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Bons baisers… d’Afghanistan, ou comment être touriste dans le pays

Faire du tourisme en Afghanistan ? Oui, c’est possible. Chaque année, quelques centaines de voyageurs intrépides se rendent dans ce pays. Mais parfois, l’expérience tourne mal et leur rappelle qu’ils visitent un pays en guerre depuis 1979. Le 4 août 2016, six Européens et Américains ont ainsi été blessés quand un tir de roquette a touché leur convoi.
Article rédigé par Marc Taubert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La mosquée bleue de Mazar-E-Sharif (nord) est l'un des monuments les plus visités d'Afghanistan. (REUTERS / Fabrizio Bensch)
«Les voyages individuels ou collectifs en Afghanistan sont formellement déconseillés dans tous les cas», prévient le ministère des Affaires étrangères français aux personnes souhaitant s'y rendre. Pourtant, certains touristes jettent leur dévolu sur ce pays en guerre depuis l’invasion soviétique en 1979. Rien qu’en 2015, il y a eu plus de 11.000 victimes civiles, dont plus de 3.500 morts. Et tout étranger court de grands risques.
 
Didier Farsy est l’un de ces rares touristes à avoir posé récemment le pied sur le sol afghan, en avril 2016. Sa motivation est un étrange défi personnel : il veut visiter tous les pays du monde. «En 2010, j’étais déjà l’un des premiers Français à visiter l’Irak (après l’invasion américaine de 2003, ndlr). Oui, ce sont des pays à risque, mais ce type de pays, il y en a beaucoup. Des risques, il faut juste essayer de ne pas en prendre trop», affirme-t-il à Géopolis.
 
Evidemment, visiter l’Afghanistan requiert quelques précautions : «Pendant notre périple, nous essayions d’être le plus discret possible. On voyageait en tenue locale, surtout les femmes. Moi, je m’étais laissé pousser la barbe», raconte ce globe-trotter parti avec un groupe de cinq Françaises dans le cadre d’un voyage organisé par l'une de ses connaissances. Laquelle était partie prospecter le marché touristique local.
 
Le groupe a visité trois zones : Hérat, Bamiyan et le Panshir. Pour s'y rendre, il a pris l'avion dans deux de ces trois destinations, au départ de Kabul. 

Un guide explique la guerre contre l'Union soviétique qui débuta en 1979, au musée de la Guerre à Hérat, dans le nord-ouest du pays, près de la frontière iranienne. (REUTERS / Raheb Homavandi)

Prendre un minimum de risques
L’agence de voyage Afghan Logistics & Tours, basée à Kaboul, organise des séjours dans le pays, à la fois pour les Afghans et pour les étrangers. Ces derniers sont néanmoins très peu nombreux à s’y rendre. «De 2003 à 2007 (les années qui ont suivi l'arrivée des Occidentaux en 2001, ndlr), la situation sécuritaire était encore acceptable, et nous avions 200 à 300 touristes étrangers par an. Mais depuis 2008, nous n’en recevons plus que 50 à 100», regrette Muqim Jamshady, chef de l’agence, interviewé au téléphone par Géopolis.
 
Lui aussi dit éviter au maximum les trajets en voiture. Selon lui, seule la route reliant la capitale au nord du pays, serait encore sûre. Les risques sont à prendre très au sérieux. Il faut donc être d'une extrême prudence. «Le danger principal, c’est d’être kidnappé et rançonné», rappelle Didier Farsy. Les talibans attaquent en effet fréquemment les convois et minent les routes.
 
C’est d’ailleurs en voyageant entre les villes de Bamiyan, au centre, et Hérat, près de la frontière iranienne, en voiture, que les six touristes européens et américains se sont fait viser par les talibans. Selon le Guardian, ces touristes étaient des clients de l’agence de voyage Hinterland Travel (qui fait partie des trois tours-operators britanniques à organiser des voyages en Afghanistan).
 
Celle-ci explique sur son site : «Le pays est désespérément pauvre. Franchement, il a besoin de toute l’aide que nous, ou d’autres, sommes susceptibles de lui apporter. Les grandes routes sont devenues épouvantables, mais sont en cours de reconstruction. Les Afghans sont amicaux et très accueillants. Pour autant, ils sont méfiants tant que l’on n’a pas prouvé que l’on est seulement de paisibles voyageurs. Dans ce pays, l’histoire ancienne et récente se côtoient, entre vestiges bouddhistes et tanks incendiés.»
 
Le convoi attaqué le 4 août 2016 était escorté par l’armée afghane. Pour Didier Farsy, sur de longues distances, il faut donc privilégier l’avion. Ce que confirme Muqim Jamshady. D'une manière générale, ce dernier dit prendre des mesures de sécurité draconiennes, tout en évitant de recourir aux services de policiers locaux. «Pour chaque groupe, nous avons toujours un garde armé. Nous évitons au maximum les routes dangereuses, et nous nous tenons informés en permanence auprès des autorités de Kabul».
 
Au carrefour de l'Asie et du Moyen-Orient, l'Afghanistan a été influencé par de nombreuses religions. Les gigantesques statues de Bamiyan prouvent que le bouddhisme était présent dans le pays au premier millénaire de notre ère. Elles ont été dynamitées par les talibans en 2001. (ZHANG XINYU / NURPHOTO)

«Je n’y retournerai pas»
Depuis toujours, la situation de l’Afghanistan, sur ce qui était autrefois la route de la Soie, en fait un carrefour. Notamment un carrefour de religions, entre zoroastrisme, bouddhisme (comme le prouvent les statues de Bamiyan détruites en 2001 par les talibans) et islam.

 

Par la suite, le tourisme en Afghanistan a bel et bien existé. Dans les années 1960-70, de nombreux Occidentaux parcouraient les montagnes dans ce qui était encore un royaume. Parmi eux, des hippies. Beaucoup faisaient la route jusqu’au Népal ou jusqu'à Goa, sur la côte ouest de l’Inde, ce que l’on appelait alors le «Hippie Trail». Une route popularisée par la visite des Beatles en 1968. L’Afghanistan montagneux était déjà un endroit propice pour trouver et consommer du cannabis ...
 
En 1979, les talibans ont mis fin à cette forme de tourisme. Là où les routards voyageaient avec leur seul sac-à-dos, il faut désormais s’entourer d’une véritable escorte. Et cela a un prix : «pour un voyage sécurisé, cela coûte entre 280 et 480 dollars par jour», explique le chef de l’agence de voyage Afghan Logistics & Tours.
 


Ces mesures n’ont pas effrayé Didier Farsy qui garde de bons souvenirs du pays. «Il n’y avait aucun touriste, on était les seuls, c’était très agréable. J’ai par exemple pu assister à une partie de bouzkachi (sorte de polo national mais à la place d’une balle, les joueurs frappent dans une carcasse animale décapitée, ndlr), ce qui est rare. Les paysages sont magnifiques.» Il n'en reste pas moins réaliste: «Pour autant, je n’y retournerai pas, c’est très stressant, ce n’est pas facile».
 
Parmi les neuf pays qu’il lui reste à visiter, il y a la Somalie. Didier Farsy se demande bien comment visiter cet Etat en guerre …

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