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Benjamin Stora remet le 20 janvier son rapport sur "les mémoires de la colonisation et de la guerre d'Algérie"

Le président Emmanuel Macron avait confié une mission à l'historien en vue de favoriser "la réconciliation entre les peuples français et algérien".

Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Benjamin Stora, historien de l'Algérie coloniale et de la guerre d'Algérie, le 5 mai 2001. (ABDELHAK SENNA / AFP)

Le 20 janvier 2021, l'historien Benjamin Stora remet officiellement à Emmanuel Macron son rapport sur "les mémoires de la colonisation et de la guerre d'Algérie", avec des propositions pour parvenir à "une nécessaire réconciliation" franco-algérienne, près de 60 ans après la fin du conflit, a indiqué l'Elysée.

Dépassionner le regard sur la colonisation

Dans sa lettre de mission, Emmanuel Macron indiquait "qu’il importe que l’histoire de la guerre d’Algérie soit connue et regardée avec lucidité. Il en va de l’apaisement et de la sérénité de ceux qu’elle a meurtris". Pour le président français, il en va aussi "de la possibilité pour notre jeunesse de sortir des conflits mémoriels".

Il n'est pas question d'écrire une histoire commune de l'Algérie, mais d'envisager des actions culturelles sur des sujets précis, à déterminer, comme par exemple les archives ou la question des disparus

Benjamin Stora historien de l'Algérie contemporaine

AFP

Dans une démarche parallèle, le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait annoncé, le 19 juillet 2020, la nomination du docteur Abdelmadjid Chikhi, Directeur général du centre national des archives algériennes, pour mener un travail de "vérité" sur les questions mémorielles entre les deux pays.

Une enfance algérienne

Si le président français a choisi Benjamin Stora pour cette mission délicate, c’est que son travail d’historien est respecté de part et d'autre de la Méditerranée, même si un autre historien, Jean Sévillia, l'accuse de "complaisance à l'égard de la lecture indépendantiste des événements". Ce qu’il réfute totalement dans une mise au point adressée au Figaro.

Benjamin Stora écrit, il est vrai, avec sa sensibilité, refusant une approche trop académique de l'Histoire. Il faut dire que son enfance a été marqué par la tragédie algérienne. Dans son livre, Les Clés retrouvées, il évoque son enfance juive à Constantine et le souvenir d'un monde qu'il a vu s'effondrer. La famille Stora habite alors dans une ville où juifs et musulmans vivent séparés du quartier européen. Mais, écrit-il dans ce livre autobiographique, pour lui et ses parents l’Algérie française était "comme une évidence".

Jusqu'à l'âge de 12 ans, il voit sous ses fenêtres – il habite en face de l'hôpital militaire  défiler la guerre civile algérienne, avec les bombes et les atrocités de part et d’autre. Il quitte l'Algérie avec ses parents en 1962, quelques jours avant la proclamation de l'indépendance et connaît alors comme la plupart des pieds noirs une forme "d’exil et de déracinement".

Sa mère, devenue ouvrière chez Peugeot en banlieue parisienne, le fait pencher à gauche, et même à l’extrême-gauche (Trotskyste). Ce qui fait de lui, dans l’après 1968, un compagnon des luttes ouvrières et "anti-impérialistes", même s’il se sent plus proche du réformiste Messali Hadj (son sujet de thèse), fondateur du mouvement nationaliste algérien (MNA), que du FLN.

Respecté des deux côtés de la Méditerranée

A ce vécu qui lui permet de comprendre "dans sa chair", les différents points de vue du conflit, s’ajoute un énorme travail de recherche qui fait de lui un historien respecté par tous les acteurs du conflit, des deux côtés de la Méditerranée.

"A travers les archives écrites, la presse, les témoignages et aussi les images… j’ai essayé de comprendre les motivations des Algériens, des musulmans, mais aussi des juifs et des Européens, c’est-à-dire de toutes les communautés. Pas simplement de donner de restituer des visions à partir d’un seul aspect ou d’une seule dimension, mais de croiser les points de vue pour dégager un paysage historique d’ensemble."

"J’ai entrepris ce va-et-vient, sans cesse recommencé, entre ce qui est arrivé dans l’histoire algérienne et ma propre expérience, en éclairant sans cesse l’une par l’autre. Car l’irruption de l’expérience subjective, comme facteur de vérité et non plus comme vecteur d’illusion, fait partie de ma façon d’écrire l’Histoire." affirmait Benjamin Stora lors d’une journée consacrée à son travail, organisée au Mucem de Marseille.

Ses très nombreux livres et documentaires, qui rythment un travail de 40 ans, permettent dans un langage toujours limpide de mieux comprendre la genèse, le déroulement et l'issue d'une tragédie où se mêlent un conflit colonial, un affrontement nationaliste mené par les indépendantistes algériens et une guerre civile entre deux communautés vivant depuis plus d’un siècle sur un même territoire. Cette histoire a, on le sait, longtemps alimenté des crispations et des débats passionnés sur des deux rives de la Méditerranée.

Un lien de plus en plus distendu avec l'Algérie

Cette mission de réconciliation intervient donc près de soixante ans après l’indépendance de l’Algérie. Si des millions de Français (pieds-noirs, appelés du contingent, harkis, Franco-Algériens …) ont encore un lien affectif avec l’Algérie, celui-ci est de plus en plus distendu et lointain. Cette nostalgie ou cette rancœur devrait bientôt s’apaiser faute de combattants. Aujourd’hui très âgés, les acteurs de cette histoire sont sur le point de quitter la scène et emporter les conflits mémoriels avec eux.

De leur côté, les trois quarts des Algériens sont nés après la guerre d’indépendance et n’ont connu que le FLN. Le parti au pouvoir depuis soixante ans, aujourd'hui en position difficile, ne peut plus mettre en avant, comme dans le passé, les crimes du colonialisme pour justifier les difficultés économiques et l'échec démocratique, comme le montrent l'autre terrible guerre civile algérienne des années 90 contre les islamistes et les manifestations du Hirak ces derniers années.

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