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Afghanistan: les poétesses de l'impossible risquent leur vie

En Afghanistan à Kandahar, fief des talibans, un groupe de femmes, la Mirman Bahir (La Tendance des dames), se réunit dans le plus grand secret pour s’adonner a leur passion, écrire et lire de la poésie.
Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une poétesse du cercle Mirman Bahir  (JAWED TANVEER / AFP)

Le patriarcat domine la culture des Pachtounes, qui représentent aujourd’hui environ 42% de la population afghane. Dans leurs «landay», courts poèmes, ces poétesses (étudiantes, mères de famille, célibataires…) dénoncent le sort réservé aux femmes. Leurs textes abordent aussi bien l'amour, la vie de couple, les peines de cœur, le sexe que les mariages des fillettes. Ou les crimes d'honneur.
 
Les membres de Mirman Bahir savent qu’écrire des vers, qui plus est sur des sujets aussi tabous, est un acte de courage. Mais qui les condamne à être rejetées par la société, comme l’explique Nadia: «Qui voudra épouser une femme qui écrit des poèmes ? En général, les gens se disent, si elle écrit sur l'amour, ça doit être une femme de petite vertu».
 
Ce que confirme le poète afghan Wahid Warasta : «Les femmes qui osent chanter ou réciter des poèmes en public risquent d'être traitées de prostituées. Mais la vraie prostitution est dans la tête de ceux qui les appellent comme ça».
 
Exécutions d’honneur interdites
Pour ces raisons, certaines femmes du groupe n’osent pas se rendre aux réunions et préfèrent laisser leurs poèmes sur son répondeur téléphonique. Malgré ces précautions, une jeune poétesse, originaire du sud du pays, s’est immolée par le feu en 2010 après avoir été surprise par ses frères. Ceux-ci pensaient que ses textes étaient destinés à un garçon.
 
Pourtant, le gouvernement afghan tente de faire évoluer les mentalités. Il a ainsi interdit officiellement les exécutions d'honneur. Et une loi criminalisant les mariages forcés et le viol, a été votée en 2009. Mais celle-ci est rarement appliquée.

Le 30 juin 2015, le président Ashraf Ghani a nommé pour la première fois une femme à la Cour suprême, la magistrate Anissa Rassouli. Il a aussi demandé à «tous les ministres de nommer au moins une femme à un poste de vice-ministre». Si d’autres ont pu accéder à des postes comme députées, chefs d'entreprises ou pilotes d'avion, la grande majorité reste sous la coupe des hommes. Pour ces derniers, elles sont «Naqis-ul-aqal», dotées de facultés limitées.
 
Le sort des Afghanes s'est amélioré depuis la chute du régime islamiste des talibans en 2001. Mais la lapidation pour adultère reste pratiquée dans les régions toujours tenues par les fondamentalistes musulmans. En 2013, cette pratique d’un autre âge a failli être réintroduite dans la loi. Preuve que pour la plupart des femmes, l’égalité des sexes est encore une utopie.
 
«Education libre et obligatoire»
Cependant, tout espoir n’est pas forcément perdu, comme le montre le combat de Malala Yousafzai pour «une éducation libre et obligatoire pour chaque enfant dans le monde». Un combat qui pourrait contribuer à faire avancer la cause des femmes.
 
Plus jeune prix Nobel de la paix (17 ans), elle avait été victime d’une tentative d’assassinat par les talibans le 9 octobre 2012. Ceux-ci entendaient la punir pour son action en faveur du droit à l'éducation des jeunes filles. Son père lui avait donné le nom de Malala, en hommage à la poétesse et guerrière Malala de Maiwand, figure de la résistance afghane. Tout un symbole.

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