Pourquoi les parkings souterrains ont tué autant d'habitants
Neuf personnes ont trouvé la mort ce week-end dans des parkings souterrains, prises au piège après avoir, semble-t-il, tenté de sauver leur voiture. Cette situation aurait-elle pu être évitée ? Des professionnels du bâtiment répondent.
Huit morts à Mandelieu-la-Napoule, un mort à Cannes. Les intempéries dans le Sud-Est se sont révélées particulièrement meurtrières dans les parkings souterrains, samedi 3 et dimanche 4 octobre. Selon un dernier bilan provisoire mardi à 17 heures, près de la moitié des 20 personnes qui ont péri au cours de cet épisode orageux extrêmement violent ont été prises au piège dans ces espaces, après avoir tenté, semble-t-il, d'aller sauver leur voiture. Une telle situation aurait-elle pu être évitée ? A quelles règles les constructeurs sont-ils tenus ?
"Ce genre d'événement météo n'est vraiment pas pris en compte"
La législation sur les risques d'inondation des parkings souterrains est assez limitée, le risque incendie (plus élevé) ayant la primeur. "Côté normes, il n'existe pas grand-chose à l'heure actuelle, explique à francetv info Eric, ingénieur dans un grand organisme de contrôle agréé. On s'intéresse surtout au niveau d'eau envisagé en cas d'inondation causée par les nappes phréatiques. Il faut calculer la résistance des matériaux, sous la pression, pour faire en sorte que l'eau ne s'infiltre pas par les murs, ou qu'elle puisse être évacuée comme il faut par le bâtiment."
Ce week-end, le cas était différent : l'eau n'est pas montée sous forme de crue à travers le sol, mais est arrivée en torrent, directement par la voirie. "Ce genre d'événement météo n'est vraiment pas pris en compte au moment de la construction des parkings", relève Eric. Le comportement des personnes peut vite se révéler déterminant. "En cas d'inondation brutale, les personnes doivent emprunter les escaliers, pas descendre chercher leur voiture sur le parking." Et, même dans les escaliers, le risque que l'eau remonte n'est pas exclu, puisque "les portes ne sont que coupe-feu, l'eau finit par s'infiltrer". D'où la nécessité de remonter au plus vite.
Des portes étanches en zones inondables
Pour éviter ce genre de situation potentiellement mortelle, de plus en plus d'acteurs publics ou privés installent des portes étanches anti-crues à l'entrée des parkings. Le système automatique hyper réactif, installé à l'entrée du parking comme dans la vidéo ci-dessous, se déclenche quand la pression de l'eau s'intensifie. "On en installe dans les zones inondables, mais aussi de plus en plus dans le Sud, où les intempéries sont plus rares mais plus violentes", développe Olivier Dellienne, responsable de bureau d'études à MSEI Environnement, société qui équipe notamment certaines centrales nucléaires.
Là encore, l'ajustement du matériel se fait à partir du Plan de prévention du risque inondation de chaque commune. "Si les experts estiment qu'une crue peut atteindre 80 cm, alors on installera le système en fonction de cette hauteur", détaille Olivier Dellienne. Et dans le cas d'un torrent rapide, comme à Mandelieu-la-Napoule ? "Cela fonctionne aussi. Si les résidences avaient été équipées, les sous-sols n'auraient pas été inondés, ou alors beaucoup moins rapidement, car la vague aurait été déviée", juge ce responsable de bureau d'études. "S'il le faut, on peut mettre en place des systèmes de protection de deux mètres de haut."
L'information au cœur du dispositif de prévention
Les événements des derniers jours sont-ils susceptibles de faire évoluer la législation ? L'ingénieur Eric le pense. "Tout ce que l'on peut faire pour l'instant, c'est conseiller au maître d'ouvrage de bien s'équiper. Mais c'est lui qui garde la décision finale." Petit détail qui a son importance pour les pouvoirs publics, il est possible d'équiper de vieux parkings souterrains de portes étanches. "Il existe aussi des systèmes d'alarme qui se déclenchent en fonction du niveau de l'eau, poursuit Eric, mais ils ne sont pas nécessairement très utiles en cas d'inondation très rapide."
Mieux équiper les parkings, a fortiori en zone inondable, peut être une condition nécessaire pour garantir la sécurité des usagers, mais pas suffisante. Nicolas Doussin, responsable d'affaires chez Sepia Conseils, insiste sur les comportements dangereux liés à la voiture, inhérents à ce type de situation extrême. "En cas de crue, on constate que la problématique des véhicules et de leur utilisation aggrave les risques de façon très importante, affirme-t-il. La majorité des décès sont alors imputables au fait de vouloir aller chercher sa voiture, ou de chercher à rejoindre son domicile coûte que coûte malgré les alertes."
Les véhicules n'étant pas nécessairement couverts par l'assurance, certains habitants prennent des risques inconsidérés pour aller mettre leur voiture à l'abri, sans forcément avoir conscience de ce qui les attend. Les automobilistes ignorent parfois qu'une voiture flotte très rapidement, en raison de la poussée d'Archimède. "Au bout de 30 à 40 centimètres d'eau, c'est fichu", selon l'expert.
Ce qui pose, en amont, la question de l'information des populations. "Les gens se mettent en danger et mettent en danger les autres à cause de leur voiture, déplore Nicolas Doussin. Une réflexion est engagée par les pouvoirs publics sur ce thème, dans le cadre des Plans communaux de sauvegarde. Elle doit être approfondie." Si le Dossier d'information communal sur les risques majeurs existe, peu de gens savent de quoi il retourne. La tragédie qu'a connue le Sud-Est ce week-end fera-t-elle évoluer les mentalités sur le sujet ?
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