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"Je ne souhaiterais pas ça à mon pire ennemi" : le calvaire de ceux qui travaillent dehors durant la canicule

Avec des maximales atteignant 38°C, la France a vécu, mercredi, sa journée la plus chaude depuis le début de l'année. Franceinfo a rencontré des chauffeurs de bus, des postiers et des ouvriers du BTP qui ont raconté leur souffrance de travailler à l'extérieur.

Article rédigé par franceinfo - Louise Hemmerlé
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Le travail physique à l'extérieur présente des risques pour la santé à partir de 28°C. (MAXPPP)

Une fournaise. Depuis le début de la semaine, la France est touchée par un épisode de canicule particulièrement intense. Soixante-sept départements ont été ainsi placés en vigilance orange par Météo France, mercredi 21 juin. Au plus chaud de l'après-midi, les températures ont atteint 27 à 32°C en bord de mer, 33 à 36°C dans les terres et, localement, 37-38°C de l'Ile-de-France et du Centre au Sud-Ouest.

Mais, malgré ce soleil de plomb, des milliers de personnes sont obligées de travailler à l'extérieur par une chaleur infernale, alors que l'Institut national de santé et de sécurité au travail estime que les dangers pour la santé apparaissent dès que la température dépasse 30°C pour une activité sédentaire, et 28°C pour un travail nécessitant une activité physique. Franceinfo est allé à la rencontre de ces travailleurs qui subissent de plein fouet la canicule. 

"Il faut avoir un mental de fer"

Cela fait déjà quatre heures que Jérémy Seillier travaille dans les rues de Paris pour installer des plaques réfléchissantes sur des feux de signalisation. A cause de la canicule, ses collègues et lui ont commencé à travailler plus tôt, dès 6 heures. Mais la fraîcheur matinale s’évapore bien vite. "Là, mon tee-shirt est gris clair, tout à l’heure il sera noir", soupire-t-il en évoquant la transpiration. Il est obligé de porter des manches longues, un pantalon doublé, un casque et des gants. "Je ne souhaite ça à personne, lâche-t-il. Pas même à mon pire ennemi."

Un peu plus loin, un chauffeur de bus prend sa pause. Il est en sueur, fatigué et en colère.

Être dans un bus fermé, dans les bouchons, par un cagnard pareil, c’est l’horreur.

Un chauffeur de bus à Paris

à franceinfo

Son véhicule n'a pas de climatisation, seulement un système d’aération qui brasse de l’air chaud. "Il fait entre huit et dix degrés de plus à l’intérieur du bus qu’à l’extérieur, estime-t-il. C’est du plastique, qui est creux en plus, donc ça garde bien la chaleur." Aujourd’hui, il travaille de 6 heures à 13 heures. "Si j’avais été de l’après-midi, je ne serais pas venu travailler", assure-t-il. Certains de ses collègues, glisse-t-il, se seraient mis en arrêt maladie car la chaleur est "intenable".

Sous ce soleil de la mi-journée, deux agents de sûreté, en chemise et gilet pare-balles, sont postés devant une entrée de garage. "Je commence à fatiguer, il fait excessivement chaud", avoue l’un d’eux. "Il faut avoir un mental de fer, renchérit son collègue. Ce n’est pas pour tout le monde, certains de nos collègues en période d’essai ne restent pas à cause de la chaleur."

"Les gens ne proposent même pas un verre d'eau"

"On nous donne une grande bouteille d’eau pour toute la journée, rumine Jérémy, ouvrier dans les travaux publics. "C'est ridicule. Il m’en faut deux ou trois pour pouvoir tenir la journée." Or le Code du travail prévoit justement des dispositions particulières pour le travail en extérieur, en cas de canicule, dans le secteur du BTP. "L'employeur met à la disposition des travailleurs de l'eau potable et fraîche pour la boisson, à raison de trois litres au moins par jour et par travailleur", précise le texte.

Mon corps me dit ‘arrête’, mais je sais que si j’arrête, je vais avoir des problèmes.

Jérémy, ouvrier du BTP

franceinfo

Isabelle Coutard, elle, arpente Paris à vélo pour distribuer le courrier. Pour elle, le pire, ce n’est pas de circuler en pédalant entre les pots d’échappement sous le soleil. "Dans les halls d’immeubles, il fait très chaud, c’est étouffant." Sans oublier que pour remettre les colis, il faut gravir les escaliers, souvent la gorge sèche. "Ici, à Paris, tu peux monter six étages à pied et les gens ne te proposent rien, pas un verre d’eau", déplore-t-elle.

Les déménageurs souffrent eux aussi de la soif. Leur métier a beau être particulièrement physique et pénible, "on ne peut simplement pas envisager de ne pas déménager un client", glisse Habib Maiz, PDG de Picard Déménagement. Et cela s’applique aussi aux jours de canicule. "Quand il y a des périodes exceptionnelles comme cela, on met en place des mesures exceptionnelles", explique-t-il. Les jours de grande chaleur, les équipes sont renforcées et envoyées chez les clients dès 6 heures, pour finir le plus tôt possible. Mais surtout, l’entreprise missionne ses commerciaux avec des voitures de fonction pour faire la tournée des équipes et distribuer bouteilles d’eau, seaux de glaçons, bananes, oranges et sandwichs.

"Des shorts ? Il ne faut pas rêver"

Malgré ces conditions difficiles, les travailleurs n'ont pas toujours le droit d'adapter leur tenue à la chaleur. Le débat revient tous les ans à la même époque. Hier, des chauffeurs de bus nantais se sont habillés en jupe pour réclamer le droit de travailler en bermuda. Mais un chauffeur interrogé à Paris a peu d'espoir de voir les règles changer : "Des shorts ? Il ne faut pas rêver. On a un collègue qui avait retroussé son pantalon à cause de la chaleur et il s’est pris un rapport. Ils sont très tatillons avec ça."

La factrice Isabelle Coutard, elle, n'a plus le droit depuis cette année de porter des chaussures ouvertes, pour des questions de sécurité. "C’est la première année que je fais la tournée d’été en chaussettes et baskets et c’est l’horreur. Je ne pense qu’à une chose, c’est pouvoir enlever mes chaussures."

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