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Philippines : "Hormis la Croix-Rouge, nous n'avons pas vu grand monde"

Depuis près d'une semaine, Pierre Monégier est l'envoyé spécial de France Télévisions aux Philippines, dans la région de Tacloban, la plus fortement frappée par le typhon. Il raconte.

Article rédigé par Martin Gouesse - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une statue dans les débris de l'université de Tacloban, sur l'île de Leyte (Philippines), le 14 novembre 2013. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Sept jours après le passage du typhon Haiyan, la plus grande confusion demeure aux Philippines, vendredi 15 novembre. Sur le nombre de morts d'abord, alors que l'ONU et le gouvernement philippin ont avancé des chiffres allant du simple au double. Sur le terrain, les Nations unies admettent que la mise en place de l'aide humanitaire est lente. Mais elle devrait s'accélérer avec l'arrivée d'importants moyens de l'armée américaine. L'envoyé spécial de France Télévisions Pierre Monégier est sur place depuis près d'une semaine. Il raconte à francetv info ce qu'il voit.

Francetv info : L'ONU déplore "d'être au sixième jour après la catastrophe et de n'avoir pas pu atteindre" toutes les victimes. Comment s'explique ce retard ?

Pierre Monégier : Hormis la Croix-Rouge, nous n'avons effectivement pas vu grand monde. Nous avons surtout croisé des Philippins en train de nettoyer et de déblayer eux-mêmes les dégâts. Dans les régions que nous avons traversées, nous avons vécu des épisodes de chaleur, et des pluies, qui tombent assez régulièrement. Mais il ne me semble pas que ces conditions gênent tant que cela les secours. 

L'armée est bien présente, mais elle s'occupe surtout de la sécurité. Elle garde les boutiques, par exemple, pour empêcher les pillages. J'ai été surpris aussi de croiser la coordination des enseignants philippins qui effectuait une mission d'évaluation pour tenter de rescolariser les enfants au plus vite. Ils recensent le nombre de professeurs capables d'enseigner et évaluent l'état des écoles.

Quel est l'état d'esprit des Philippins ?

L'ambiance est un peu tendue. De nombreux Philippins estiment que leurs élus et leurs médias leur mentent sur les moyens déployés. Ce qui les énerve un peu. Mais ils restent très hospitaliers.

Il est vraiment trop tôt pour parler de retour à la vie. A Tacloban [dans l'est de l'archipel], il faudra des mois, voire des années car toute la ville est touchée, c'est très impressionnant. C'est devenu une ville fantôme. Il faut tout reconstruire. On en parle peu, mais même l'agriculture va devoir être relancée. Les terres agricoles de la région de Visayas [zone centrale de l'archipel] sont ravagées, les plantations de cocotiers réduites à néant. Des plantations dont dépendent des milliers de gens. Il faut 5 à 10 ans pour qu'elles repoussent.

Quelles images gardez-vous de ces derniers jours ?

Des visages d'enfants, malades, blessés. Et puis cette petite dame de 80 ans, totalement perdue, l'œil hagard, sans chaussures... Cette femme a vécu des centaines de typhons mais elle est complètement déboussolée par celui-ci, plus puissant et beaucoup plus dévastateur.

Il y a aussi l'hôpital de Tacloban, sa chapelle reconvertie en salle de néonatalité pour prématurés. Le directeur de l'hôpital, qui me sert de guide, me montre le rez-de-chaussée : une morgue à ciel ouvert, avec l'odeur des 22 cadavres non-identifiés laissés à l'air libre, juste sous les fenêtres du service pédiatrique. Mais il y a surtout le dévouement du personnel de l'hôpital, ces infirmières à bout qui continuent cependant de travailler.

Enfin, une image de nuit noire, absolument noire. Il n'y a pas d'électricité, donc pas de lumière. 

Avez-vous vu quelques lueurs d'espoir dans ce chaos ?


Oui. Depuis notre arrivée, nous suivons Lawrence, un jeune de Manille qui, sans nouvelles de ses parents, est parti sur leurs traces. Nous l'avons filmé dans la recherche des siens. Et vendredi, il les a retrouvés. Les retrouvailles se sont passées dans la retenue, mais pour l'avoir accompagné 24 heures sur 24, je sais ce qu'il a pu ressentir. C'était un très très beau moment pour eux. 

DLTFTV_MAM_3588271 (PIERRE MONEGIER et NIDA GUINARD - FRANCE 2)

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