Incendies : pourquoi la gestion des moyens aériens pour lutter contre les feux de forêt est critiquée
Alors que les incendies ont ravagé plus de 14 000 hectares de végétation en Gironde en une semaine, des voix s'élèvent pour critiquer l'indisponibilité de certains appareils de la Sécurité civile, et la sous-dotation de la flotte au regard du changement climatique.
Les deux gigantesques feux qui ravagent depuis mardi dernier la Gironde ont brûlé 14 000 hectares de végétation, selon le dernier bilan des autorités, lundi 18 juillet. Sur les deux fronts, 1 700 soldats du feu sont mobilisés, appuyés par des bombardiers d'eau (4 Canadair et 2 Dash). Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a par ailleurs annoncé dimanche que "trois avions supplémentaires" seraient engagés, alors que la France a pu bénéficier de la mise à disposition de deux Canadair grecs et de deux autres italiens, dans le cadre du dispositif RescEu, mécanisme de solidarité européen de protection civile.
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Car la situation est tendue dans les airs pour les pompiers. Un syndicat de pilotes de l'aviation civile, à la lutte contre les feux de forêts en Gironde, a ainsi demandé dimanche plus d'avions et de personnel disponibles. Franceinfo vous explique pourquoi ces critiques apparaissent après bientôt une semaine d'incendies records.
Parce que tous les avions ne sont pas disponibles au même moment
Basée à Nîmes, la flotte aérienne de la Sécurité civile compte 12 Canadair, 6 Dash – un 7e sera opérationnel en août, un 8e en 2023 – et 3 Beechcraft, selon Alexandre Jouassard, porte-parole de la Sécurité civile. Une flotte "adaptée aux opérations de lutte encadrées par la doctrine française", soulignait en 2019 un rapport d'information du Sénat (PDF) sur la lutte contre les feux de forêt.
Néanmoins, ce rapport soulignait que la flotte était "vieillissante". Compte tenu de son âge, mais aussi de son niveau d'utilisation, elle fait donc l'objet d'une maintenance importante qui en immobilise constamment une partie. En 2016, la Sécurité civile estimait ainsi que la disponibilité réelle de la flotte était de 75%, souligne un avis parlementaire. C'est-à-dire que sur 10 avions, seuls 7 ou 8 sont disponibles à un instant T. "Il est indispensable d'immobiliser un appareil pour 4-5 heures pour faire ces vérifications", rétorque auprès de l'AFP le porte-parole de la Sécurité civile, Alexandre Jouassard, qui souligne que "plus vous larguez" de l'eau, "plus votre machine est sollicitée". Les Canadair "font 300 largages en une journée, ils sont soumis à rude épreuve, il y a donc des maintenances ponctuelles", ajoutait-il dimanche sur franceinfo.
Selon Christophe Govillot, porte-parole du Syndicat national du personnel navigant de l'aéronautique civile (Snpnac), la Sécurité civile connaît deux autres problèmes, qui mettent à mal la disponibilité de ses appareils : "Il n'y a pas suffisamment de pièces détachées" disponibles, et le prestataire privé responsable de la maintenance, Sabena Technics, "n'est pas à la hauteur". L'avis parlementaire d'octobre 2017 relevait en effet plusieurs problèmes survenus au cours de ces dernières années : fin juillet 2017, "quatre Canadair et un Tracker étaient indisponibles en raison d'un manque de pièces détachées". En 2016, "la disponibilité des Canadair a été nulle du 2 au 8 août 2016 en raison d’un incident grave survenu le 1er août à Ajaccio (rupture de train d’atterrissage)". En 2015, "la livraison tardive des avions en sortie de maintenance lourde a mobilisé les équipages sur des vols de réception jusqu’à une date avancée dans la saison des feux (le dernier Canadair ayant été livré par Sabena le 12 août 2015)".
Parce que les moyens humains sont insuffisants
"Le nombre de pilotes actuel n'est pas au rendez-vous : on est 16 commandants de bord, on devrait être 22", estime Christophe Govillot. Un problème qui ne concerne pas que les pilotes, selon lui : les mécaniciens ne sont "pas assez nombreux pour faire tous les dépannages".
Parmi les pistes d'explication à cette sous-dotation en personnel : le manque d'attractivité dont souffre la Sécurité civile, qui avait poussé le Snpnac à déposer un préavis de grève pour le 1er juillet. "En quatre ans, le nombre d'instructeurs était passé de douze à cinq", rappellait le Midi-Libre à la fin juin. Après plusieurs semaines de discussions, l'Etat et la profession sont tombés d'accord le 30 juin : la profession de pilote de la Sécurité civile sera reconnue comme étant un métier à risques, et l'accord entérine également des hausses de salaires et des primes.
Parce que le réchauffement climatique a accru les besoins
La France compte 16,9 millions d'hectares de forêts, soit 31% de son territoire, ce qui en fait le quatrième pays le plus boisé de l'Union européenne derrière la Suède, la Finlande et l'Espagne. Et un tiers de cette zone est concerné par la probabilité d'incendie, selon le rapport du Sénat de 2019.
Avec le réchauffement climatique, les incendies démarrent plus tôt dans l'année, sont plus étendus et font plus de dégâts que d'habitude. Depuis le début de l'année, et en date du 18 juillet, près de 33 000 hectares sont ainsi partis en fumée en France, selon le Système européen d'information sur les incendies de forêt (EFFIS) de l'observatoire Copernicus. Soit plus que durant toute l'année 2021 (30 600 hectares), le record datant de l'année 2019 (43 600).
"On ne peut plus parler de saison des feux ! C'est désormais l'ensemble du territoire métropolitain qui est concerné, du 1er janvier au 31 décembre, jusqu'à l'Alsace ou la Franche-Comté", insiste auprès de l'AFP le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, Grégory Allione. En conséquence, "notre contrat opérationnel" de protection des personnes, des biens et de l'environnement "est soumis à rude épreuve", et il pourrait craquer "si on devait être soumis à plusieurs gros départs de feu en même temps sur le territoire", craint-il.
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