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Afrique du Sud: l'heure de Julius Malema le rouge a-t-elle sonné?

Le bouillant chef du parti d'opposition sud-africain des «Combattants pour la liberté économique» (EFF) a beau comparaître devant la justice, le 7 novembre 2016, pour avoir appelé la population à s'approprier illégalement les terres agricoles du pays, il ne s'en frotte pas moins les mains. Le nouveau scandale qui éclabousse le président Jacob Zuma, sa bête noire, sert son discours radical.
Article rédigé par Véronique le Jeune
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Julius Malema, le jeune leader des «Combattants pour la liberté économique» (EFF). (Siphiwe Sibeko / REUTERS)

Depuis le 2 novembre et la publication d'un rapport révélant les liens compromettants entre le chef de l'Etat sud-africain et la riche famille Gupta d'origine indienne, accusée d'imposer ses choix au gouvernement, les appels à la démission du président se multiplient.

Julius Malema, 35 ans, et ses partisans tout de rouge vêtus, sont les premiers à faire entendre leur voix. Pour eux, l'heure a peut-être sonné de transformer en actes les slogans révolutionnaires.

Cela fait plusieurs mois que les militants du parti de gauche radicale des «Combattants pour la liberté économique» (EFF) réclament le départ de Jacob Zuma, en place depuis 2009, pour corruption massive. Sans que l'intéressé ne soit jusqu'à présent vraiment inquiété.

Malema pointe le «désespoir» du gouvernement
En réponse, l'équipe présidentielle n'a cessé de poursuivre en justice Julius Malema, exclu en 2012 de l'ANC (Congrès national africain, le parti de Zuma) pour propos agressifs et devenu un agitateur gênant pour le pouvoir.

Avril 2016: l'ANC porte plainte contre Malema pour ses déclarations «inflammatoires, traîtres et séditieuses». L'opposant avait affirmé qu'il allait «perdre patience» et qu'il n'excluait pas d'avoir recours à la violence pour renverser le gouvernement.

Octobre 2016: nouvelles poursuites judiciaires après des discours incitant ses partisans à s'emparer de terrains agricoles inexploités partout dans le pays. «Des crimes d'effraction», selon le Parquet. 

Pour Julius Malema au contraire, cette agitation judiciaire trahit le «désespoir» du gouvernement ne sachant comment répondre aux arguments des opposants.

La pauvreté, la jeunesse défavorisée, les privilèges des Blancs auxquels il faut mettre fin sont ses sujets de prédilection.

Il adhère à l'ANC dès l'âge de 9 ans
Né dans l'une des provinces les plus déshéritées d'Afrique du Sud, le Limpopo, Julius Malema a connu le dénuement. Sa mère, qui l'a élevé seule, était employée de maison. Chez lui, on écoutait les discours de l'ANC qui, très tôt, le séduisent et le poussent à adhérer dès l'âge de 9 ans!

Le jeune homme monte rapidement en grade, doté déjà d'une langue bien pendue. En 2008, il prend les rênes de la ligue de la jeunesse du parti et se montre tout entier dévoué à Jacob Zuma.

Ses diatribes anti-Blancs le mettent sous les feux des projecteurs. Un peu trop au goût de l'ANC qui lui demande de modérer son langage. Mais rien n'y fait et Julius Malema finit par être exclu en 2012. Depuis ce jour, Zuma est devenu son ennemi juré.

La démission de Zuma, l'idée fixe de Malema
Un an plus tard, après quelques ennuis judiciaires (déjà), Julius Malema fonde sa propre formation, l'EFF, qui promet aux Noirs, après la gestion politique, la gestion économique du pays. Son programme: redistributions, nationalisations ... Il soigne son look révolutionnaire, béret rouge, allure militaire à la Sankara, l'un de ses modèles et se fait appeler «commandant en chef».

Lors des dernières élections générales de 2014, les EFF font leur entrée au Parlement avec 25 députés, devenant la troisième force politique du pays. Une arène où, plutôt que de discuter des projets de loi, ils choisissent de perturber régulièrement les débats pour demander la démission de Jacob Zuma, l'idée fixe de Malema.

En mai 2016, le désordre est à son comble. Habillés de combinaisons rouges, chaussés de bottes, en hommage aux mineurs, les EFF échangent des coups et des insultes avec les membres de la sécurité du Parlement qui cherchent à les expulser.


Malema, salutaire ou caricatural ?
L'attitude des EFF et les heurts qu'ils provoquent choquent les autres parlementaires et une partie des Sud-Africains. Mais d'autres y voient l'émergence d'un vrai contre-pouvoir.

Ainsi, Lesiba Teffo, politologue cité par RFI, juge que «même s'ils ont un comportement peu parlementaire, il faut reconnaître (...) qu'ils réussissent à faire avancer les choses avec leur attitude provocatrice». Et de se demander: «La vraie question est plutôt: comment en sommes-nous arrivés là? Aurions-nous ce genre de chaos si nous n'avions pas un président compromis à la tête de l'Assemblée?».

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