. Retour en cinq temps sur un dossier qui empoisonne la vie du candidat UMP.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Les forces de l'ordre repoussent des salariés d'ArcelorMittal de Florange (Moselle) du secteur du QG de campagne de Nicolas Sarkozy, à Paris, le 15 mars 2012. (THOMAS SAMSON / AFP)

Les métallos de Florange vont-ils peser dans la campagne de Nicolas Sarkozy ? Venus protester devant le QG du candidat UMP à Paris, les salariés du site mosellan d'ArcelorMittal ont été aspergés de gaz lacrymogène par la gendarmerie mobile, jeudi 15 mars à la mi-journée. Nicolas Sarkozy a aussitôt accusé la CGT de vouloir jouer "un rôle politique" dans la campagne. Mais ce n'est pas la première fois que l'aciérie de Moselle contrarie la communication du président candidat. Retour sur "l'épine" Florange en cinq temps.

1. Le temps de l'angoisse

Le 3 octobre 2011, ArcelorMittal stoppe son deuxième haut-fourneau (appelé P6) en activité sur le site de Florange, alors que le premier a déjà été arrêté en juin de la même année. La direction assure alors que cette fermeture "est conjoncturelle, temporaire et provisoire". Conséquence de la crise et de la baisse des commandes, le numéro un mondial de la sidérurgie doit réduire son activité pour "accélérer son déstockage". Mittal promet alors de redémarrer le haut-fourneau dès que la demande d'acier repartira à la hausse.

Cinq cents salariés, sur les 2 667 qui travaillent sur le site de Florange, se retrouvent au chômage technique. Aux yeux des syndicats, cette mise en sommeil du P6 constitue une "catastrophe sociale, financière et industrielle". Pour eux, la fermeture du haut-fourneau P6 signe "l'arrêt de mort" du site lorrain. Ils estiment qu'au total "quelque 2 000 emplois" sont menacés en prenant en compte les intérimaires et les conséquences sur les sous-traitants. 

2. Le temps de l'espoir mesuré 

Après l'annonce d'ArcelorMittal, le gouvernement prend le dossier en main. Le directeur général du sidérurgiste en France est reçu dès septembre par le ministre du Travail, Xavier Bertrand, et par le ministre de l'Industrie, Eric Besson. "Le groupe a pris l'engagement de maintenir les investissements nécessaires au redémarrage du haut-fourneau de Florange dès lors que la demande repartira à la hausse", assurent les deux ministres à la suite de l'entretien. Et ils se réjouissent : ArcelorMittal a "exclu tout recours à des licenciements dans le cadre de cet arrêt temporaire". Eric Besson "espère" même un redémarrage du P6 début 2012, comme le rapporte Le Républicain lorrain.

Mais les salariés de Florange restent sceptiques et pessimistes. L'intersyndicale CGT-CFDT-FO-CFE-CGC et les élus locaux et régionaux maintiennent manifestations et mobilisation. Les ouvriers de la région n'ont pas pardonné au président de la République la fermeture de l'usine voisine de Gandrange, également propriété d'ArcelorMittal. Le 4 février 2008, alors que Mittal venait d'annoncer la triste nouvelle, Nicolas Sarkozy s'était engagé à sauver le site. Depuis la fermeture de ce site, les syndicats accusent le président de n'avoir pas respecté ses promesses. Des critiques qu'il a bien du mal à faire taire.

3. Le temps de la colère

Le 23 février 2012, c'est la douche froide pour les salariés de Florange. La multinationale prolonge "l'arrêt temporaire" des hauts-fourneaux de l'usine. "Nous referons un point dans le courant du mois de mai pour la situation du troisième trimestre", précise la direction. Les syndicats accusent alors ArcelorMittal de "gagner du temps". "Si on continue comme cela, on va droit dans le mur, c'est la fin de Florange", estime un représentant de la CGT. Au début de la mobilisation, l'intersyndicale CFDT-CGT-FO (la CFE-CGC s'en est retirée depuis) avait promis de faire de Florange "le cauchemar du gouvernement" si les deux hauts-fourneaux n'étaient pas remis rapidement en route. 

Après la mésaventure de Gandrange, un déplacement de Nicolas Sarkozy à Florange est délicat. Il se contente donc de suivre le dossier à distance. "Moi, je ne veux pas que Florange meure. Bien sûr, il y a la crise, moins de demande d'acier, mais on fera tout pour que Florange rouvre", déclare-t-il fin février. Une faiblesse exploitée par François Hollande : le candidat socialiste se rend à Florange pour y prendre des "engagements". Il promet notamment une loi obligeant les firmes à céder les unités de production dont elles ne veulent plus. 

4. Le temps des promesses qui font pschitt

Une semaine plus tard, Nicolas Sarkozy, désormais candidat officiel à la présidentielle, reprend le dossier de Florange en main. "ArcelorMittal va investir, à la demande de l'Etat français, 17 millions d'euros à Florange", annonce-t-il le 1er mars sur France Inter. Cette enveloppe va servir à redémarrer le haut-fourneau P6 et à développer de nouvelles installations et produits. "Le deuxième haut-fourneau repartira au deuxième semestre", affirme même Nicolas Sarkozy.

Mais ses annonces sont accueillies avec réserves par les syndicats de Florange. La somme annoncée par Nicolas Sarkozy (deux millions d'euros) destinée aux travaux nécessaires au redémarrage du deuxième haut-fourneau n'est en fait qu'un investissement déjà prévu par ArcelorMittal, qui tient là un engagement pris en interne. Syndicats et élus de gauche de Moselle dénoncent alors "les coups médiatiques" du candidat UMP. Et ArcelorMittal vient aussi largement nuancer l'enthousiasme de Nicolas Sarkozy : le géant de l'acier ne s'engage pas formellement à redémarrer le deuxième haut-fourneau"Le redémarrage du site de Florange dépendra d'une reprise économique cette année. L'entreprise redémarre le haut-fourneau si la demande est là", indique le groupe.

5. Le temps de la campagne empoisonnée

Alors que Florange est l'un des emblèmes de la campagne électorale, Nicolas Sarkozy s'engage jeudi 15 mars à recevoir à l'Elysée les salariés de l'aciérie mosellane lundi 19. "On ne les oublie pas", affirme-t-il. Mais les syndicats d'ArcelorMittal décident de manifester dès jeudi devant le QG du président candidat de l'UMP, espérant le rencontrer. Les métallos [devant venir à Paris] ne sont pas représentatifs", estime Nicolas Sarkozy, qui refuse de recevoir ces manifestants. 

Gazés, les 150 à 200 métallurgistes sont alors brutalement repoussés du secteur du QG de campagne par les forces de l'ordre"Le candidat du peuple accueille le peuple avec des CRS, a déploré Edouard Martin, représentant CFDT au comité d'entreprise européen d'ArcelorMittal. Nous ne sommes pas venus dans un esprit d'affrontement mais dans un esprit de dialogue, faire de la pédagogie sur la situation de notre usine. (…) On n'a jamais dérapé, on est reçus avec des gaz lacrymogènes." Conséquence, les syndicats annoncent leur refus de participer à la réunion prévue lundi à l'Elysée.

Pris à partie, Nicolas Sarkozy réagit à distance en accusant les syndicats, la CGT en particulier, de vouloir jouer un rôle politique dans la campagne. "Que les syndicalistes défendent les syndiqués et ne fassent pas de politique et la CGT se portera mieux (...). Je dis aux vrais salariés de Florange, ceux qui travaillent, que je suis à leur disposition", déclare le président candidat, ajoutant : "Que la CGT ne pense pas qu'elle a un rôle politique à jouer dans cette campagne, ça ne lui va pas, ce n'est pas bien." A la suite de l'incident, le député UMP Damien Meslot, porte-parole adjoint de Nicolas Sarkozy, demande même à François Hollande de "condamner les actions violentes" des syndicalistes d'ArcelorMittal.

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