"Voir cette marchandise gâtée, ça me fend les tripes" : la chaleur printanière oblige les maraîchers à jeter 70% de leur récolte de fraises
La France a battu un record de températures ce printemps avec 40 jours consécutifs au-dessus des normales saisonnières. Un niveau historique qui provoque des dégâts dans les vergers : dans le sud-ouest des producteurs de fraises sont obligés de jeter une partie de leur récolte.
Au milieu de la parcelle, parmi les ouvriers agricoles, Chaouki Sabani cueille des fraises au ras du sol, mais la plupart restent par terre. "On jette énormément, reconnaît le salarié. On jette l'équivalent de 70% de marchandise. C'est énorme, ce n'était jamais arrivé et ça fait mal au cœur."
Une récolte catastrophique sous les yeux de Laurent Dirat, le propriétaire de cette exploitation de six hectares, située à Gramont (Tarn-et-Garonne). "Voir cette marchandise gâtée, ça me fend les tripes", dit-il.
Des fraises mûries en deux jours
Cette situation inédite est dûe à la chaleur précoce qui a accéléré le mûrissement du fruit. "La chaleur que l'on subit depuis trois semaines, où on a des températures de 10 voire 15 degrés au-dessus de la normale, fait que les fraises mûrissent en deux jours, explique Laurent Dirat. C'est-à-dire qu'il faudrait passer trois fois par semaine pour pouvoir récolter, et pour cela il faudrait qu'on soit exactement trois fois plus de salariés."
Il y en a déjà une cinquantaine, il en faudrait donc 150 pour cueillir toutes les fraises à temps. Impossible pour ce maraîcher qui dénonce l'inaction de la grande distribution : "Ces fraises seront en légère surmaturité, et donc invendables."
"Ce que je regrette vraiment, c'est que les supermarchés ne puissent pas nous aider parce que ces fraises feraient de la confiture exceptionnelle et on ne trouve pas de fraises à confiture en supermarché."
Laurent Dirat, propriétaire d'une exploitation de fraises à Gramontà franceinfo
Écoeuré, Laurent Dirate envisage de réduire d'un tiers sa production dès l'an prochain. "Je n'ai pas envie de revivre une année comme ça", admet le producteur qui s'interroge aussi pour le futur : avec le réchauffement climatique, cultiver la fraise sera de plus en plus difficile. "Avec des températures trop importantes, on ne pourra plus. Par contre, la remplacer par quoi ? Vous savez, je me creuse la tête tous les jours, c'est compliqué."
Son regard en ce moment se tourne souvent vers l’Afrique du nord. "Déjà depuis quelques années, une filière se développe, celle des protéagineux, des légumes secs, qui viennent à l'origine du Maghreb. C'est difficile de pouvoir changer du tout au tout, mais de toute façon, tout est complètement remis en question." Une réflexion nécessaire pour savoir à quoi pourraient ressembler les vergers de demain.
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