Cet article date de plus de sept ans.

Les journalistes algériens sous le choc après la mort de leur confrère en prison

La mort du journaliste Mohamed Tamalt, survenue après trois mois de grève de la faim, a créé une onde de choc dans la presse algérienne. Condamné à deux ans de prison pour «offense au président de la République», le journaliste est décédé dimanche 11 décembre 2016 des suites d’une «infection pulmonaire». Un précédent dangereux, selon les journalistes algériens.
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Capture d'écran (DR)
«Le pouvoir politique peut tuer de sang froid dans le huis clos d’une longue procédure. Mohamed Tamalt n’a pas échappé au sort qui guettait Mohamed Benchicou (ancien directeur du Matin) et Hocine Benhadid (général à la retraite), pour ne citer que les plus connus des prisonniers politiques des années Bouteflika. Bien sûr, il n’y a rien de prémédité. Personne n’a ordonné de laisser mourir Mohamed Tamalt pour des écrits aussi diffamants à l’encontre du président Bouteflika peuvent-ils être. C’est la posture du pouvoir qui est, encore, ainsi faite. Elle répond par la logique brutale des représailles judiciaires au lieu du droit. Elle porte ainsi la survenance de l’homicide en elle. Et s’apprête aussi à passer à autre chose», estime Ihsane El Kadi, dans un édito assassin sur Maghreb émergent.

 
Le journaliste algérien Mohamed Talmat, condamné en juillet 2016 à deux ans de prison pour «offense au président de la République», est décédé dimanche 11 décembre 2016, à l’hôpital de Bab El Oued (Alger), des suites d’une «infection pulmonaire», selon l’administration pénitentiaire. Mohamed Tamalt, qui possédait également la nationalité britannique, animait une page Facebook sur laquelle il publiait des contenus mettant en cause des responsables du pays ou des membres de leur famille.

 
«L’outrage à chef d’Etat ne peut justifier ce sort tragique qui marquera la presse à tout jamais. Elle remet sur le tapis le sempiternel débat sur la notion d’outrage dont foisonne la législation algérienne, au seul bénéfice du monde politique dirigeant. Quant au ministère de la justice, au cœur du problème, il est tenu de prendre des mesures conservatoires en attendant les résultats de cette commission d’enquête qui s’impose. D’ores et déjà il devra en tirer une leçon : la justice ne peut plus continuer à fonctionner avec des méthodes d’un âge révolu : des magistrats aux ordres, des conditions de détention  déshumanisantes, une justice a deux vitesses… », s’indigne Ali Bahmane dans El Watan.
 
Le journaliste et éditeur Arezki Ait-Larbi remet en cause la version officielle. «Laisser mourir un détenu en grève de la faim relève de la non assistance à personne en danger. Mais lorsqu'on apprend que ses avocats avaient déposé plainte, en octobre dernier, contre le directeur de la prison de Koléa, suite au constat, par le frère de Mohamed Tamalt, de blessures sur la tête du détenu, il s'agit bien d'une présomption de meurtre que seule une enquête impartiale pourra élucider», écrit-il sur sa page Facebook. Et de poursuivre : «Est-ce le retour vers les années de plomb ? La mort suspecte de Mohamed Tamalt ne concerne pas les seuls journalistes. Elle interpelle la conscience de chaque citoyen».

 
«Cette nouvelle est un véritable coup de massue pour tous ceux qui défendent la liberté d'informer en Algérie. Le message envoyé par cet évènement tragique est terrifiant : comment expliquer qu’on ait laissé l’état de santé de Tamalt se détériorer sans rien faire ? Comme l’ont souligné RSF et d’autres organisations de défense des droits humains, pourquoi une telle condamnation pour des propos exprimés sur Facebook, qui ne mettaient concrètement personne en danger ? Il est urgent de permettre aux avocats d’accéder au dossier médical du journaliste. Des excuses publiques devraient également être présentées à la famille du journaliste et une enquête doit être immédiatement ouverte pour faire toute la lumière sur cette affaire», déclare Yasmine Kacha, directrice du bureau Afrique du Nord de Reporters sans frontières (RSF). 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.