Canicule : "Il y a une nécessité de tout faire pour maintenir le réchauffement climatique en deçà de deux degrés"
Jean Jouzel, climatologue, a détaillé samedi pour franceinfo les défis environnementaux qui attendent l'Europe, alors qu'une vague de chaleur, surnommée "Lucifer", frappe le sud-est de la France.
Face au dérèglement climatique, 152 000 Européens pourraient mourir chaque année d'ici 2100 à cause des événements climatiques extrêmes si rien n'est fait pour limiter la hausse du thermomètre. C'est la conclusion alarmante d'une étude scientifique menée par le centre commun de recherches de la Commission européenne. "Ces canicules seront de plus en plus importantes, de plus en plus violentes et intenses et vont avoir une conséquence sur notre santé" a analysé samedi 5 août sur franceinfo, le climatologue, Jean Jouzel.
"C'est pratiquement deux Européens sur trois qui pourraient être affectés par ces catastrophes" a-t-il poursuivi. "C'est très important de limiter le réchauffement climatique et c'est vraiment maintenant qu'il faut agir. Il y a une nécessité de tout faire pour maintenir le réchauffement climatique en deçà de deux degrés" met en garde le scientifique.
franceinfo : les vagues de chaleur, les canicules, seront les catastrophes climatiques les plus meurtrières selon cette étude. Qu'en pensez-vous ?
Jean Jouzel : Ces canicules de plus en plus importantes, de plus en plus violentes et intenses vont avoir une conséquence sur notre santé. Ainsi, en 2003 on a eu 15 000 morts supplémentaires en France, 70 000 morts en Europe. Météo France a montré qu'on pourrait avoir des journées en France avec des températures supérieures à 50 °C, lors de certaines journées caniculaires. Quand on voit l'ensemble des catastrophes qui pourraient se produire en Europe, c'est pratiquement deux Européens sur trois qui pourraient être affectés par ces catastrophes alors qu'actuellement ce n'est que 5% de la population qui fait face ou qui a à faire face à ces risques.
Les scientifiques Européens qui ont mené cette étude alertent aussi sur l'augmentation de morts dans des inondations côtières. La montée du niveau de la mer est-elle donc devenue un danger en Europe aussi ?
Oui, là aussi on parle de multiplication par 50 du nombre des morts pour les canicules et par 30 pour des inondations routières. On parle de 300 à 400 morts par an, mais c'est quelque chose qui prend de l'importance, d'autant qu'on imagine une élévation du niveau de la mer qui pourrait au minimum atteindre entre 50 centimètres ou un mètre. On comprend bien les dégâts que ça peut faire. Beaucoup de régions côtières seraient extrêmement touchées dans leur activité économique. Et c'est très important là aussi de limiter le réchauffement climatique et c'est vraiment maintenant qu'il faut agir.
Ces estimations qui prévoient une élévation de 3 degrés d'ici 2100, vous paraissent-elles crédibles ?
Oui, et c'est très important qu'ils ne prennent pas en compte l'hypothèse maximale d'une augmentation qui pourrait être de 4 à 5 degrés si rien n'était fait pour lutter contre le réchauffement climatique. Ces scientifiques se placent dans l'hypothèse où la première phase de l'accord de Paris tel qu'il est engagé actuellement serait un succès et qu'après les émissions de gaz à effet de serre diminueraient très rapidement d'ici 2050 dans la deuxième partie du 21e siècle. Ce n'est pas gagné, mais ça montre que l'on doit relever l'ambition de l'accord de Paris tel qu'il est actuellement. Il y a une nécessité de tout faire pour maintenir le réchauffement climatique en deçà de deux degrés. Nous n'avons plus que trois ans pour agir, car il faut mettre le paquet d'ici 2020, avec cette idée de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre par trois d'ici 2050, d'arriver à la neutralité carbone dans la deuxième partie du 21e siècle et la nécessité ensuite d'avoir des émissions négatives. C'est le défi que les climatologues ont décrit depuis de nombreuses années comme la voie qu'il fallait suivre.
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