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Afrique subsaharienne : le défi de la formation et de l'emploi

15 millions de jeunes arrivent chaque année sur le marché du travail, en Afrique subsaharienne. Cette jeunesse, si elle est bien formée, représente un atout pour le rattrapage des économies africaines. Sinon, elle ira grossir les rangs du chômage et de la délinquance, voire nourrir les trafics et l’immigration. Un échec serait lourd de menaces. Les pays de la Francophonie, appellent à l'action.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Collège technique de Bangui, en Centrafrique (mars 2014). (Reuters : Siegfried Modala )

«L’Afrique va-t-elle monter dans le train de la mondialisation ou le regarder passer?», s'interrogeait le 27 octobre 2015 le président Ali Bongo Odimba lors du forum de Paris sur la Francophonie économique. L’enjeu est de taille, une course de vitesse est engagée entre démographie et développement sur le continent. La croissance des économies africaines, avoisinent les 5%, mais elle est encore insuffisante pour répondre aux immenses défis du continent.
 
Course de vitesse
Avec un doublement de sa population à l'horizon 2035 et des sols de plus en plus dégradés par la sécheresse, la région sahélienne francophone est particulièrement menacée. Au Niger, 250.000 jeunes se présentent chaque année sur le marché du travail, 170.000 au Mali. Le marché du travail aura bien du mal à absorber cette population nouvelle sans une forte mobilisation des autorités locales et de la communauté internationale. De nombreux secteurs économiques sont susceptibles de fournir les emplois de demain à condition d'assurer une bonne formation professionnelle. Il faudra d'abord scolariser cette jeunesse qui représente aujourd’hui la moitié de la population africaine. Un Institut de la Francophonie pour l’éducation et la formation basé à Dakar veut former 10.000 enseignants et formateurs par an.
 
Il est grand temps également de diversifier les économies africaines, encore trop basées sur les secteurs minier et agricole. Il faut, comme en Asie et en Amérique Latine, créer des industries manufacturières et des activités de services. «Les économies africaines doivent trouver leurs places dans la division internationale du travail pour créer de la valeur et de l'emploi», affirme Hakim Ben Hammouda de la Banque Africaine de Développement. L’agriculture est toutefois en mesure d’absorber rapidement un grand nombre de bras. Une agronomie plus productive qui préserve la qualité des sols doit permettre de créer des millions d’emplois. Il faudra augmenter les rendements agricoles afin de nourrir une population des villes appelée à tripler d’ici 2050.  
 
Ecole supérieure africaine des technologies et des communications (Abidjan) (afp/ issouf Sanogo)

Electrifier les campagnes
Le développement du continent passe par l’électrification des campagnes. Il faudra former des centaines de milliers de techniciens pour la pose et la maintenance de panneaux solaires. Il n’y aura pas d’agriculture performante sans pompes à eau, moulins à grains et électricité pour booster une agro-industrie naissante. Reste à financer des investissements massifs dans les centrales solaires, le biogaz ou les éoliennes. L’argent du secteur privé, des banques de développement, mais aussi de la diaspora africaine (50 milliards d'euros par an) doivent permettre ces investissements massifs.
 
L’économie numérique
L'emploi passe également par la création d’entreprises et l’innovation numérique. L’Afrique a raté le téléphone fixe, mais est en pointe sur le téléphone mobile et le e.banking (banque par téléphone). «A force d’être en retard, l’Afrique peut finir par être en avance», affirme l’économiste Nicolas Baverez. «Dans de nombreux domaines, elle peut bénéficier des toutes dernières technologies.» L'accès à internet sera demain possible via de simples ballons gonflés à l'hélium, des drones solaires, ou une constellation de mini satellites. Des villages africains connectés, ce sera techniquement possible avant 2020. 
Le numérique permettra de dépasser les frontières, avec un enseignement à distance (universités numériques) mais aussi dans le domaine de la santé avec des diagnostiques à distance.
 
Une nouvelle génération d’ingénieurs commence à créer des applications (logiciels) au service de la population africaine. Le transfert de technologie et de savoir-faire sera un puissant accélérateur économique.

Industries culturelles
Les secteurs de la culture – musique, médias, audiovisuel – ont également un fort potentiel d’emplois par la création de programmes sur le continent africain. La zone francophone, avec près de 400 millions de locuteurs, peut jouer un rôle majeur, en mutualisant les investissements et les publics.
 
La Chine et l’Inde s’engagent massivement sur le continent africain, essentiellement pour profiter de son potentiel minier et agricole. La France semble avoir une vision à plus long terme. Si elle veut à l’évidence bénéficier des opportunités économiques du continent, elle mesure également les menaces que ferait peser sur l’Europe une jeunesse africaine privée d’emplois. L’Afrique est un continent jeune et pauvre, l’Europe un continent riche et vieillissant. Les deux continents peuvent beaucoup s’apporter mutuellement s’ils mobilisent pleinement leurs atouts respectifs. Un échec du décollage africain serait en revanche lourd de menaces et d’instabilité.

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